Les relations parfois conflictuelles entre la presse et le nouveau président ont gagné un cran de plus. Pour avoir exploité des données issues des MacronLeaks, La Lettre A est attaquée par le mouvement En Marche. Il accuse le site de recel d’atteinte à un système de traitement automatisé.
Les MacronLeaks, des gigaoctets de données chapardées puis déversées sur Internet quelques heures avant le second tour, n’ont pas été laissés sans réponse. Très tôt, le parquet de Paris a ouvert une enquête sur cette fuite abyssale en confiant le chantier à la BEFTI, la Brigade d’enquêtes sur les fraudes aux technologies de l’information.
L’ANSSI elle-même a été mise à contribution sur demande de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle (CNCCEP) afin d’apporter son expertise technique. Bref, les grands moyens.
Côté presse, le sujet a évidemment fait la Une, pas seulement pour tenter de comprendre les origines de l’attaque qui a frappé En Marche, mais aussi pour fouiller l’océan de documents. « Qu’y a-t-il dans les « MacronLeaks » ? » a titré Le Monde dès le 11 mai 2017, avant de tenter quelques réponses.
Un article relatif aux généreux donateurs d'En Marche
À la CNCCEP qui demandait aux médias de ne pas rendre compte du contenu de ces données pour la sérénité de la période électorale, la réplique de Libération sera limpide : « devons-nous investiguer sur ces éléments de la campagne d’En marche et en publier certains le cas échéant ? Pour nous, la réponse est oui, comme n’importe quelle information devenant publique ».
Dans une main des données extirpées sans autorisation depuis un système informatique, dans l’autre, des journalistes poussés par la liberté d’information… L'arbitrage de nos confrères de La Lettre A n’a pas été apprécié par le mouvement politique.
Recel d'atteinte à un STAD
Son article intitulé « Qui étaient les premiers (grands) donateurs d’En Marche », qui s’est notamment appuyé sur les MacronLeaks, a motivé le dépôt d’une plainte du groupe politique d’Emmanuel Macron. Cette « plainte ne porte pas sur un éventuel délit de presse, remarque La Lettre A, car la véracité de nos informations pouvait difficilement être contestée, mais sur un délit commun ». Elle vise en effet un « recel d’atteinte à un système automatisé de données ».
Stupeur de la publication en ligne : « à ce jour, et bien que d'autres médias, dont Mediapart et Libération, aient aussi exploité les informations d'intérêt public contenues dans ces documents, La Lettre A est, à notre connaissance, la seule publication attaquée ». Autre fait notable, si quatre articles ont été publiés sur le sujet, seul celui relatif aux donateurs est visé par la plainte, poursuit Indigo Publications. L’éditeur du site rappelle d’ailleurs avoir pris « le soin de ne publier que les noms des donateurs nous ayant personnellement confirmé leurs contributions ».
Le recel, dit le Code pénal, est le fait de détenir ou transmettre une chose « en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit », ici un fait de piratage informatique. Il est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende prévient l’article 321-2 du Code. Le dossier est traité actuellement par Alice Cherif, vice-procureure qui était déjà intervenue dans le procès relatif à l’attaque par saturation du site du ministère de la Justice en 2012, ou dans l’affaire GreenRights-Triskel.