[MàJ] François Hollande promulgue la loi contre les ondes électromagnétiques

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[MàJ] François Hollande promulgue la loi contre les ondes électromagnétiques
Crédits : Manuel-F-O/iStock/Thinkstock
Mise à jour :

Promulguée hier par le chef de l’État, la loi « relative à la sobriété, à la transparence, à l'information et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques » vient de paraître au Journal officiel de ce jour. Elle entrera donc en vigueur dès demain.

Hier matin, l’Assemblée nationale a définitivement adopté la proposition de loi écologiste visant à diminuer l’exposition de la population aux ondes électromagnétiques émises par nos nombreux appareils connectés (smartphones, modems...). Le tout sous les vives critiques de l’UMP, qui dénonçait un texte anxiogène et faisant peser de nouvelles contraintes sur les acteurs du secteur. On fait le point.

Le groupe écologiste a profité de sa journée d’initiative parlementaire d’hier pour faire inscrire à l’ordre du jour sa proposition de loi « relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques » (ouf !). Le texte était discuté en deuxième lecture, après des débuts pour le moins chaotiques... On se souvient en effet qu’une première mouture avait été élaborée fin 2012, avant d’être enterrée par Fleur Pellerin, alors ministre déléguée à l’Économie numérique.

L’intéressée critiquait à l’époque les « peurs irrationnelles » des écologistes, estimant que la dangerosité des ondes émises par les téléphones portables, les box Internet, etc. n’était « pas scientifiquement étayée ». Un rapport sur la sobriété fut néanmoins commandé par la locataire de Bercy, et les élus EELV avaient élaboré une seconde proposition de loi, plus édulcorée. C’est ce texte, déposé devant l’Assemblée nationale en décembre 2013 par Laurence Abeille, qui se retrouvait pour la seconde fois devant le Palais Bourbon hier, après que le Sénat l’a adopté – avec de nombreuses modifications – en juin dernier. 

Une protection à renforcer, au nom du principe de précaution

Mais que contient cette proposition de loi ? Différentes mesures censées limiter l’exposition, notamment des plus jeunes, aux ondes électromagnétiques. Pour les écologistes, il s’agit tout simplement d’appliquer le principe de précaution, désormais gravé dans la Constitution. « [Le doute scientifique] ne doit pas nous inciter à ne rien faire ; au contraire, il doit nous pousser à agir. Les doutes existent, et c’est parce que doute il y a que le principe de précaution doit s’appliquer » a ainsi fait valoir Laurence Abeille (voir le compte rendu des débats).

Mais comme on pouvait s’y attendre, une bonne petite foire d’empoigne a eu lieu à propos de la nocivité de ces ondes, chacun brandissant son étude... Le rapport publié fin 2013 par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) a notamment été évoqué, celui-ci concluant qu’il n’y avait « pas de preuve convaincante que l’exposition aux radiofréquences en dessous des niveaux de référence cause des effets sanitaires chez les adultes ou les enfants » (PDF). L’institution en appelait toutefois à la vigilance vis-à-vis de deux types de populations : les enfants et les « utilisateurs intensifs », c’est-à-dire ces personnes qui passent par exemple beaucoup de temps l’oreille collée à leur téléphone. 

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Axelle Lemaire - Crédits : Assemblée nationale

Au vu de ces conclusions, l’UMP ou même le gouvernement estiment que la nocivité des ondes électromagnétiques n’est pas prouvée. Les écologistes y voient toutefois une volonté de l’ANSES de « réaffirm[er] la nécessité de réduire les expositions aux ondes, notamment parmi les plus jeunes ».

Malgré cela, ce texte présenté comme « globalement équilibré » par Axelle Lemaire bénéficiait du soutien de l’exécutif. « Il fallait un cadre législatif, que cette proposition apporte, après plus de deux ans de travaux dont vous connaissez tous l’historique. C’est la raison pour laquelle le gouvernement juge qu’il est désormais temps que ces dispositions deviennent effectives » a ainsi fait valoir la secrétaire d’État au Numérique. Cette dernière a néanmoins tenté de ménager la chèvre et le chou : « Nous devons aussi veiller, collectivement, à ne pas freiner, par des messages contradictoires ou des mesures excessives, l’innovation et le développement du numérique ».

