Absent des législatives de 2017, le vote électronique pourrait bientôt faire son retour. C’est en tout cas le souhait du chef de l’État, qui a demandé hier à l’administration de travailler à « toutes les améliorations » possibles en vue notamment des élections de 2022 (toujours pour les seuls Français de l'étranger).
« Si nous ne sommes pas en capacité pour les prochaines élections de nous organiser pour avoir un système de vote étanche à toute attaque, ça ne s'appelle plus la France, notre pays ! » Ces propos, tenus lundi 2 octobre par Emmanuel Macron devant l’Assemblée des Français de l’étranger, font écho à la récente suppression du vote par Internet pour les citoyens résidant hors du territoire national.
Si ceux-ci eurent la possibilité de voter à distance lors du scrutin de 2012 (une première), il n’en fut pas de même en 2017. Pour mémoire, les pouvoirs publics ont préféré jeter l’éponge à quelques semaines du premier tour des élections législatives, sur recommandation de l’Agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information (ANSSI).
Guillaume Poupard, le numéro un de l’institution, avait justifié cette position dans nos colonnes : « On ne peut exclure un risque sur la sincérité, mais ce qui est plus probable, en termes de faisabilité, c’est une attaque majeure qui rende le système indisponible, détruise des bases, etc. avec un impact important sur l’image du fonctionnement de la démocratie. » L’intéressé n’excluait pas non plus des cas « de manipulations fines, pourquoi pas la publication de la liste des Français qui ont voté pour tel candidat ».
Le président ne veut « plus aucun débat » lors des législatives de 2022
Alors que le ministère de l’Intérieur a annoncé il y a quelques jours que les conditions de mise en œuvre du vote électronique feraient l’objet d’un « examen approfondi », Emmanuel Macron a clairement donné hier le cap suivi par l’exécutif sur ce dossier : « Je demande à l'administration et au ministre [qu’une] solution parfaitement sécurisée puisse être utilisée lors des prochaines élections consulaires de 2020 et que sur cette base, toutes les améliorations qui seraient indispensables puissent être conduites pour que lors des législatives de 2022, il n'y ait plus aucun débat. »
Le chef de l’État a promis que les pouvoirs publics prendraient « toutes les sécurités » en la matière. « Nous nous en donnerons les moyens parce que c'est un intérêt d'abord démocratique, mais c'est une question aussi de crédibilité et de souveraineté qui est la nôtre. »
Des critiques « abondantes et nourries » contre le vote électronique
Ce chantier s’annonce néanmoins ambitieux, tant le vote électronique fait l’objet de critiques « abondantes et nourries », dixit un rapport sénatorial de 2014. Séduisant par son coût moindre (2,93 euros pour le vote par Internet contre 12,77 euros en moyenne) et son aspect pratique, cette technique était déjà grandement remise en question par les sénateurs Alain Anziani (PS) et Antoine Lefèvre (UMP).
Les deux parlementaires pointaient du doigt l’impossibilité de s’assurer du secret du vote, l’électeur pouvant très bien « voter devant son ordinateur sous le regard et donc sous la pression plus ou moins forte d’un tiers ». Ils évoquaient d’autre part « un risque persistant, non seulement pour la sincérité du suffrage, mais aussi pour son secret », dans la mesure où il est impossible pour un votant de contrôler par lui-même le bon déroulement des opérations électorales.
Alain Anziani et Antoine Lefèvre faisaient enfin valoir que le vote par Internet attirait certes de nombreux électeurs, mais sans pour autant que cela dope « notablement » la participation. En clair, les abstentionnistes ne sont pas massivement retournés aux urnes uniquement parce qu’ils pouvaient désormais voter depuis chez eux.
Un point qui a également été abordé hier par Emmanuel Macron : « Ne soyons pas pour autant naïfs, le vote en ligne ne permettra pas à lui seul, en tout cas pas totalement, d'augmenter la participation à un niveau suffisamment satisfaisant. Et l'expérience de 2012 en atteste. »
Vers l’abandon des machines à voter
Cette position de l’exécutif peut quoi qu’il en soit paraître assez paradoxale dans la mesure où le ministère de l’Intérieur a inscrit dans sa feuille de route l’interdiction des machines à voter, elles aussi critiquées pour les risques qu’elles présentent pour la sincérité des suffrages...