Le chantier de la nouvelle Hadopi avance, filtrage et liste noire compris

Le chantier de la nouvelle Hadopi avance, filtrage et liste noire compris

Une nouvelle mezzanine pour Nyssen

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Marc Rees

Publié dans

Droit

07/09/2018 7 minutes
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Le chantier de la nouvelle Hadopi avance, filtrage et liste noire compris

Alors que le Parlement européen est plongé jusqu’au cou dans la réforme de la directive droit d’auteur, en France, la ministre de la Culture poursuit le chantier Hadopi. Selon les derniers propos de Françoise Nyssen, filtrage et liste noire figurent en bonne place du plan de bataille.

La loi Hadopi fêtera l’année prochaine ses dix ans d’existence. L’institution, mal-née, contestée, malmenée, avait adressé ses premières demandes d’identification en septembre 2010. Depuis, le torrent devenu fleuve a poursuivi sa route, malgré des critiques cinglantes.

Cette année, l'autorité a fêté ses dix millions d'avertissements et obtenu 101 contraventions selon les derniers relevés. Seulement, avec l’évolution des usages, la riposte graduée est considérée aujourd’hui comme dépassée. Alors que les internautes trouvent en quelques clics quantité de films en streaming, la Rue du Texel reste vissée sur un périmètre délimité : le peer-to-peer. Un peu comme ce gendarme surveillant l’autoroute, lorsque les automobilistes lui préfèrent les nationales, pied au plancher.  

Face à une telle situation, les alternatives ne sont pas légion : statu quo, enterrement, réforme. Sans surprise, la ministre de la Culture a opté pour ce dernier choix, seul à être entendu par l’industrie culturelle. En réponse à une question parlementaire de Brigitte Kuster (LR, Paris) plaidant pour cette voie, elle a d’abord dressé un état des lieux peu reluisant.

Des actions judiciaires jugées trop longues

Outre une riposte graduée cantonnée au P2P, ignorant streaming et direct download, elle considère que « les actions judiciaires visant à faire fermer ou à bloquer l'accès aux sites pirates impliquent des procédures longues et coûteuses, dont l'efficacité est limitée par la réapparition rapide de sites-miroirs ».

Il faut déjà relativiser ces affirmations. Cette année, deux décisions du tribunal de grande instance de Paris ont considérablement allégé ces démarches. L’une a posé que l’actualisation de la liste des sites à déréférencer dans les moteurs pouvait avoir lieu sans intervention d’un juge. L’autre autorise le référé pour les actions en cessation (blocage et déréférencement). En quelques jours, une décision peut désormais être obtenue en justice, quand il fallait préalablement des mois (notre actualité). 

Troisième souci ministériel : « Les initiatives reposant sur le droit souple portent leurs fruits, mais sont, par construction, subordonnées à la volonté de coopération des acteurs concernés » explique-t-elle, sans faire ouvertement référence à l’accord signé entre l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa) et Google.

Dans sa besace, la ministre est donc revenue avec plus de détail sur un chantier déjà esquissé par ses soins, objet d’un groupe de travail interministériel.

Le filtrage des contenus, dans la lignée de l’article 13

Au détour de sa réponse, on apprend qu’un groupe de travail interministériel est piloté par le ministère de la Culture pour plancher sur la réforme déjà annoncée. Son objectif ? « L'élaboration d'une stratégie globale de lutte contre la contrefaçon sur Internet ». Le sujet devrait réunir le secrétariat d'État au Numérique, la Culture, mais aussi la Justice, l’idée étant d’une manière ou d’une autre de faire sauter l’intervention judiciaire.

Qu’en est-il exactement ? La ministre fait état de multiples pistes de réflexion. Première d’entre-elles, « la promotion et l'encadrement des technologies de reconnaissance des contenus, qui permettent de comparer automatiquement l'empreinte d'une œuvre avec celle des contenus mis en ligne par les internautes ». Cette petite phrase se résume en un trait : du filtrage.

Il permettra « d'éviter ainsi l'apparition ou la réapparition de contenus contrefaisants sur les plateformes qui hébergent des œuvres ». Éviter la réapparition d’un contenu c’est d’un, scruter l’ensemble des fichiers uploadés, de deux, bloquer ceux qui correspondent à une base de données renseignée par les ayants droit.