Faire respecter un principe de « sobriété »

Le premier article de cette proposition de loi inscrit au sein du Code des postes et des communications électroniques un principe nouveau de « sobriété » en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques. « Ce principe est le fondement même de ce texte. Il vise à limiter autant que possible l’exposition aux ondes tout en assurant une bonne qualité de service » a expliqué Laurence Abeille.

Sauf que ce principe n’est pas clairement gravé dans le marbre... Il est simplement prévu qu’un décret ministériel vienne fixer les « valeurs limites des champs électromagnétiques » émis par les différents équipements (antennes-relais, etc.). Le respect de ces niveaux sera vérifié et tout citoyen pourra demander à l’Agence nationale des fréquences (ANFR) d’avoir accès « à l’ensemble des mesures réalisées dans [son] logement » – si son immeuble d’habitation a fait l’objet de mesures bien entendu.

L’ANFR sera d’autre part tenue de réaliser tous les ans un recensement national des « points atypiques » du territoire, c’est-à-dire tous ces endroits « où le niveau d’exposition du public aux champs électromagnétiques dépasse substantiellement celui généralement observé à l’échelle nationale ». Pour ces endroits plus exposés en ondes que la moyenne, les acteurs en présence seront tenus de prendre dans un délai de six mois, et « sous réserve de faisabilité technique », des mesures « permettant de réduire le niveau de champs émis dans les lieux en cause, tout en garantissant la couverture et la qualité des services rendus ».

Il faudra enfin attendre qu’un second décret ministériel vienne poser « les modalités d’application de l’objectif de sobriété ». Ce texte se penchera plus particulièrement sur les établissements accueillant des « personnes vulnérables », ce qui devrait donc viser les enfants.

Davantage d’informations pour les consommateurs

Pour pousser ce principe de sobriété, la proposition de loi des écologistes mise sur une meilleure information de la population. Le débit d’absorption spécifique (DAS) devra par exemple être indiqué sur tout « équipement » ou « terminal radioélectrique » de façon « lisible, intelligible et en français ». Cette obligation pesait jusqu’ici sur les seuls fabricants de téléphones portables. Elle sera donc étendue à tout un panel d’appareils électroniques, à commencer par les tablettes, selon Laurence Abeille.

De plus, les notices d’utilisation des « équipements terminaux radioélectriques » devront délivrer « une information claire sur les indications pratiques permettant d’activer ou de désactiver l’accès sans fil à Internet [Wi-Fi, ndlr] ». Tous les « établissements proposant au public un accès wifi » seront d’autre part tenus de le mentionner « clairement au moyen d’un pictogramme » placé dans leur entrée.

Obligation de fournir des kits mains libres pour les enfants de moins de 14 ans

Toujours dans le même état d’esprit, l’acheteur d’un téléphone portable pourra demander à avoir un kit mains libres adapté à la morphologie des enfants de moins de 14 ans. Ceux pour les adultes resteront bien évidemment obligatoires.

Les publicités pour les téléphones portables devront enfin être accompagnées d’un message recommandant l’utilisation de kits mains libres. Il sera d’ailleurs interdit de montrer une personne téléphonant avec un portable collé à l’oreille. Une amende de 75 000 euros est prévue pour toute infraction à l’une ou l’autre de ces deux règles.

Pas de Wi-Fi dans les crèches

Afin de limiter l’exposition des plus jeunes enfants aux ondes, il sera interdit d’installer des équipements terminaux disposant d’un accès sans fil à Internet « dans les espaces dédiés à l’accueil, au repos et aux activités des enfants de moins de trois ans » au sein des crèches, des garderies ou de tout autre établissement d'accueil des enfants de moins de six ans. Dans les classes des écoles primaires, les accès au Wi-Fi devront être désactivés « lorsqu’ils ne sont pas utilisés pour les activités numériques pédagogiques ».

