« Faire plus et mieux en innovant ». Un doigt pointé sur le streaming illégal, voilà la ligne directrice esquissée par la ministre de la Culture au sujet de la Hadopi. Des propos tenus lors d’une réunion organisée le 19 décembre dernier au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique.
L’année 2018 sera-t-elle celle de la réforme tant souhaitée par les organisations de défense de l’industrie culturelle ? Lors d’un échange au CSPLA mi-décembre dont nous disposons du verbatim, la ministre de la Culture a dévoilé les grandes lignes du chantier qui s’ouvre ces prochains mois entre plusieurs ministères.
Outre la Rue de Valois, il mobilisera le secrétariat d’État au numérique, le ministère de l’Économie, le ministère de la Justice et le ministère de l’Intérieur. Ces travaux vont s’organiser sur plusieurs axes.
Sensibilisation des internautes, valorisation de l'offre légale
Par exemple, la ministre entend accentuer « la sensibilisation des internautes sur les effets de la contrefaçon », car à ses yeux « la répression seule ne suffit pas, la pédagogie est nécessaire et constitue une voie d’approche essentielle notamment avec l’Éducation nationale et l’ensemble des opérateurs ». Rappelons néanmoins que le Code de l’éducation permet déjà de faire porter la bonne parole dans les classes, et ce depuis des années…
Dans le cahier des charges, un autre point concernera « la valorisation de l’offre légale ». Elle existe « mais reste insuffisamment référencée et promue ». Une manière de souligner en creux que les travaux de la Hadopi seraient trop en retrait, alors qu’il s’agit de l’une des missions de la haute autorité...
Jauger l'efficacité de la réponse graduée
Françoise Nyssen annonce surtout qu’une « étude comparée des politiques de lutte contre le piratage » sera menée afin d’ausculter les pratiques dans les différents États.
Ces enseignements permettront alors « d’évaluer l’efficacité de la riposte graduée mise en place au sein de la Hadopi » annonce-t-elle. On comprend assez mal l’opportunité d’une telle étude alors que la Rue de Texel l’a déjà réalisée en juillet dernier. Et on comprend d'autant plus mal son intérêt alors que la ministre estime par avance urgent de modifier cet outil.
Rénover la riposte graduée ? Une urgence
« La lutte contre les sites contrefaisants, le streaming et le téléchargement direct » est visiblement le gros sujet puisque ces ressources constituent à ses yeux « l’essentiel du piratage ». Selon ses chiffres, « le piratage coûte 1,4 milliard d’euros par an au secteur audiovisuel en France ». Un « fléau absolu qui détruit le modèle français ». Des données soufflées en réalité par une étude Ernst and Young datant de février 2017.
La ministre constate en tout cas que « la riposte graduée concerne un usage, le pair à pair, qui est en forte diminution, ce qui justifie le caractère urgent de la rénovation de l’outil ».
Ce chantier va arriver très vite puisque « des propositions vont être formulées au premier semestre 2018 ». Ces propositions « pourront être débattues dans un second temps au CSPLA et avec l’ensemble des acteurs concernés ».
Le vieux serpent de mer de cette réponse pénale votée en 2009 poursuit sa longue route. Les sociétés de gestion collective n’ont de cesse encore actuellement de pousser à l’adoption d’un système d’amende plus automatisée, alors qu’aujourd’hui la Hadopi est tenue de transférer les dossiers des abonnés récalcitrants à la justice.
Une procédure longue, notamment au regard des respects des droits de la défense. On rappellera que l’ancien président du collège s’est montré peu partisan d’un mécanisme d’amende, comme il nous l’a confié à l’occasion de sa dernière interview.