Le 6 septembre, la Cour de justice de l’Union européenne décidera du sort de l’amende de 1,06 milliard d’euros infligée à Intel par la Commission européenne. Une affaire qui remonte à 2009.
Ce 13 mai 2009, Paul Otellini, alors CEO d’Intel, ne cachait pas sa colère : « Nous contestons vivement cette décision que nous jugeons déplorable et qui fait fi de la réalité d’un marché où règne une très forte concurrence, caractérisée par une innovation constante, des produits toujours plus performants et des prix en baisse. Les consommateurs n’ont été lésés en rien ».
Ce n’était pas l’avis de la Commission européenne. Suite à plusieurs plaintes déposées par AMD en 2000, 2003 et 2006, elle avait sanctionné ce même jour l’entreprise pour violation des règles de concurrence prohibant l’abus de position dominante. L’institution bruxelloise lui reprochait d’avoir mis en œuvre une stratégie destinée à exclure du marché AMD selon plusieurs biais.
Une stratégie d'éviction visant AMD
Selon son enquête, Intel avait concédé de généreuses remises à plusieurs gros fabricants d’ordinateurs (Dell, Lenovo, HP et NEC), mais à la condition qu’ils s'approvisionnent « exclusivement ou quasi exclusivement auprès d'elle », expliquait à l’époque la Commission. D’autres manœuvres avaient été déployées via le distributeur Media-Saturn-Holding afin de s’accorder une place de choix dans ce réseau.
Elle citait plusieurs exemples aux antipodes d’une concurrence respectueuse : Intel avait accordé des remises à un fabricant entre fin 2002 et fin 2005 « à la condition que ce fabricant n'achète que des processeurs Intel ». D’autres fois, la société avait débordé d’imagination, et de ressources, pour retarder, voire annuler le lancement de produits équipés de processeurs AMD. Un cas concret : « Intel a effectué des paiements au profit du fabricant d'ordinateurs [non cité, ndlr] à condition qu’il reporte à janvier 2004 le lancement d'un bloc-notes équipé de processeurs AMD, initialement prévu pour septembre 2003 ».
Armée d’une épaisse série de preuves, « la Commission a constaté que ces paiements ont eu pour effet potentiel d'empêcher l’entrée sur le marché de produits pour lesquels il existait une demande des consommateurs ».
Une décision confirmée par le Tribunal
L’entreprise, qui représentait 70 % des parts de marché, avait attaqué cette amende, la plus forte à l’époque visant une entreprise sur le socle des règles de concurrence.
Le 12 juin 2014, dans un très long arrêt, le Tribunal, au sein de la Cour de justice de l’Union européenne, rejetait ce recours : « Les rabais d’exclusivité accordés par une entreprise en position dominante ont, par leur nature même, la capacité de restreindre la concurrence et d’évincer des concurrents du marché ». Contrairement à ce qu’estimait Intel, la Commission n’avait donc pas à démontrer cet effet d’éviction. Et les juges de dénoncer « une entrave inacceptable » au marché par un opérateur en forte position.
Des conclusions avant l'arrêt du 6 septembre de la CJUE
Intel a déposé un pourvoi visant cette décision, et c’est cet arrêt qui est attendu la semaine prochaine à la Cour de justice de l'Union européenne. Remarquons que déjà, dans ses conclusions du 20 octobre 2016, très techniques, l’avocat général Nils Wahl a suggéré à la Cour d’accueillir cette demande et surtout de renvoyer l’affaire au Tribunal pour réexamen.
Il considère en effet que le premier arrêt a commis plusieurs erreurs de fond, en particulier parce qu’il avait omis d’établir « que les rabais et les paiements offerts par la requérante produiraient selon toute vraisemblance un effet d’éviction de la concurrence ». Des vices de procédures ont été épinglés par ailleurs sur l’absence d’enregistrements des entretiens menés par la Commission européenne, que celle-ci a tenté de corriger a posteriori en fournissant une simple note interne.