Copie privée : bras de fer contre bras de terre sur le prestataire des études d'usage

Tournez méninges
Droit 5 min
Copie privée : bras de fer contre bras de terre sur le prestataire des études d'usage
Crédits : Marc Rees (CC-By-SA 2.0)

La Commission Copie privée poursuit ses travaux. L’objectif ? Voter les nouveaux barèmes sur les box, disques durs externes, tablettes et smartphone. Préalable inévitable : trouver le bon prestataire chargé des études d’usages qui serviront à ces fins calculs. Dans le même temps est consacrée l’arrivée d’un nouveau membre.

Ce n’est qu’un rappel : la redevance pour copie privée vient combler le préjudice subi par l’ayant droit du fait des capacités de copies privées des œuvres licites sur les supports vierges détenus par les personnes physiques. À cette fin, des études d’usages organisées par une commission administrative, la Commission copie privée, vient jauger les pratiques des utilisateurs. En bout de course, des données glanées, une phase de calculs, mais aussi de consensualisme permettent de déterminer les montants prélevés sur chacun des supports mis sur le marché en France.

Le ministère de la Culture a lancé le 13 décembre 2016 un marché public destiné à réaliser une étude sur quatre segments : les décodeurs et box opérateurs, les disques durs externes, les téléphones mobiles multimédias et les tablettes tactiles multimédias, dans lesquels sont rangés au forceps les PC hybrides.

Selon nos informations, deux instituts seraient retenus par la Commission. Médiamétrie et l’Institut CSA. Seulement, au sein de cette instance sise Rue de Valois, les membres se divisent sur le choix de l'heureux élu.

Médiamétrie vs Institut CSA ?

Médiamétrie proposerait en effet de mener à bien une étude d’usage en ligne, via donc un questionnaire publié sur un site d’où seront glanées les réponses des consommateurs. Dans le collège des redevables (industriels et consommateurs) la préférence aurait été marquée pour cette méthode. L’Institut CSA préfèrerait en rester à une méthode beaucoup plus traditionnelle, celle du porte-à-porte. Le tarif d’un sondage en « face à face » est évidemment beaucoup plus cher, mais il séduirait le collège des ayants droit (12 membres).

Selon eux, la complexité des questions à poser exigerait cette rencontre physique que ne permet pas Internet. Une certitude : une rencontre sondeur/sondé permettra de reproduire les pratiques du passé, à savoir l’inquisition dans les tréfonds des supports du sondé.

Le porte-à-porte et la fouille des supports de Mme Michu

L’inquisition ? En 2011, Next INpact avait déjà révélé quelques-unes des questions élaborées par les ayants droit : « Nous souhaiterions à présent connaitre le nombre de fichiers présents sur votre baladeur audio (dit MP3) A ce titre, pouvons-nous regarder ensemble les fichiers qu’il contient ? ».

Pour rassurer le sondé, il était même suggéré à l’enquêteur de le « relancer sur le fait que nous ne souhaitons pas regarder dans les fichiers, mais uniquement compter le nombre de fichiers présents ». Un peu plus loin dans le flot des questions posées, on tombait sur cette autre question: « Pensez-vous avoir copié, enregistré ou téléchargé des fichiers piratés au cours des 6 derniers mois sur votre baladeur audio (dit MP3) ? » ou encore « Selon vous, quelle est la part de fichiers piratés copiés, enregistrés ou téléchargés sur votre baladeur audio (dit MP3)? », etc. 

sondage question copie privée

À l’époque, distributeurs et industriels avaient écrit au président de la Commission copie privée pour anticiper des biais dans les réponses : « puisqu’il est d’usage de demander les coordonnées de l’interviewé, les résultats relatifs au piratage seront considérablement sous-évalués, alourdissant ainsi mécaniquement la part de la copie privée par rapport à la copie illicite, et donc les barèmes ».

Pourquoi ces remarques ? Du fait d’une jurisprudence du Conseil d’État de 2008, la redevance copie privée ne peut compenser les pratiques de copies illicites. Les sondages doivent donc impérativement exclure les fichiers de sources illicites.

Il est simple alors d’imaginer la scène dénoncée : voilà un enquêteur mandaté par une commission rattachée à un ministère de la Culture, là où sont nés DADVSI ou HADOPI. L'enquêteur souhaite fouiller disques durs, tablettes, téléphones, box d’un sondé. Il demande ensuite à Mme Michu et ses enfants leurs sources d’approvisionnement. La crainte est que le sondé n’opte pour la discrétion maximale, minorant les sources illicites. Mécaniquement, cela gonflera la part du licite et du fait de la jurisprudence en vigueur, cela justifiera naturellement la perception d’un barème plus élevé dans les tarifs en gestation.

Un vote normalement acquis

Le 2 mai, la Commission copie privée se réunira pour tenter de choisir le titulaire du marché public. S’ils viennent tous, les ayants droit sont déjà assurés d’être en majorité puisque l’un des représentants des consommateurs a déjà dit qu'il sera absent : 12 contre 6 industriels + 5 consommateurs,  le résultat est beaucoup plus prévisible que le deuxième tour de la présidentielle.

Ajoutons pour finir, qu’un arrêté a été publié ce matin au Journal officiel. Il consacre, toujours dans le collège des consommateurs, le remplacement de la CLCV par l’INDECOSA-CGT (Association pour l’information et la défense des consommateurs salariés). Une place de choix pour la CGT qui ne s'intéresse pas seulement aux consommateurs mais aussi à la culture. D'ailleurs, une certaine Catherine Almeras est membre à la fois du Conseil d’administration de l’ADAMI, une des sociétés de gestion collective siégeant à la Commission copie privée, et de la direction générale du SFA-CGT, le syndicat français des artistes interprètes. 

Ce J.O. consacre d’ailleurs plus un retour qu’une arrivée. En 2001, INDECOSA-CGT siégeait déjà en Commission copie privée, toujours dans le collège des consommateurs. Si l’on remonte aux archives du 19 juillet 2001, on tombe sur un échange entre Daniel Tournez, alors secrétaire général de l'association, et Pascal Rogard (SACD). Sujet du jour ? La question de la taxation des décodeurs.

Ce dernier plaidait pour un assujettissement au plus vite de ces produits en devenir.  « C’est vrai que c’est ennuyeux de laisser les produits envahir le marché sans pouvoir défendre la rémunération, embrayait le représentant des consommateurs, mais tant qu’un produit n’est pas lancé, il a une valeur marchande relativement élevée, et avec l’évolution rapide, plus le produit est élevé au départ et moins il a de chance de percer sur le marché. Un bon paysan attend toujours que le blé soit bien sec avant de le faucher ».

indecosa

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