Volet numérique de la loi Travail : quel texte en sortie de l'Assemblée ?

Travail et fines herbes
Droit 5 min
Volet numérique de la loi Travail : quel texte en sortie de l'Assemblée ?
Crédits : debraydavid/iStock/Thinkstock

À défaut d’adoption de la motion de censure déposée par les députés de l’opposition, le projet de loi Travail a été adopté hier par l’Assemblée nationale. Retour sur les principales mesures « numériques » de ce texte, telles qu’elles seront bientôt débattues par le Sénat.

Avec l’utilisation du 49-3, le gouvernement de Manuel Valls a engagé sa responsabilité sur un texte modelé à souhait, puisqu'il a pu conserver les amendements auxquels il était favorable (un peu plus de 450 au total, sur quasiment 5 000).

Instauration d’un « droit à la déconnexion »

À partir du 1er janvier 2017, toutes les entreprises seront tenues d’organiser avec leurs employés, au titre de la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail, des discussions sur « les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques ». L’objectif : « Assurer le respect des temps de repos et de congé » des salariés, et protéger par la même leur « vie personnelle et familiale ». De nombreuses solutions pourront être envisagées à cette fin, en fonction des besoins de chaque structure : blocage de mails durant certaines plages horaires, simples engagements mutuels de la part des employés et de leurs supérieurs hiérarchiques, etc.

En cas de désaccord ? L’employeur aura le dernier mot... Il définira, seul, de quelle manière le droit à la déconnexion sera appliqué dans son entreprise. Unique exception : dans les structures d’au moins 50 salariés, ces modalités devront obligatoirement se matérialiser par une charte élaborée après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Ce texte prévoira notamment la mise en œuvre « d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques », précise le projet de loi adopté de facto par l'Assemblée nationale.

Pour arriver à l’élaboration d’une sorte de « guide de bonnes pratiques » en la matière, les députés ont également souhaité en commission qu’une expérimentation portant « sur l’articulation du temps de travail et l’usage raisonnable des messageries électroniques par les salariés et les agents publics » soit menée au niveau national, pendant une durée d’un an. Le gouvernement devra autoriser sa mise en place par décret, « au plus tard un an après la promulgation de la présente loi ».

Sans grande surprise, l’amendement soutenu par l’aile gauche du PS afin de reconnaître plus facilement les burn-out en tant que maladie professionnelle (à titre expérimental dans la région de Toulouse) n’a pas été retenu par l’exécutif.

Les partenaires sociaux invités à relancer le télétravail

Afin de relancer le télétravail, exercé par ces salariés qui travaillent à leur domicile, grâce à Internet, le projet de loi Travail invite les partenaires sociaux (« [s’ils] le souhaitent ») à ouvrir des négociations avant le 1er octobre. Ces discussions pourraient notamment porter sur le droit à la déconnexion. Le gouvernement a également « adopté » un amendement PS prévoyant que cette concertation permette de dresser un état des lieux du « taux de télétravail par branche selon la famille professionnelle et le sexe », ainsi qu’une liste des métiers « potentiellement éligibles au télétravail ».

L’exécutif devra ensuite remettre au Parlement, avant le 1er décembre 2017, un rapport présentant les éventuels « aménagements » nécessaires sur le plan législatif pour encourager le développement du télétravail en France.

Aucun des amendements déposés pour faciliter le recours au télétravail – en cas de pic de pollution, de grossesse ou d’arrêt maladie par exemple – n’a en revanche été sélectionné par le gouvernement (voir notre article).

Des bulletins de paie dématérialisés accessibles via le CPA

Le projet de loi El Khomri définit les contours du « compte personnel d’activité » (CPA) dont devrait bénéficier chaque actif, tout au long de son parcours professionnel, progressivement à partir de 2017. Celui-ci sera constitué du « compte personnel de formation », qui permet depuis 2015 de jouir de ses droits à la formation – même en cas de changement d’employeur ; du « compte personnel de prévention de la pénibilité », qui sert depuis l'année dernière à faire valoir ses droits lorsqu’on travaille dans des conditions particulièrement difficiles (départ anticipé à la retraite, passage à un temps partiel sans perte de salaire...) ; ainsi que du « compte engagement citoyen », un nouveau dispositif qui recensera « les activités bénévoles ou de volontariat » (service civique, réserve militaire, certaines activités associatives...), desquelles découleront des droits à la formation notamment.

Chaque titulaire d’un compte personnel d’activité pourra consulter ses droits et les utiliser « en accédant à un service en ligne gratuit ». Ces dispositions devront être précisées par décret, mais le législateur souhaite pour l’instant qu’il soit ainsi possible d’obtenir via ce service numérique :

  • Une « information sur ses droits sociaux et la possibilité de les simuler ».
  • Un espace de consultation de ses bulletins de paie, lorsqu’ils auront été transmis par l’employeur au format dématérialisé.
  • Un accès à des « services utiles à la sécurisation des parcours professionnels ».

À partir du 1er janvier 2017 et « sauf opposition du salarié », l’employeur pourra « procéder à la remise du bulletin de paie sous forme électronique » – par mail et/ou via le CPA. L’objectif du gouvernement : inverser les règles qui prévalent aujourd’hui, en faisant du bulletin de paie dématérialisé la solution de principe.

Introduction d’une « responsabilité sociale » des plateformes de type Uber

En commission, les députés ont souhaité intégrer des dispositions en faveur des « travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique ». L’ombre d’Uber n’est bien évidemment pas loin... À partir du moment où le service d’intermédiation « détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix », celui-ci verra sa « responsabilité sociale » engagée sur plusieurs fronts : prise en charge de l’assurance volontaire en matière d’accidents du travail et contribution à la formation professionnelle notamment.

Le gouvernement a toutefois tempéré les velléités des députés en conditionnant ces nouvelles obligations à la réalisation, par le travailleur indépendant, d’une « activité significative ». Ce nouvel article ne sera donc applicable qu’au profit des personnes générant un chiffre d’affaires supérieur à un seuil (fixé ultérieurement par décret).

Conventions et accords d'entreprise réunis dans une base en Open Data

On notera enfin que le projet de loi El Khomri prévoit que les « conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d’entreprise et d’établissement » devront être « rendus publics et versés dans une base de données nationale dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable », conformément aux principes de l’Open Data.

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