Le rapport sur la réforme du droit d’auteur, signé de l’eurodéputée du Parti Pirate Julia Reda, continue son round d’analyses au sein des commissions du Parlement européen. Dernière en date, la commission ITRE (Industrie, recherche et énergie) vient de rendre son projet d’avis sur le sujet.
Faut-il réformer le droit d’auteur en Europe ? Et si oui, comment ? C’est à ces questions que l’eurodéputée Julia Reda, apparentée écologiste, mais élue du Parti Pirate, tente actuellement de répondre. Cependant, ses détracteurs considèrent que son projet de rapport s’intéresse d’un peu trop près aux exceptions au monopole du droit d’auteur. Un focus qui déplait fortement aux ayants droit français qui jugent ses positions trop pro-consommateurs. Le gouvernement français y est évidemment allé de ses pelletées de critiques, un rapport d'expertise sous le bras, pour réclamer un coup de gomme européen sur chaque ligne du fameux rapport.
Une guerre des clans
Quand l'élue trentenaire entend rendre obligatoires les fameuses exceptions dans toute l’Europe (citation, etc.), soutenir les œuvres transformatives (mash-up, etc.), harmoniser la copie privée, ouvrir les DRM, etc., les seconds sortent le parapluie de l’exception culturelle, dénoncent des travaux idéologiques, un « parti-pris », voire une mise en danger d’une économie florissante, etc. Cette attaque a également été nourrie par plusieurs raids d’eurodéputés, avec Jean-Marie Cavada en chef d’escadrille. Pour lui, Réda n'a pas fait son job, à savoir mener d'abord une étude d'impact sur l'évaluation de la directive avant de proposer d'éventuels travaux de mise à jour. L'éternelle question de la charrue et du bœuf.
Au sein des commissions parlementaires, la commission Culture a déjà brossé le rapport Reda dans le sens du poil, suggérant cependant une révision de la responsabilité des intermédiaires techniques, chapitre non abordé par l’eurodéputé, au grand désespoir de Paris. Les critiques se sont surtout fait entendre en commission Marché Intérieur et protection des consommateurs, pour la plus grande satisfaction de la France cette fois.
Le chaud et le froid en commission ITRE
Du côté de la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie (ITRE, dans le jargon), le souffle se fait chaud et froid. Chaud d’abord, lorsque les eurodéputés applaudissent la vigueur économique du secteur qui emploierait plus de 7 millions de personnes, générant 4,2 % du PIB, malgré cette satanée crise. Froid cependant, lorsque ces mêmes parlementaires appellent à la révision de la directive pour assurer une rémunération appropriée des titulaires de droit et alors que l’environnement technologique est en constante évolution. Cette commission estime tout autant nécessaire de renforcer la position contractuelle des auteurs et des interprètes face aux autres titulaires de droits et aux intermédiaires. Elle reconnaît dans le même temps la réalité d’un marché fragmenté - qui est à l'Europe ce que l'ail est à Dracula - et recommande de recourir aux licences multi territoriales en guise de remède.
Surtout, elle demande à ce que la protection du droit d’auteur et des droits voisins « respectent la neutralité technologique ». À l’instar de Julia Reda, les eurodéputés d'ITRE demandent à ce que « la commission européenne prenne en compte la croissance rapide des contenus générés par les utilisateurs lorsque viendra le temps de la révision de la directive. Toute nouvelle proposition devrait viser à atteindre un juste équilibre entre la protection de la propriété intellectuelle et l’accompagnement d’un internet dynamique et créatif. »
Un vote en séance plénière le 20 mai 2015
Le rapport Reda, qui n’a aucune valeur juridique, mais constitue un signal politique fort, termine aujourd’hui la phase des amendements où chaque sensibilité a tiré la couverture au profit de ses intérêts. Ces rustines parlementaires seront débattues en Commission des affaires juridiques (JURI) les 23 et 24 mars puis votées le 16 avril. Enfin, le big bang aura peut-être lieu le 20 mai 2015, date du vote en séance plénière.