La première plainte pour obsolescence programmée vise les fabricants d'imprimantes

L'encre de tes yeux de la tête
Droit 6 min
La première plainte pour obsolescence programmée vise les fabricants d'imprimantes
Crédits : vaeenma/iStock

C’est une première : l’association HOP vient de déposer plainte contre X en obsolescence programmée et tromperie devant le tribunal de grande instance de Nanterre. Dans sa plainte, elle accuse Epson et d’autres fabricants de « raccourcir délibérément la durée de vie des imprimantes et des cartouches » d’encre.

Depuis la loi Transition énergétique de 2015, l’article L. 441-2 du Code de la consommation interdit « la pratique de l’obsolescence programmée ».

Le législateur l’a défini comme « le recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d’un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie pour en augmenter le taux de remplacement ». Le fabricant reconnu coupable risque jusqu’à deux ans de prison et 300 000 euros d’amende voire une amende représentant 5 % de son chiffre d'affaires annuel moyen.

Une plainte contre X déposée par l’association HOP

Questionné par Next INpact le 14 septembre 2016, l’association UFC-Que Choisir jugeait « pas du tout surprenant » qu’aucune action n’ait été alors engagée pour sanctionner ce délit « vu la difficulté à démontrer qu'il y a une intention de raccourcir la durée de vie »

Près d’un an plus tard, l’association HOP (ou Halte à l’Obsolescence Programmée) a décidé de passer à l’action. Elle vient de déposer plainte contre X, des chefs d’infractions d’obsolescence programmée mais également tromperie et de « tout autre chef que l'enquête diligentée permettra d'identifier, ainsi que contre tout autre auteur ou complice de ces infractions ». 

Elle dresse un bilan peu honorable de ce marché : « le prix des cartouches a augmenté depuis une dizaine d’années alors que dans le même temps la quantité d’encre contenue dans une cartouche a baissé significativement ». Un exemple pour faire mouche : « 2 062 € le litre d’encre [...] deux fois plus cher que le parfum Chanel 5 ! »

Autre affirmation, des fabricants comme Epson « décourage[nt] par des messages anxiogènes l’utilisation de cartouches compatibles ». Mieux, les industriels utilisent sans cesse de nouvelles puces qui visent, de son point de vue, à retarder la mise sur le marché de cartouches génériques.

« Ces procédés pourraient être analysés comme des obstacles à l’utilisation de cartouches génériques, à l’instar de ce qui a été décidé par l’Autorité de la concurrence concernant les capsules de café génériques utilisables dans les cafetières Nespresso, susceptibles de constituer des pratiques prohibées » par le Code de la Consommation.

Des cartouches faussement déclarées vides

S’agissant précisément de l’article L. 441-2 précité, plusieurs conditions cumulatives sont exigées : un élément matériel (le recours à des techniques), un élément intentionnel (vouloir réduire délibérément la durée de vie de l’imprimante), enfin, un résultat attendu (voir augmenter le taux de remplacement).

Pour HOP, deux techniques peuvent tomber dans ce périmètre. D’abord, le blocage des impressions au motif que les cartouches d’encre seraient vides alors qu’il reste encore de l’encre en stock. Pour le démontrer, rien de plus simple : l’usage d’un « resetter », appareil qui va réinitialiser la puce chargée d’estimer la quantité d’encre restante, permet d’imprimer encore d’autres pages.

Et pas qu’un peu : « Suivant un test mené par un bureau d’étude en 2015, le « Seattle Bellevue Fine Art », il resterait près de 20 % d’encre dans les cartouches de l’imprimante Epson 9900. Le bureau d’étude aurait interrogé à plusieurs reprises Epson à ce sujet sans réponse avant de produire une vidéo sur YouTube afin de révéler cette pratique ».

En guise de test, l’association a également comparé une cartouche neuve Epson T1294 jaunes avec la même, déclarée comme vide par le matériel qui interdit donc tout impression.  « D’une part, on peut constater que la cartouche neuve ne contient de l’encre que dans les deux cavités centrales. Environ deux tiers de la cartouche neuve est vide (partie inférieure, supérieure et latérale droit). Cette pratique est trompeuse, car un acheteur pourrait penser que la cartouche est entièrement remplie d’encre contrairement à la réalité. »

Mieux, « d’autre part, il reste bien de l’encre dans la cartouche usagée de droite contrairement à ce qui est indiqué par l’imprimante ».

cartouche epson association HOP

Les documents du fabricant relèvent qu’il peut rester une « quantité variable » d’encre, mais pour l’association, « lorsqu’une cartouche est faussement déclarée comme vide et bloque l’impression alors qu’il est démontré qu’il reste au moins 20% d’encre, il s’agit bien d’une technique, en l’espèce électronique, qui vise à réduire la durée de vie réelle de la cartouche d’encre puisque celle-ci est rendue inutilisable alors qu’elle pourrait encore fonctionner ».

Elle conforte sa position par un autre exemple : « certains modèles d’imprimantes Epson comprennent deux cartouches d’encre noire. Or, l’imprimante interdit toute impression en noir et blanc alors même qu’une des deux cartouches noires est encore pleine ». Bref, pour elle, pas de doute, l’idée est bien de pousser le consommateur à l’achat de ce cher liquide.

Le tampon absorbeur, visa pour une nouvelle imprimante ?

Autre cas problématique : « le tampon absorbeur d’encre affichée en fin de vie alors qu’il ne l’est pas ». Cette petite pièce a pour fonction d’absorber les gouttes d’encres usagées rejetées lors de l’impression et du nettoyage des têtes.

Selon la documentation Epson, il s’agit d’éviter le risque de « détériorations matérielles liées à des débordements d’encre ou des problèmes de sécurité générés par l’excès d’encre entrant en contact avec un composant électrique ».

Mais la plainte a une autre grille de lecture : « Aucune sonde ne relève le taux d’absorption du tampon encreur. L’imprimante décompte le nombre de copies et de cycles de nettoyage pour en déduire un moment hypothétique où le tampon absorbeur est supposé être plein. Une fois ce moment hypothétique atteint, l’imprimante se bloque ».

Là encore des techniques de contournement existent (« Epson ink pad reset »). Ceci fait, des utilisateurs « peuvent encore imprimer des copies de qualité pendant encore plusieurs années, sans qu’aucun des risques invoqués par Epson ne survienne » affirme HOP qui, épaulée par plusieurs témoignages, flaire là aussi une technique destinée à réduire la durée de vie de l’imprimante, puisque « le prix de la réparation et du changement du tampon absorbeur d’encre d’une imprimante Epson revenant peu ou prou au prix d’achat d’une imprimante neuve ».

Dans le document mis en ligne, elle craint aussi que les éléments de l’infraction de tromperie ne soient réunis, « En effet, les informations erronées de la fin de vie du tampon absorbeur d’encre et des cartouches d’encre sont de nature à tromper le consommateur ».

Une procédure financée par appel aux dons

Le procureur de la République décidera des suites de cette plainte. En cas d’impasse, l’association menace de se porter partie civile directement auprès du juge d’instruction.

Notons que pour couvrir ses frais de justice, elle a également lancé un appel aux dons sur la plateforme GoFundMe. « Faire un don pour HOP, c’est avant tout contribuer à sa manière, au changement de la vie de millions de citoyens et unir nos forces contre un phénomène de gaspillage révoltant ». 

Nous avons contacté Epson qui, bien que cité plusieurs fois dans ce document, n'a pas voulu réagir à une plainte contre X à ce stade de la procédure.

 

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