L'hébergeur d'emails chiffrés ProtonMail affirme avoir disparu des résultats de recherche de Google pendant plusieurs mois sur des requêtes populaires. Le problème désormais réglé, le cas de l'entreprise vient grossir la longue liste des critiques adressées à Google : sa position, ses pratiques et son mutisme face aux réclamations.
La dépendance à Google est toujours aussi réelle pour de nombreuses sociétés, et ce n'est pas ProtonMail qui dira le contraire. L'hébergeur suisse d'emails, promettant leur sécurité grâce à une solution open source, dit avoir subi de plein fouet les caprices du moteur de recherche. Pendant une dizaine de mois, il aurait simplement disparu des résultats de plusieurs requêtes par lesquelles les internautes le découvrent habituellement.
C'est dans un billet de blog qu'Andy Yen, cofondateur du service, retrace l'histoire avec quelques données à l'appui. Pour mémoire, ProtonMail a été lancé à la mi-2014 après une campagne de financement participatif. À l'été 2015, il atteignait le demi-million d'utilisateurs, notamment grâce à une couverture médiatique importante. C'est quelques mois plus tard que la situation se complique.
Une disparition soudaine des résultats de recherche
Le service de mails chiffrés affirme qu'à compter d'octobre 2015, pendant presqu'un an, Google l'a « caché » de certains résultats de recherche. Cela alors qu'il serait habituellement listé sur la première ou deuxième page de résultats sur les recherches concernant la sécurité des emails. Mais est-ce obligatoirement la faute de Google ?
Dans les semaines précédentes, l'entreprise a tout de même changé de nom de domaine de son site (passant de .ch à .com) et lancé une nouvelle version de son service. Des modifications qui mènent régulièrement à une baisse temporaire de classement sur les moteurs de recherche, mais pas une disparition. ProtonMail affirme d'ailleurs que le problème était limité à Google, le site remontant toujours dans les résultats des concurrents.
Au printemps, ProtonMail a envoyé deux demandes d'explication à Google via le formulaire de signalement de spam du moteur, puis contacté un ponte de la branche EMEA, sans réaction. L'entreprise a fini par contacter le groupe via plusieurs tweets publics, remarqués par les utilisateurs et rediffusés quelques dizaines de fois.
@google @mattcutts We know Google is intentionally hiding ProtonMail from search results. Interested in talking before our data goes public?
— ProtonMail (@ProtonMail) August 5, 2016
Quelques jours après une discussion avec Matt Cutts, ancien haut-gradé de la recherche chez Google, ProtonMail dit avoir reçu une réponse du groupe de Mountain View. Ce dernier a « corrigé quelque chose », avec un effet rapide sur le classement du service sur les requêtes en question. « Sans explication supplémentaire de Google, nous ne saurons sûrement jamais pourquoi ProtonMail a été déclassé » affirme le service suisse.
Quelle responsabilité pour Google ?
Quelles conséquences pour ProtonMail ? Dans son billet, l'équipe affirme que sa croissance a ralenti de 25 % pendant dix mois... Ce qui a porté un coup équivalent aux finances de l'entreprise, qui y aurait perdu « plusieurs centaines de milliers de francs suisses ». Pour faire face, elle dit avoir dû piocher dans ses réserves et avoir compté plus qu'habituellement sur le bouche-à-oreille.
Pour la société, cela illustre les risques liés à la recherche, surtout quand Google compte pour plus de 90 % des requêtes effectuées en Europe. Elle demande donc à ce que l'Union européenne impose plus de contrôle et de transparence à Google sur cette activité. Elle soutient d'ailleurs les enquêtes de la Commission européenne sur les pratiques du moteur de recherche, accusé de jouer sur le classement des services concurrents par rapport aux siens.
« Cette nouvelle est inquiétante, parce que nous sommes la principale alternative à Gmail pour ceux qui cherchent la confidentialité de leurs données », la trouver est donc important pour se détacher du groupe californien, estime Andy Yen. Il faut dire que l'algorithme utilisé par le moteur de recherche est une véritable boite noire, sur laquelle Google semble se sentir peu redevable vis-à-vis des concurrents de ses services, voire des États.
Les difficultés de la Commission européenne à collaborer avec l'entreprise américaine, suite aux accusations de comparateurs de prix européens, par exemple, illustrent largement cette problématique. Google répond également très peu aux réclamations des sociétés qui dépendent de ses résultats de recherche, et de ses autres services. C'est le cas de vidéastes, principalement présents sur YouTube, dont les vidéos peuvent être supprimées sans avertissement, et sans réel recours.
C'est par exemple ce qui était arrivé au critique américain Doug Walker (Nostalgia Critic), qui a dû publier plusieurs vidéos sur ses problèmes avec la plateforme pour avoir (très rapidement) une réponse. C'est cette publicité qui semble aussi avoir permis à ProtonMail d'obtenir une réponse, après des mois sans réaction. Google n'a d'ailleurs pas réagi officiellement à l'affaire depuis la publication du billet de blog.