L’idée est en pleine phase avec la proposition de directive sur le droit d’auteur, au vote mercredi prochain au Parlement européen, dont l’article 13 prévoit, selon les versions des amendements, un tel déploiement technologique. Une ambition contestée par ses opposants puisque le filtrage s’accommode mal avec la dentelle des exceptions au droit d’auteur, comme le droit de citation et de parodie ou, plus largement, la liberté d’expression et de communication.

« Les mesures proposées devront permettre de répondre aux difficultés que certains titulaires de droits, dont les auteurs autonomes ou indépendants, peuvent rencontrer dans l'accès à ces outils techniques » ajoute Nyssen, qui veut se faire avocate des petits dans une réforme qui profitera avant tout aux grands. Elle évoque ces créateurs affiliés à aucune société de gestion collective, qui pourraient de ce fait se retrouver privés des joies du filtrage, faute d’être représentés par une telle structure.

Lumière sur les listes noires

La ministre annonce également « des mesures plus contraignantes à l'égard des sites de streaming illégaux sont envisagées ». Parmi elles, la constitution d'une « liste noire » par la Hadopi, ainsi que la « possibilité d'agir rapidement contre les sites dits « miroirs », qui font renaître des sites pirates qui ont fait l'objet d'une action en cessation ».

L’adverbe « rapidement » suggère que c’est la haute autorité elle-même qui serait chargée de dresser cette liste infamante, histoire d’automatiser les restrictions d’accès chez les intermédiaires techniques.

Cela tombe bien. L’intéressée a déjà fait savoir publiquement qu’elle se tenait prête à endosser cette mission, pour devenir une sorte de tiers de confiance chargé d’évaluer la proportionnalité des solutions proposées et garantir l’équilibre entre des intérêts divergents (ceux des ayants droit, des hébergeurs, des éditeurs de contenus). 

Une riposte graduée plus « efficace », plus « pertinente »

Enfin, pour la réponse graduée précisément, « les réflexions en cours portent sur les moyens d'en améliorer la pertinence et l'efficacité, s'agissant de la pratique du pair-à-pair, à laquelle elle s'applique ».

Sur ce terrain, un rapport de deux conseillers d’État a émis plusieurs pistes comme un coup de rabot sur le nombre d’avertissements avant le passage à la phase judiciaire, voire l’instauration d’une amende infligée par la Hadopi elle-même. Contrairement à l’influent Nicolas Seydoux, qui affirmait en 2017 que les textes étaient déjà prêts, Nyssen n’évoque pas ouvertement ces modifications.

Elle préfère être encore au chevet des petits auteurs indépendants... L’idée, déjà proposée par la Hadopi elle-même, serait de les autoriser à saisir cette institution « pour demander la mise en œuvre de la procédure de réponse graduée à leur égard, en s'appuyant sur un constat d'huissier ».

Au-delà de l’opportunité stratégique et politique de cette réforme, reste une dernière question : quel véhicule législatif choisir ? Fenêtre rêvée, la future loi sur l’audiovisuel devait être présentée en fin d’année. Selon nos informations, le nouvel agenda table plutôt pour un examen en 2019.

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Des actions judiciaires jugées trop longues

Le filtrage des contenus, dans la lignée de l’article 13

Lumière sur les listes noires

Une riposte graduée plus « efficace », plus « pertinente »

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

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Commentaires (24)


La comparaison d’empreinte d’une œuvre est il la même chose que contentID ? .

Et comment cela fonctionne t’il ? . Hash du contenu, du nom, des infos fournies ? .



Désolé pour toutes ces questions mais je n’ai aucune idée de la façon dont ça marche.


Encore de l’argent gâché au lieu d’être investis dans des projet intelligent.<img data-src=" />


Vivement qu’ils s’aperçoivent avec quelle facilité ce sera contourné. <img data-src=" />

Après tout, une des missions d’hadopi est la pédagogie de masse. <img data-src=" />


“Depuis, le torrent devenu fleuve a poursuivi sa route”



<img data-src=" /> <img data-src=" />


le jour où il y aura une offre légale avec la même qualité, rapidité, simplicité et diversité de contenu que ce qu’on trouve ailleurs, peut être que les gens arrêteront le piratage…

on ne compte plus le nombre de films (entre autres) qui sont introuvables sur l’offre légale (que ce soit en stream, vod, location, CD/DVD…) alors qu’ils sont (étaient) trouvables en 3 clics sur divers sites (T411 principalement&nbsp;<img data-src=" /> )


J’espère que la liste noire sera publique, histoire de simplifier la recherche….