Dernière mesure prévue par cette proposition de loi : le gouvernement devra remettre au Parlement, dans un délai d’un an, un rapport sur « l’électro-hypersensibilité » – en référence à ces personnes qui souffrent de différents symptômes dermatologiques ou psychiques suite à une trop forte exposition aux ondes.

L’UMP vent debout contre ce texte jugé « anxiogène »

Pour être définitivement adopté, ce texte avait besoin d’être voté dans les mêmes termes qu’au Sénat. Si la moindre modification était apportée, la navette parlementaire allait repartir pour un tour... Résultat, le PS et ses alliés écologistes ont fait le nécessaire pour que cette proposition de loi – largement amendée – passe en l’état.

Sauf que l’UMP a marqué son opposition face à ce texte qu’elle juge inutilement « anxiogène » et porteur de nouvelles mesures contraignantes – notamment pour les industriels du secteur des télécommunications. Les mots du député Lionel Tardy n’ont d’ailleurs pas été tendres. « Traduction d’un accord tacite entre une majorité délitée et des alliés qu’il faut flatter de temps en temps », « transposition d’une idéologie indifférente à la façon dont elle est écrite juridiquement »...

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Lionel Tardy à la tribune - Crédits : Assemblée nationale

« Que penser de l’interdiction du Wi-Fi dans les crèches, en plein développement du numérique éducatif ? s’est faussement interrogé l’élu de la Haute Savoie. Les développeurs vont être ravis. Même consternation devant la désactivation par défaut du Wi-Fi dans les écoles primaires : je croyais pourtant que, lors de ses vœux, le président de la République avait annoncé un grand plan numérique pour l’école. Où est la cohérence ? » Un peu plus tard, sa collègue Laure de la Raudière a déplorée de son côté le signal contradictoire envoyé aux start-ups développant par exemple des objets connectés, quelques jours après qu’Axelle Lemaire et Emmanuel Macron soient allés vanter la French Tech au CES de Las Vegas.

Un choc de « complexification » ?

Pour Lionel Tardy, cette proposition de loi introduit « beaucoup de complexification, car l’apaisement des écologistes mérite sans doute qu’on lui sacrifie un peu du choc de simplification » a-t-il raillé. Exemple à l’appui : « Les propriétaires ou fournisseurs vont sans doute être ravis d’apprendre qu’ils devront informer de façon claire et lisible les occupants d’un appartement, à la suite, par exemple, de l’installation d’un four. Car, oui – et c’est assez comique au regard de l’objet de cette proposition de loi, qui mélange tout – les ondes d’un four sont des milliers de fois plus puissantes que celles d’une borne Wi-Fi ou d’un portable ».

Tout en critiquant « la fragilité du raisonnement qui a conduit à cette proposition de loi », le député de la Haute Savoie a enfin pointé du doigt la piètre qualité du texte : « Comment pouvez-vous décemment demander un vote conforme, compte tenu de toutes les incertitudes, des doublons, des renvois à des décrets flous qui ne seront sans doute jamais pris ? Ce n’est tout bonnement pas sérieux. Même sur le plan rédactionnel, il y aurait des corrections à faire pour l’intelligibilité de la loi ».

Tous les amendements rejetés afin d’adopter au plus vite ce « compromis »

Les 19 amendements déposés sur cette proposition de loi, tous signés des députés Tardy, de La Raudière et Martin-Lalande, ont été rejetés. Le tout dans un climat relativement houleux entre opposition et majorité. Le texte a finalement été voté avec le soutien du groupe des radicaux. Les centristes se sont abstenus pour la plupart, jugeant qu’une nouvelle navette parlementaire aurait été nécessaire.

Le président de la République dispose désormais de quinze jours pour promulguer cette proposition de loi, à moins que le Conseil constitutionnel ne soit saisi. La question des ondes pourrait toutefois revenir prochainement à l’Assemblée nationale, puisque les écologistes ont fait savoir qu’à défaut d’avoir suffisamment pu avancer via ce véhicule législatif, ils déposeraient des amendements au projet de loi sur la santé qui sera discuté dans les prochaines semaines au Palais Bourbon.

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