Alors qu’elle vient de déposer une plainte contre Apple pour le ralentissement de certains modèles d’iPhone, l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP) applaudit l’ouverture d’une enquête préliminaire à l’encontre Epson sur le sujet des cartouches d’encre. Nous avons interviewé son avocat, Me Émile Meunier.
En septembre dernier, l’association HOP déposait la première plainte contre X en obsolescence programmée et tromperie devant le tribunal de grande instance de Nanterre. En substance, elle accuse le secteur de raccourcir délibérément la durée de vie des imprimantes et des cartouches d’encre.
« Lorsqu’une cartouche est faussement déclarée comme vide et bloque l’impression alors qu’il est démontré qu’il reste au moins 20% d’encre, il s’agit bien d’une technique, en l’espèce électronique, qui vise à réduire la durée de vie réelle de la cartouche d’encre puisque celle-ci est rendue inutilisable alors qu’elle pourrait encore fonctionner » expliquait l’association.
Comme l’a révélé Le Point, une enquête préliminaire a été ouverte à l’encontre d’Epson. Me Émile Meunier, qui défend HOP, revient dans nos colonnes sur ce dossier, mais également le cas d’Apple. Une interview réalisée avant la réaction du fabricant hier soir.
Que signifie l’ouverture de cette enquête préliminaire à l’encontre d’Epson ?
Il s’agit de l’étape d’après, nous l’attendions du procureur. Nous avions adressé cette plainte contre X, à charge pour lui de faire ce qu’il juge bon. Il pouvait ne pas donner de suite, mais il a estimé qu’il y avait suffisamment d’éléments pour diligenter cette enquête.
Il a donc été convaincu par les faits soulevés et demandé aux services de la DGCCRF de la mener. Nous sommes évidemment satisfaits, car cette administration dispose de moyens qu’une association n’a pas. Perquisitions, interrogatoires, expertises… C’est la première fois en France et peut-être dans le monde qu’une autorité d’un pays se saisit sur le fondement du délit d’obsolescence programmée.
Quelles vont être les suites ?
Nous allons très rapidement prendre contact avec la DGCCRF pour déposer des éléments complémentaires en notre possession. Depuis le dépôt de la plainte, nous avons eu énormément de témoignages, notamment de réparateurs d’imprimantes qui ont corroboré les faits ou en ont amené de nouveaux.
De nouveaux faits ?
Visiblement, ce que l’on a dit sur les cartouches d’encre est encore plus massif pour les toners. Nous ne nous étions pas intéressés à ce segment en raison de nos moyens et parce que ce n’est pas l’équipement qu’on trouve le plus chez les particuliers. Cependant, au regard des témoignages reçus d’imprimeurs, nous étions prêts à déposer une nouvelle plainte.
Quelles sont vos chances de succès sachant que les éléments constitutifs de l’infraction sont complexes ?
Vous avez des cartouches d’encre qui vous indiquent qu’elles ne peuvent plus imprimer. Il ressort des expertises qu’elles contiennent encore un fort pourcentage d’encre. La question est de savoir pourquoi ? Si le fabricant n’est pas capable d’apporter une explication convaincante, il n’y aura pas d’autre voie possible. Le mobile sera déduit des faits.
Nous sommes confiants. Nous avons de solides arguments techniques et avons fait notre part du chemin. La DGCCRF va maintenant faire ses expertises pour corroborer les faits et demander une explication au fabricant.
Avez-vous eu des échanges avec Epson d’ailleurs ?
Nous l’avions contacté afin d’avoir leurs explications mais il ne nous a jamais répondu.
Et d’Apple, suite à votre plainte visant le ralentissement des iPhone ?
Nous n’avons pas plus eu de retours d’Apple. Nous avons mis en ligne un questionnaire, cinq personnes nous répondent par minute ! Toutes affirment qu’il y a bien eu ralentissement en septembre ou en octobre, au moment du téléchargement d’iOS 11.
Vous évoquez un « ralentissement » de l’iPhone, mais le code de la Consommation sanctionne une réduction délibérée de la vie d’un produit, ce qui est différent.
C’est une argumentation que j’entends et qui sera sans doute soulevée mais si on regarde les travaux parlementaires, on comprend dans ce délit d’obsolescence programmée quelque chose qui n’est plus utilisable dans des bonnes conditions.
Si du jour au lendemain, un logiciel dans votre voiture vous fait rouler à 50 km/h, vous n’êtes pas en mesure de rouler avec. Si avez une télé couleur qui, du jour au lendemain devient en noir et blanc, on ne peut plus l’utiliser normalement. On se dit que c’est assimilé à la diminution de la durée de vie.
D’ailleurs dans le questionnaire mis en ligne, plus de 80% des témoignages estiment que ces ralentissements sont susceptibles de leur faire changer d’appareil.
La plainte principale vise le ralentissement du clavier. Il devient très difficile de l’utiliser, car il répond avec beaucoup de « lag ». Le deuxième problème réside dans des applications beaucoup plus lentes.
Quelles solutions imaginez-vous de la part d’Apple ?
Derrière, nous avons déjà des propositions pour lutter contre ces problèmes de mises à jour. D’abord, un principe de réversibilité sans pénalisation, afin de revenir à une ancienne version du système. Ensuite, un principe de « sécabilité » pour déconnecter les mises à jour de sécurité des mises à jour de commodité. Enfin, un principe de transparence.
Le principal problème est justement l’information des consommateurs…
En effet. Nous avons voulu aller au pénal avec l’espoir de l’ouverture d’une enquête. Nous pourrons demander des dommages et intérêts. L’idée est aussi de rassembler énormément de plaignants.
Le bon outil aurait pu être l’action de groupe, mais en France le grand nombre de garde-fous font qu’elle n’a pas eu le succès escompté. Une class action repose sur le monopole des associations de consommateurs. Ensuite, il faut aller devant un juge pour définir son périmètre. Enfin, lancer une procédure d’opt-in auprès des consommateurs. Notre idée repose davantage sur un contentieux de masse qui nous permettrait de « shooter » une grande quantité de plaintes devant le même juge.
Avez-vous d’autres produits en ligne de mire ?
C’est le début d’une longue liste. Le coup d’après sera les collants qui semblent extrêmement fragiles. Ils ne sont pourtant pas vendus comme étant jetables mais comme étant durables.
L’autre point, ce sont les plaquettes de frein de véhicules de marque allemande, des produits vendus entre 500 et 1 000 euros. Elles sont signalées comme usées mais lorsqu’on fait des tests, on voit que cela n’est pas vraiment le cas.
Merci Me Émile Meunier.