Dans deux assignations, des actionnaires minoritaires d'une filiale de Newen réclament le rachat de leurs parts, refusé par le groupe. Dans l'une d'entre elles, ils demandent même l'annulation de l'acquisition opérée par TF1, menée dans des conditions contraires à leur contrat, estiment-ils.
Le rachat de Newen (et sa filiale Internet Neweb) par le groupe de Martin Bouygues n'est pas un long fleuve tranquille. Comme le révèle BFM Business, des actionnaires minoritaires de Neweb contestent son acquisition par TF1 en début d'année, après des négociations entamées en octobre 2015. En cause : la société refuserait d'acquérir leurs actions, alors qu'elles doivent l'être automatiquement lors d'un rachat de Neweb, arguent-ils.
Pour mémoire, Newen produit de nombreux programmes audiovisuels, dont la série Plus Belle La Vie, et sa filiale Neweb édite des sites tels que Les Numériques et Focus Numérique. Les actionnaires qui contestent le rachat par TF1 ne sont pas inconnus. Il s'agit des anciens dirigeants de CUP Interactive, qui éditait Cnet, Gamekult et ZDNet jusqu'à son acquisition par Neweb en avril 2014. Le nom « CUP » venait d'ailleurs de leurs initiales : Jean-Philippe Caste, Matthieu Urruty et Emmanuel Parody.
Litige sur un rachat d'actions
La première action a été engagée par Emmanuel Parody et Matthieu Urruty, en septembre 2015. Ils avaient demandé le rachat de leurs actions minoritaires dans CUP Holding, la société derrière CUP Interactive. Neweb a refusé ce rachat de parts, estimant que les conditions de l'accord n'étaient pas remplies.
Cette assignation devant le tribunal de commerce de Paris suit la révocation des deux plaignants de leurs postes de directeurs généraux, quand ils demandaient le paiement de leurs actions. Ces révocations sont arrivées en mai 2015, c'est-à-dire un an après le rachat de CUP Interactive par le groupe.
Une date qui a son importance, selon l'avocat des plaignants, maître Olivier Hugot : ils travaillaient sans être payés par la société pendant cette année. Leur rémunération devait commencer peu après leur départ forcé, affirment-ils. Officiellement, l'entreprise ne souhaitait pas augmenter ses coûts de personnel. Ils seraient aussi partis parce que les objectifs financiers de l'année n'étaient pas en voie d'être atteints.
« Ils considèrent qu'on n'a pas atteint les objectifs. Nous considérons qu'ils n'étaient pas atteignables » résume maître Hugot. Selon lui, le fonds FLCP derrière Neweb n'aurait pas mené les investissements nécessaires pour atteindre les performances demandées. « FLCP s'était engagé à acquérir d'autres sociétés comme il l'avait fait avec Les Numériques, et mes clients n'ont jamais vu ces investissements, ni d'autres acquisitions » attaque-t-il.
Quand Neweb détenait 53 % de CUP Holding, au moment de l'assignation, Jean-Philippe Caste en avait 28,2 % tandis que Matthieu Urruty et Emmanuel Parody en disposaient de 9,4 % chacun. Ces deux derniers réclament donc le rachat de ces actions, pour un montant estimé à 200 000 euros chacun. Cela en plus des frais de justice, estimés à 15 000 euros. Une date de plaidoirie doit être fixée à la fin du mois, même si le dossier risque encore de durer.
Un rachat par TF1 qui passe mal
Puis est arrivé le rachat de Neweb par TF1, début 2016. Une opération qui est mal passée auprès des trois actionnaires, qui s'estiment une nouvelle fois lésés. Au premier semestre, ces derniers ont saisi le tribunal de commerce, demandant l'annulation pure et simple du rachat.
Le grief est clair : contrairement à ce que veut leur accord avec Neweb, les anciens dirigeants de CUP n'ont pas été prévenus des négociations, et n'ont pas pu revendre leurs actions à ce moment. Ils devaient donc pouvoir sortir du capital quand le contrôle du groupe changeait de mains. Au lieu de cela, ils auraient appris l'opération « par la presse ».
« [Les actionnaires de Neweb] ne peuvent pas céder leurs titres si on ne peut pas céder les nôtres » résume l'avocat des plaignants. Les défendants estimeraient, pour leur part, que si Neweb a bien été revendu à TF1, ses relations avec sa filiale CUP Holding ne changent pas, donc qu'il n'y a pas de changement de propriétaire... Quand bien même l'ensemble appartient désormais à TF1.
Si elle date de quelques mois, l'instance est encore « jeune », les plaignants n'ayant pas encore reçu de réponses de la part de la défense. S'il s'agit d'une assignation distincte de la première, son destin y est pourtant lié. Si les plaignants obtiennent gain de cause sur leur première assignation, dans laquelle ils pourraient simplement vendre leurs actions, la seconde « n'aurait plus lieu d'être ».
Par contre, si la première assignation manque sa cible, la deuxième doit rester une arme pour les plaignants. « Cela n'aurait jamais dû aller jusque-là », encore moins jusqu'à TF1, estime pourtant Emmanuel Parody. Le problème étant que les procédures précédentes avec Neweb, et le fonds FLCP, n'ont pas abouti. Contacté, TF1 n'a pas encore pu répondre à nos questions.