Quels sont les liens qui unissent le moteur franco-allemand et Microsoft Bing ? Un usage complémentaire nous explique Éric Léandri, quelque peu agacé de la présentation parfois faite dans les médias, particulièrement dans la Lettre A du 9 mars.
La Lettre A relate que Bpifrance s’est refusée à suivre les pas de la Caisse des Dépôts, avec ses 15 millions d’euros injectés dans le moteur franco-allemand. Selon nos confrères, son scepticisme serait lié en partie aux « interrogations sur la nature des liens unissant Qwant au moteur de recherche de Microsoft, Bing ». En face, la CDC a au contraire considéré que le partenariat qui lie les deux entités n’est pas incompatible avec le principe de souveraineté numérique. Dans une conclusion acidulée, la publication rappelle que le moteur fait appel aux produits du chinois Huawei.
« Nous n'allons pas les jeter ! »
Questionné aujourd’hui, le cofondateur, quelque peu agacé, conteste : « Il reste quelques serveurs Huawei dans l’infra, nous n’allons pas les jeter, ils nous ont couté une fortune ! Dans tous les cas, si des données fuitaient des serveurs, on le saurait. » Selon les équipes techniques, les deux tiers des équipements reposent aujourd’hui sur d’autres marques dont HP. L’entreprise a signé d'ailleurs une clause similaire à celle prévue par le contrat Huawei, sanctionnant toute pratique litigieuse et ouvrant la compétence des juridictions françaises.
Son entreprise mise en cause, Léandri insiste : « C’est chez nous. Tous les serveurs de front, les firewalls, etc. sont les nôtres ». Et s’agissant de la partie investissement, le cofondateur apporte une autre grille de lecture : « J’ai un petit problème, Bpifrance n’a jamais ouvert notre dossier. Personne n’est venu faire d’audit chez nous. Comment ont-ils pu avoir une telle information ? La CDC a au contraire eu accès à tout ! ».
Microsoft, en complément de recherche
Quid des liens avec Microsoft ? Dans sa foire aux questions, Qwant témoigne de ses efforts pour indexer le web, « cependant, temporise-t-on, cela demande à la fois des ressources et du temps ». Aussi, dans l’attente d’une meilleure indexation, ce « partenariat avec Microsoft Bing nous permet de compléter nos résultats avec ceux de Microsoft Bing pour offrir les meilleurs résultats provenant du web tout entier ».
Sur la partie « Privacy » (ou « vie privée »), Qwant se vante cette fois d’« avoir conçu une offre simple et efficace en travaillant avec le système de publicité de Microsoft Bing ».
De ces éléments, non référencés pour l’instant par les moteurs, débouche une question importante : quel est le pourcentage de Bing dans les résultats du « moteur franco-allemand » ou « européen » (l’étiquette dépend selon les médias) ? « Cela dépend », répond Éric Léandri.
Bing pèse lourd sur la partie « Images »
Cette part varie en effet selon les pays où est déployé Qwant, le nombre de serveurs installés et selon les thèmes de l’indexation. « Sur les images, c’est beaucoup » reconnait le cofondateur. Voilà pourquoi une telle requête sur Bing et Qwant produira peu ou prou les mêmes résultats. Un exemple, avec « Renault 4L » chez Qwant, puis chez Bing. Même exercice avec « Dromadaire », version Qwant, version Bing.
« Si l’usage complémentaire est très fort sur les images, il est faible, voire complètement inexistant sur la partie Recherche en France ou en Allemagne » assure le cofondateur. Sur l'indexation du web, le moteur explique investir massivement dans des serveurs afin de conjuguer au passé ses liens avec Microsoft.
Un partenariat sur la partie « publicitaire »
Comment est justement structuré ce partenariat ? D’après Léandri, il n’y a pas de contrat en tant que tel sur la partie indexation. Sauf erreur de notre part, l’éditeur américain n’a d'ailleurs jamais engagé de poursuites pour concurrence déloyale. Pas d’explication officielle de la part de Redmond, mais on peut avancer quelques raisons d’opportunité : pourquoi Microsoft s’attaquerait à un petit Poucet, vociférant à longueur d’interviews contre Google ? Et l'entreprise américaine ne gâcherait jamais son plaisir d’aider une start-up sur un marché où le géant de Mountain View se taille une part de fauve.
Un contrat lie pourtant bien les deux entités. C’est celui sur le marché de la publicité, comme nous l’a confirmé Éric Léandri. Il permet à Qwant de tirer sa « principale source de revenus », dixit ses pages « Privacy ». C’est ce contrat qui met en musique son modèle, qui se targue d’être respectueux de la vie privée.
Une clause autorise d’ailleurs Qwant à utiliser un moteur concurrent ou « compétitif ». « C’est parce qu’on avait la possibilité d’avoir un moteur sans eux, en étant capable de signer avec n’importe quel Ads Providers qu’ils ont accepté ce qu’on a fait ». Là encore, on se doute que jamais Microsoft Irlande ne décapiterait un tel partenaire commercial en raison de l’usage de Bing à titre de complément.
Pour ceux qui voudraient réentendre l’objectif de Qwant, Léandri insiste : « On veut faire un moteur de recherche européen nous permettant d’avoir un index européen, de délivrer d’un point de vue européen, dans une infrastructure gérée par nous, sans utiliser des clouds d’Amazon Web Services ou de qui que ce soit d’autres. On ne veut pas que nos clouds soient gérables ni par Huawei, ni par HP ni par Cisco ».