Liberté d'expression : Juliette Méadel suggère un impôt Charlie Hebdo sur les GAFA

Je suis taxé
Droit 4 min
Liberté d'expression : Juliette Méadel suggère un impôt Charlie Hebdo sur les GAFA

Trois ans après les attentats de Charlie Hebdo, Juliette Méadel, ancienne secrétaire d'État chargée de l'aide aux victimes, a une généreuse idée : créer un impôt sur les bénéfices des grands acteurs du numérique afin d’assurer la sécurité des journalistes, et au-delà, soutenir la liberté d'expression.

Pour justifier cette ponction, cette membre du précédent gouvernement souligne que le coût de la sécurisation des locaux de Charlie Hebdo, mais également des personnes non protégées par l’État reste à ce jour à la charge de nos confrères. Une somme qui est loin d’être neutre, puisqu’évaluée à 1,5 million d'euros par an. Or, « quand Charlie n'aura plus les ressources disponibles pour faire face à ces dépenses », pas de doute : « il disparaîtra ».

Pour épauler le titre, et donc la liberté d’expression, Juliette Méadal suggère la création d’un impôt « Charlie Hebdo », qui serait – si on comprend bien sa tribune - une sorte de taxe affectée pour protéger la sécurité de l'environnement des journalistes.

Et la vache à lait est toute trouvée, à portée de clics : « Il pourrait s'agir d'un impôt sur les bénéfices de la publicité diffusée sur internet ou d'un impôt sur les bénéfices en France réalisés par les GAFA ».

La diffusion des « idéologies délétères » sur les réseaux sociaux

Pourquoi les grandes entreprises du numérique ? Simple, dans l’esprit de l’ancienne secrétaire d’État : « les réseaux sociaux contribuent largement à la diffusion des idéologies délétères et anti-démocratiques. Il serait donc de bonne politique que ce média-là – Internet- participe au financement des médias qui, comme Charlie Hebdo, sont les remèdes à ce fascisme qui se nourrit aussi des fake news ».

La mesure pourra être applaudie par les uns, mais critiquée par les autres. D’un, il est un peu simple de pointer un doigt accusateur sur les réseaux sociaux, alors que les racines du mal sont sans doute beaucoup plus diffuses, à la fois géopolitiques et économiques. Pourquoi ne demander qu’à Twitter ou Facebook de financer la sécurisation des locaux des journalistes, et pas aux FAI, à EDF, ou à  l’État via tout simplement l’impôt sur les sociétés ?

De deux, il est surtout un peu fort de solliciter les fortunes amassées par ces géants en arborant le drame du 7 janvier 2015 alors que le précédent gouvernement, comme les autres, a porté ou défendu des mesures visant justement à menacer ou contrôler la liberté d’expression.

2012-2017, de multiples atteintes aux libertés fondamentales

La loi Renseignement de 2015 a par exemple, autorisé la surveillance indirecte des journalistes. À tel point qu’elle a été attaquée par plusieurs représentants de la profession devant la Cour européenne des droits de l’Homme en raison des multiples atteintes portées notamment au sacro-saint respect des sources.

En 2014, la loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a quant à elle accentué la responsabilité des intermédiaires techniques  (Facebook, OVH, Twitter, et les autres) en leur demandant d’être juges de tous les contenus mis en ligne par des tiers et appelant « à la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ».

Il ne s’agit pas pour nous de justifier l’injustifiable, mais ce texte a opéré un vaste glissement sémantique sur les épaules des hébergeurs. À l’origine, la loi de 2004 sur la confiance dans l’économie numérique était calibrée pour lutter contre les contenus manifestement illicites (pédophilie en tête). Depuis cette réforme, voilà ces acteurs poussés à contrôler des contenus à l’illicéité moins évidente, avec un risque évident de censure. Et donc d'atteinte à la liberté d'expression, celle que cherche à défendre l'ex-secrétaire d'Etat. 

C’est d’ailleurs ce qu’anticipait Axelle Lemaire lorsqu’elle exhortait la ministre Najat-Vallaud Belkacem à ne « pas confier ce rôle de censeur à des sociétés privées. Hors des cas les plus patents, tels que la pédopornographie ou l’apologie de crimes contre l’humanité, il est essentiel qu’une autorité judiciaire indépendante ordonne ce retrait ». 

Plus récemment, la loi du 28 février 2017 a pénalisé le fait de consulter « habituellement et sans motif légitime » un site considéré comme terroriste. Certes, les journalistes disposaient d’un passe-droit leur évitant les deux ans d’emprisonnement et les 30 000 euros d’amende, mais ce n’était que s’ils restaient dans les limites floues de « l’exercice normal » de la profession, avec une jolie épée sur la tête en cas de débordement.

Sans surprise, le Conseil constitutionnel a censuré (par deux fois) cette infraction jugeant qu’il y avait « une atteinte à l'exercice de la liberté de communication qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ». 

S’il s’agit plutôt de poser à plat la question de l’optimisation fiscale des géants du Net, la création d’un impôt Charlie Hebdo n’est peut-être pas le meilleur cheval de Troie à envisager. Le précédent gouvernement avait d’ailleurs cinq ans pour entamer ce chantier, resté inachevé.

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