3 choses :





  1. J’ai pas 150€ par mois à dépenser dans du contenu

  2. Ceux qui sont passé au tribunal pour défaut de sécurisation ont eu quel sanction ?

  3. 80 millions injectés ailleurs auraient pu rapporter combien ?








skankhunt42 a écrit :



3 choses :





  1. J’ai pas 150€ par mois à dépenser dans du contenu

  2. Ceux qui sont passé au tribunal pour défaut de sécurisation ont eu quel sanction ?

  3. 80 millions injectés ailleurs auraient pu rapporter combien ?





    2.&nbsp; Théoriquement, jusqu’à 1 500 euros.&nbsp;



étant donné que la principale cause du piratage c’est l’anachronique chronologie des médias, bloquer les sites ne changera rien, à part pousser encore plus de monde vers netflix.

mais croire que les gens vont s’abonner à Canal (qui est le principal financier du cinoche français), c’est totalement hors sol comme raisonnement. personne de normalement constitué en 2018 n’est prêt à payer 35€ pour avoir canal, alors qu’en lachant 3 fois moins on a 10 fois plus de contenu sur netflix.



comme en France toute la culture est pilotée à Paris au ministère, la moindre des choses ça serait d’avoir une stratégie nationale, or visiblement la seule stratégie c’est de bloquer bêtement, de filer des amendes, et de dire aux gens d’aller au cinoche et de s’abonner à Canal.

10 ans depuis Hadopi, 14 ans depuis DADVSI.



l’Etat stratège, dans toute la splandeur.


Assez inquiétant quand on voit a quel point content ID bloque des utilisations parfaitement légales… Je peux encore comprendre l’idée de lutter contre la mise à disposition illicite d’oeuvres, bien que je pense que les problèmes que rencontrent les auteurs de ces oeuvres dérivent avant tout d’un modèle économique mal foutu, mais j’ai vraiment beaucoup de peine lorsqu’un artiste créée une oeuvre parfaitement dans les clous mais se voit bloqué par le système. Dans ce cas de figure aussi les procédures sont trop longues et désavantageuses…



Concernant la focalisation p2p, c’est plutôt logique: c’est l’utilisation de contenu non autorisée qui implique le plus l’utilisateur: il ne consulte pas simplement passivement, et la responsabilité de la plateforme est moins évidente aussi. Pour le streaming, il est a mon avis plus sage (ou moins inutile) de se focaliser sur la plateforme.








skankhunt42 a écrit :



3 choses :





  1. J’ai pas 150€ par mois à dépenser dans du contenu







    Où est-il indiqué que tu as l’obligation de dépenser 150€ par mois pour du contenu ?









SebGF a écrit :



Où est-il indiqué que tu as l’obligation de dépenser 150€ par mois pour du contenu ?





Ce n’est pas une obligation mais juste une estimation par rapport à tout ce que je regarde en passant par du P2P, et encore c’est vraiment une estimation basse… La semaine dernière je me suis fait la saison 8 de big bang theory, 24 épisodes à 2.50€ sois 60€ ou bien 5 mois de netflix… Série d’ailleurs retirée de netflix il y à quelques mois.



A la limite je pourrais me payer un abonnement netflix mais bon pour trouver juste 40% de ce que je regarde quotidiennement c’est pas assez pour me faire franchir le pas. Pour le reste j’ai pas du tout le budget donc théoriquement il y à aucune perte pour eux.



Soyons réaliste, le contenu payant pour regarder des films / séries c’est vraiment le dernier maillon au niveau budget et si demain l’offre ne changeaient pas et qu’il était impossible de pirater les gens s’occuperaient surement autrement.



Paradoxalement c’est ce qui nous regroupe le plus socialement car c’est un forme de culture bien ancrée et l’accès devrais être donc facile et peu cher. Je pense notament à game of thrones mais la encore 6 saison à 10 épisode chacun de 3€ en HD c’est quand même une facture finale de 180€ sois 15 mois d’abonnement netflix.









skankhunt42 a écrit :



Soyons réaliste, le contenu payant pour regarder des films / séries c’est vraiment le dernier maillon au niveau budget et si demain l’offre ne changeaient pas et qu’il était impossible de pirater les gens s’occuperaient surement autrement.







