Dans le cadre de la réforme constitutionnelle, les parlementaires PS proposent qu'à l'avenir, des « amendements citoyens » soient débattus par le Parlement (à condition d’avoir été soutenus par au moins 10 000 internautes). Une piste qui ne semble cependant guère emballer la majorité.
« Il y a beaucoup de sujets sur lesquels il faut batailler pendant cinq, dix ou vingt ans pour que les choses arrivent à leur terme. Le vrai sujet, c'est de ne jamais lâcher », nous confie le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure.
L’élu, qui plaidait déjà sous la précédente majorité pour l’introduction d’amendements dits citoyens, s’apprête à revenir à la charge à partir de la semaine prochaine – l’Assemblée débutant son examen, en séance publique, du projet de réforme constitutionnelle.
« Hélas, le seul objet de la réforme proposée par Emmanuel Macron, c’est de concentrer davantage de pouvoirs dans les mains d'un seul, là où il faudrait au contraire permettre au plus grand nombre de participer aux décisions », dénonce le député « Nouvelle Gauche ».
Afin de « créer un lien continu entre les parlementaires et leurs électeurs », Olivier Faure et ses collègues proposent « d'établir une démocratie collaborative », qui s’organiserait notamment autour d’amendements et de propositions de loi que les internautes pourraient proposer et/ou soutenir directement sur Internet.
Permettre aux citoyens de faire « irruption » dans les débats parlementaires
L’idée ? Que tout amendement réunissant un certain nombre de soutiens soit examiné en séance publique, de la même manière qu’un amendement « traditionnel ». Il faudrait également que ces propositions remplissent les conditions de recevabilité des amendements parlementaires (notamment sur le plan financier).
« Ce dialogue permanent n'a nullement vocation à remettre en question le principe du mandat représentatif », souligne Olivier Faure. Et pour cause, ce serait bien entendu les parlementaires qui resteraient libres d’adopter, ou non, chaque amendement citoyen. « La seule contrainte pour les élus sera donc d'avoir à se positionner et à justifier leur point de vue. »
Un seuil non plus de 45 000, mais de 10 000 soutiens
En 2015, le député PS tablait cependant sur un seuil de 45 000 signatures minimum (soit 1/1 000ème du corps électoral). Désormais, il propose que « les propositions d’amendements soutenues par au moins 10 000 citoyens » puissent être examinées par les assemblées.
« Les amendements citoyens ne doivent pas être anecdotiques mais au contraire habituels dans les débats parlementaires », fait valoir le locataire de la Rue de Solférino pour justifier ce seuil « relativement accessible ». L’objectif affiché : éviter une procédure « trop rigide », et dès lors susceptible de « créer de la frustration du côté des citoyens ».
L’amendement soutenu par le groupe Nouvelle Gauche ne s’avance toutefois guère sur les modalités exactes de mise en œuvre de cette réforme. Les « amendements citoyens » seraient en effet examinés en séance « selon les conditions fixées par les règlements des assemblées ».
Il appartiendrait ainsi à l’Assemblée comme au Sénat de choisir une procédure de sélection. Olivier Faure suggère néanmoins dans son exposé des motifs « la désignation d'un rapporteur ad hoc », qui serait chargé de présenter les différents amendements citoyens lors des débats dans l’hémicycle.
Pour les propositions de loi citoyennes, même concept. Le seuil serait cependant fixé à 100 000 électeurs. Le texte devra alors être inscrit à l’ordre du jour « au plus tard dans les deux mois suivant son dépôt ».
La majorité préfère miser sur le « Forum de la République »
Examinée en commission, vendredi 29 juin, la proposition du groupe Nouvelle Gauche a été balayée d’un revers de la main par la majorité.
Les rapporteurs préfèrent visiblement le système de pétitions en ligne qui s’esquisse au travers de la réforme du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Renommé en « Forum de la République » (alors que le gouvernement proposait « Chambre de la société civile »), l’institution devrait pouvoir être saisie par voie de e-pétition, avant de faire « connaître au gouvernement et au Parlement les suites qu’[elle] propose d’y donner ».
Emmanuel Macron avait en effet souhaité qu’à partir d’un certain seuil, « par exemple celui de 500 000 signatures », ce qu’on appelle parfois la troisième assemblée « puisse voter leur transmission au gouvernement, mais aussi aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale, pour y déclencher un débat ».
« Il existe une forte aspiration à la rénovation démocratique et à la participation citoyenne, et le CESE pourrait devenir un espace de dialogue au sein de la société civile organisé pour les citoyens, pour la démocratie participative, pour l’innovation, pour des débats citoyens, pour des jurys citoyens », s’est justifiée la rapporteure Yaël Braun-Pivet (LREM).
La réforme poussée par la majorité ne convainc toutefois pas Olivier Faure, qui y voit un « gadget ». « On va créer un filtre entre l'Assemblée et les citoyens, regrette-t-il. Alors qu'il me semble qu'on devrait au contraire rechercher un rapport plus direct, ce que permet l'amendement citoyen. »
Certains pourraient par ailleurs ajouter qu’un amendement a une portée normative, susceptible de conduire rapidement à une réforme. Ce qui n’est pas forcément le cas d’un simple débat organisé suite à une pétition.
Nombreux débats en perspective
Le groupe Nouvelle Gauche prévoit sans surprise de redéposer ses amendements. Il espère même arriver à convaincre quelques élus au-delà des bancs socialistes.
En mars dernier, une centaine de députés de la majorité s’étaient en effet déclarés favorables, au travers d’une tribune, à ce que les parlementaires aient dorénavant pour mission de « favoriser la participation citoyenne ». Pour l’heure, l’article 24 de la Constitution leur demande en effet « simplement » de voter la loi, contrôler l’action du gouvernement et évaluer les politiques publiques.
Initialement portée par Paula Forteza, cette réforme permettrait à chaque député ou sénateur de choisir les « outils » qui lui semblent le plus appropriés pour remplir cette nouvelle mission : consultations en ligne, ateliers en circonscription, ou même « amendements citoyens ».