« Le CSA a très clairement pris position en notre faveur sur la totalité du conflit juridique ». Voilà comment dans un mail, les gérants de Play Media ont accueilli la récente décision du CSA dans le litige qui l’oppose à France Télévisions.
Pas simple de lancer un service en ligne en France. Play Media, jeune entreprise innovante (JEI) installée à Paris, a en effet été condamnée en octobre 2014 pour diffusion sans droits des programmes de France Télévisions via PlayTV.fr.
Pour comprendre cet épisode kafkaïen, un petit rappel : son offre en ligne se place sous le statut de distributeur, ce qui l’oblige, selon la loi de 1986 sur la liberté de communication, à diffuser l’ensemble des chaînes publiques tout en payant les droits d’auteur afférents. Le hic est que France Télévisions a refusé de signer le contrat l’autorisant à reprendre ses flux. Pourquoi ? FranceTV argue qu'elle ne disposerait pas des droits de diffusion sur internet de certains de ses programmes. Souci : la chaîne diffuse sur ce réseau la totalité de sa programmation, comme plusieurs fournisseurs d’accès sur leur portail respectif (voir notre actualité).
Un front au CSA, un autre devant la justice
Le dossier est en réalité scindé en deux fronts. Auprès du CSA d’abord. Dans un avis de juillet 2013, l’autorité a estimé que Play Media ne respectait pas la totalité des critères imposés par le statut de distributeur. Pourquoi ? Car ses flux sont gratuits, libres d’accès, alors qu’une telle offre ne doit être réservée qu’aux abonnés. Pas de problème : fin 2013, la start-up installe un système d’abonnement gratuit pour accéder aux chaînes publiques. Seulement le CSA rechigne encore à lui accorder son feu vert : « rien ne semble garantir que les informations données par l’utilisateur, et notamment son nom et son prénom, ne sont pas erronées ». Une remarque qui a suscité une pluie de réponses de la jeune entreprise.
Le second front sera lui plus douloureux : le 9 octobre 2014, le TGI de Paris donne finalement raison à France Télévisions : l’obligation de distribution (ou must carry) n’est ni un régime à part du droit d’auteur, ni une exception à ce monopole. En reprenant les chaînes publiques sans autorisation, Play Media est donc coupable de contrefaçons. Elle est condamnée à un million d’euros de dommages et intérêts, outre à l’arrêt de diffusion des chaînes publiques.
Le CSA penche désormais clairement du côté de Play Media
L’affaire est désormais en appel et heureusement pour sa santé financière, Play Media a obtenu la suspension du paiement de cette somme. Cependant un autre rayon de soleil encore plus chaud est venu percer ces nuages gris. Le CSA a en effet revu intégralement ses positions initiales : dans un avis publié le 20 avril dernier, il constate que désormais, l’offre de Play Media s’adresse bien à des abonnés, une des conditions principales du must carry : « En effet, les utilisateurs de cette offre souscrivent, pour y accéder, à un engagement de nature contractuelle matérialisé à tout le moins par l’acceptation de conditions générales d’utilisation et par le renseignement de plusieurs informations personnelles telles que leur adresse email, leur date de naissance et leur sexe. »
Mieux, sur le terrain du droit d’auteur, il ouvre davantage encore les vannes : « le simple fait que le groupe (France Télévisions, NDLR) ne disposerait pas des droits nécessaires à la diffusion de ses programmes sur l’internet ouvert ne [permet] pas de faire obstacle au respect des dispositions législatives » issues de la loi de 86. Contrairement au TGI de Paris, le CSA renvoie donc la balle dans le camp de la chaîne publique : « il appartient au groupe France Télévisions d’obtenir, préalablement à leur diffusion, les droits nécessaires sur les programmes qu’il diffuse afin de pouvoir se conformer à ses obligations. »
En somme, Play Media est bien dans les clous, et il revient à France Télévisions de mettre au carré l’ensemble de ses contrats afin de permettre le respect du must carry par les distributeurs. C’est ce que dit le CSA, lorsqu’il demande à FTV « de ne pas s’opposer à la reprise de ses services par la société Play Media et de conclure dans les plus brefs délais les démarches nécessaires à la régularisation de cette situation ». Selon les Echos, France Télévisions aurait malgré tout choisi d'attendre la décision d'appel avant de se positionner, prenant le risque de fragiliser l'avenir de Play Media, laquelle a enregistré fin 2014 une baisse de plus de 40 % de son activité.