L’Association des Services Internet Communautaires (ASIC) vient une nouvelle fois de critiquer la volonté des ayants droit et du ministère de la Culture de toucher au statut de l’hébergeur. « Cette proposition est d’autant plus choquante qu’elle intervient au lendemain d’une mobilisation forte de l’ensemble des Français au profit de la liberté d’expression » égratigne-t-elle.
Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) a publié hier le rapport Sirinelli sur le projet européen de réforme de la directive 2001/29 « Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information ». C’est peu de le dire : le document a été accueilli au jet d’acide par l’ASIC, l’association qui regroupe en son sein Dailymotion, Google, PriceMinister, Yahoo!, Ebay, Facebook, Microsoft, Skype, ou encore Wikimédia.
Les critiques pleuvent, en effet : l'association regrette par exemple que la charte proposée avec les acteurs des nouvelles technologies, pour tenter de résoudre les problèmes aujourd’hui mis en exergue, soit restée lettre morte. Une « charte qui n’a jamais pu être menée à son terme malgré les dizaines d’engagements pris par les acteurs du numérique en contrepartie du seul engagement mis à la charge des ayants droit, celui de se servir des outils mis à leur disposition. »
Une obligation de transparence au sein du CSPLA
Autre chose. Ces acteurs du numérique craignent à plein nez des liens d’intérêts « notamment financiers » entre des rédacteurs de ce rapport pris sous le bras de la ministre et les secteurs impliqués par ces discussions (voir sur ce thème notre actualité.)
Une totale transparence, qui fait aujourd’hui défaut au sein du CSPLA, permettrait au contraire « d’informer, au mieux, les diverses autorités communautaires qui seront amenées à en analyser le contenu » de ce document. Et pour cause : le rapport Sirinelli doit en effet servir d’arme de lobbying massif pour Fleur Pellerin à Bruxelles. L’objectif ? Dissuader la Commission européenne de faire sauter les barrières instaurées par le droit d’auteur, qui sont autant de mannes pour les ayants droit.
Le statut des hébergeurs, socle de la liberté d'expression en ligne
L'association s’agace surtout de voir une nouvelle fois le ministère de la Culture et les ayants droit vouloir mener la réforme du statut des intermédiaires, statut intimement lié au développement de l’économie numérique. Un tel plan d’attaque français n’est pas au goût de l’Asic, puisque « sous le respectable argument de la volonté partagée de lutte contre le piratage des œuvres, la fin du régime de responsabilité aménagée aurait des effets collatéraux qui systématiquement sont ignorés ».
Quels effets collatéraux ? « Reconnaître une responsabilité a priori pour tous les contenus hébergés par des services communautaires de vidéos, de blogs, d’encyclopédie en ligne, etc. c’est imposer à ces acteurs soit d’avoir un contrôle a priori des contenus, soit de ne plus permettre aux internautes et individus d’être à l’origine de la diffusion des œuvres ». Or comme expliqué hier, le problème est simple : toucher au statut des acteurs, au prétexte de protéger la propriété intellectuelle, c’est menacer un équilibre global qui dépasse allègrement le domaine de la contrefaçon. Spécialement, « la liberté d’expression n’est possible notamment que grâce au régime actuel ». Bref, un scénario qui fait quelque peu tache pour l’ASIC : « cette proposition est d’autant plus choquante qu’elle intervient au lendemain d’une mobilisation forte de l’ensemble des Français au profit de la liberté d’expression ».
Pour sa part, Pascal Rogard, directeur général de la SACD, a jugé tout bonnement « pitoyable » le rapprochement entre ces questions juridiques liées à liberté d'expression et la grande marche organisée dimanche.
Dans la récupération de la manifestation de dimanche l'Asic fait très fort. Pitoyable. http://t.co/4J3UouVwJe
— Pascal Rogard (@fandoetlis) 13 Janvier 2015