Le gouvernement veut faire du CESE la « Chambre de la société civile »

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Droit 5 min
Le gouvernement veut faire du CESE la « Chambre de la société civile »
Crédits : Assemblée nationale

Le gouvernement a présenté ce matin en Conseil des ministres son projet de loi constitutionnelle. L’un de ses articles est consacré au Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui a vocation à devenir une institution dédiée à la participation citoyenne. Le texte reste toutefois flou sur la réforme qui s’annonce.

Coûteux, inutile, quasiment inconnu du grand public... Le CESE fait souvent l’unanimité – mais contre lui-même. Plusieurs candidats à la présidentielle proposaient d’ailleurs la suppression pure et simple de la « troisième assemblée » française, dont le rôle consiste à éclairer les travaux du législateur, notamment au travers d’avis.

Plutôt que de la faire disparaître, Emmanuel Macron avait promis que l’institution deviendrait le « canal privilégié de la participation des Français à la décision publique », une véritable « Chambre du futur » adaptée aux nouveaux outils de communication – Internet en tête. La réforme constitutionnelle portée par le gouvernement d’Édouard Philippe, dévoilée en partie aujourd’hui (deux projets de loi, l’un organique, l’autre ordinaire, devant être présentés ultérieurement), a ainsi vocation à entériner les engagements présidentiels.

Consultations et pétitions dans les mains de l'institution

À l’issue du Conseil des ministres, l’exécutif a confirmé que le Conseil économique, social et environnemental se transformerait en une « Chambre de la société civile » – et non plus une « Chambre du futur », comme l’avait évoqué Emmanuel Macron, ou même une « Chambre de la participation citoyenne », pour reprendre l’expression utilisée dans l’avant-projet de loi soumis pour avis au Conseil d’État (et révélé par Contexte).

La Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a indiqué en conférence de presse que cette fameuse chambre ne serait plus composée que de 155 conseillers, contre 305 pour le CESE aujourd’hui. En janvier dernier, Emmanuel Macron s’était engagé à ce que le gouvernement renonce aux 60 « personnalités associées » qu’il pouvait jusqu’ici désigner. Les membres de l’institution continueront néanmoins d’être choisis parmi des « représentants de la société civile ».

L’exécutif a surtout annoncé que « Chambre de la société civile » serait à l’avenir « systématiquement saisie des projets de loi à caractère économique, social et environnemental ». À ce jour, c’est le gouvernement qui décide, au cas par cas, de soumettre un texte au CESE.

Des effectifs divisés par deux 

L’institution organisera d’autre part « la consultation du public », indique le compte rendu du Conseil des ministres, « et aura aussi vocation à accueillir et traiter les pétitions dans un cadre rénové ».

L’avant-projet de loi transmis au Conseil d’État restait tout aussi flou sur les modalités de mise en œuvre de ces deux réformes, puisqu’il renvoyait à une loi organique le soin de les préciser.

On imagine toutefois mal comment ce « cadre rénové » pourrait faire l’impasse sur le numérique. Et ce d’autant qu’Emmanuel Macron a promis que le CESE deviendrait « le réceptacle des pétitions citoyennes, avec la possibilité de recueillir des signatures numériques, sur une plateforme dédiée à cet effet ».

Le président souhaite qu’à partir d’un certain seuil, « par exemple celui de 500 000 signatures », l’institution « puisse voter leur transmission au gouvernement, mais aussi aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale, pour y déclencher un débat ».

Le chef de l’État n’a pas détaillé quels seraient les internautes autorisés à « voter » pour des pétitions, ni comment ceux-ci pourraient s'authentifier. Il a cependant assuré que « la jonction de plusieurs pétitions identiques » serait possible.

Un « cadre rénové » pour des pétitions en ligne

Ce projet n'est pas complètement anodin, puisqu'il est préparé par le CESE depuis de longs mois. Et pour cause. Suite à la réforme constitutionnelle de 2008, le Conseil peut recevoir des pétitions citoyennes (auxquelles il reste libre de choisir « les suites qu'il propose d'y donner »), mais uniquement sur support papier.

Pour être recevable, toute pétition doit remplir une série d’impératifs « pratiques » pour le moins rédhibitoires... Il faut tout d’abord qu’au moins 500 000 personnes majeures, de nationalité française ou résidant régulièrement en France, signent le texte en question. Chacune d’entre elles doit pour cela avoir laissé ses noms et prénoms ainsi que son adresse postale complète, de même qu’une signature manuscrite. L’ensemble doit ensuite être envoyé au CESE par liasses de cent, contenues dans des cartons numérotés, etc.

Lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 30 octobre dernier, le secrétaire général du CESE a ainsi raconté qu’une seule procédure était jusqu’ici arrivée à son terme, en 2013, au sujet du mariage pour tous. « J’étais bien embarrassé pour vérifier l’authenticité de ces 700 000 signatures et repérer les éventuels doublons, triplons ou quadruplons, a-t-il déclaré. Sans une dématérialisation bien organisée, il nous est quasiment impossible de traiter une telle pétition. »

« Nous sommes convaincus qu’il faut permettre la dématérialisation pour donner sa pleine effectivité à cette disposition » avait-il expliqué, affirmant que « sur papier, le dénombrement, la vérification et l’archivage sont impossibles ». L’institution plaide de ce fait pour que le législateur lui permette dorénavant de recevoir des pétitions présentées par voie électronique.

En attendant, le CESE a trouvé la parade pour commencer à prendre en compte les avis des internautes : il surveille les sites spécialisés (de type Change, MesOpinions, Avaaz...) afin d’identifier des thèmes sur lesquels il pourrait s’auto-saisir. L’institution s’est ainsi auto-saisie il y a quelques mois en réaction à plusieurs pétitions sur le thème des déserts médicaux.

Les parlementaires à l'affut

« Nous allons entrer dans le temps du débat parlementaire », a déclaré ce matin Édouard Philippe, bien conscient des réticences que suscite son projet de réforme constitutionnelle (sur d’autres points tels que l’introduction d’une dose de proportionnelle ou la réforme de la procédure parlementaire).

Le Premier ministre a promis que le texte serait examiné « d’ici l’été » à l’Assemblée nationale, avant d’être transmis au Sénat. Faute d’accord entre les deux chambres, une seconde lecture s’imposera, à horizon 2019.

De leur côté, les parlementaires préparent leurs amendements. Certains songent ainsi à constitutionnaliser la neutralité du Net et le droit d’accès aux informations publiques, d’autres à introduire des « amendements citoyens » ou à revoir le référendum d’initiative partagée.

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