Exact. Et si le P2P devient impossible, avec moi, c’est Radio France qui aurait un auditeur quotidien plus impliqué, et les vendeurs de livres qui auraient un client plus acharné en pareil cas.



J’ai tellement de choses à faire que ne plus avoir de vidéos en P2P ne serait pour moi qu’un simple incident de parcours sans grand INpact sur ma vie quotidienne. Je passe déjà mes soirées de semaine à produire de la culture (écrivain) au lieu d’en consommer, par exemple…



Il restera l’échange en main propre ou par courrier.








AncalagonTotof a écrit :



“Depuis, le torrent devenu fleuve a poursuivi sa route”



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“tant va la cruche a l’eau qu’a la fin tu me les brises ” <img data-src=" />

(les inconnus)



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Ami-Kuns a écrit :



Il restera l’échange en main propre ou par courrier.







Exact. J’avais oublié.



il y à environ 20 ans, c’était une pile de cd ou dvd assez lourds, maintenant une clefs de 256 go, c’est très léger.<img data-src=" />








Ami-Kuns a écrit :



il y à environ 20 ans, c’était une pile de cd ou dvd assez lourds, maintenant une clefs de 256 go, c’est très léger.<img data-src=" />







Et un HDD de 1 To en 2,5 in, ça tient dans la poche, expérience vécue.



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Ami-Kuns a écrit :



il y à environ 20 ans, c’était une pile de cd ou dvd assez lourds, maintenant une clefs de 256 go, c’est très léger.<img data-src=" />





Ca ne sert à rien de comparer des choses incomparables. Tu pourras toujours utiliser google drive ,&nbsp; wetransfer ou Mega pour envoyer des gros fichiers à un (seul) tier.

&nbsp;

Le P2P comme le streaming, c’est du one-to-many , avec le “many” que tu ne connais pas à priori. Ainsi que la fonction de recherche et de pérennité des urls .



Perso je suis pas inquiet : La nature a horreur du vide… et on a tous de plus en plus des connections FTTH. Il existe déjà des logiciels / protocoles / technologie pour facilement s’affranchir de Hadopi ou autres , simplement à l’heure actuelle l’inertie des gens & la complexité de ces solutions sont des freins . Mais si les ronds de cuir arrivent à faire ce qu’ils espèrent , je suis sur que des devs aujourd’hui dans l’ombre prendront vite leurs marques.









Ami-Kuns a écrit :



Il restera l’échange en main propre ou par courrier.





Je voulais dire impossible de chez&nbsp; impossible ou même aller regarder un film chez un amis serais impossible à moins de payer car reconnaissance faciale via la télévision pour lancer le contenu. Bien entendu ce genre de pratique multiplierais le nombre de vidéo sur une plateforme de type youtube et les majors perdraient encore plus d’argent.



“Une nouvelle mezzanine pour Nyssen”



Mais du coup, ça sera aussi démontable comme réforme ?


&nbsp; Encore un exemple de l’avenir du net avec le filtrage automatique voulu par les nayantdroits:

https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/2333823-20180910-sony-censure-video-pianiste-interpretant-jean-sebastien-bach


J.S. Bach (ayant droit) a demandé le filtrage du net ?








Tandhruil a écrit :



J.S. Bach (ayant droit) a demandé le filtrage du net ?






    C'est probablement une identification automatique (on dira IA pour faire chic) de FB qui a "reconnu" une interprétation d'une personne sous contrat avec Sony, prétendant alors à une violation des droits détenus par Sony.         






  Alors qu'en réalité, l'interprétation est différente mais probablement pas suffisamment pour que l'IA arrive à voir la différence pour peu que le type joue sur un matos similaire et avec un dispositif d'enregistrement proche, avec un jeu comparable à l’interprète sous contrat avec Sony.    






   Ca illustre à merveille le fait que les filtrages automatiques vont sabrer des publications d’œuvres parfaitement légitimes, ceci pour le plus grand bonheur des nayantdroits qui pourront contrôler a priori ce qui a le droit d'être publié ou non et même entraver l'accès aux œuvres tombées dans le domaine public.         






   Je t'invite à cliquer sur le message twitter contenu dans l'article, d'autres intervenants signalent d'autres blocages totalement débiles (comme un white noise par exemple...)