Au travers d’un amendement au projet de loi Macron, le gouvernement espère pouvoir légiférer par voie d’ordonnance afin d’obliger toutes les entreprises françaises à accepter les factures électroniques. Un déploiement progressif serait organisé à partir de 2017, en vue d’une application complète d’ici au 1er janvier 2020.
C’est à partir d’aujourd’hui que le projet de loi Macron « pour la croissance et l’activité » sera examiné par les députés, tout d’abord dans le cadre d’une commission spéciale. Les discussions dans l’hémicycle ne débuteront en effet qu’à la fin du mois. Comme on pouvait s’y attendre, c’est une pluie d’amendements qui a commencé à se déverser sur ce texte qui ne fait pas l'unanimité, y compris au sein de la majorité. Près de 1 600 amendements ont été déposés en vue de ces discussions liminaires, par les parlementaires, mais aussi par l’exécutif.
Le gouvernement souhaite par exemple être autorisé à prendre par voie d’ordonnance des mesures visant au « développement de la facturation électronique dans les relations entre les entreprises ». Comment ? « En facilitant l’acceptation des factures transmises par voie électronique, de façon progressive pour tenir compte de la taille des entreprises concernées » (voir l'amendement). Mais plus qu’une simple incitation, c’est bien vers une obligation de recevoir (et non d’émettre) des factures électroniques que se dirige l’exécutif.
Comme l’explique le site Service-Public.fr, une facture électronique doit avoir été conçue à l’aide de l’outil informatique, sans être simplement un exemplaire papier scanné puis envoyé en PDF. « Pour qu'une facture soit considérée comme une facture électronique, elle doit être non seulement émise, mais aussi reçue sous format électronique (courrier électronique ou transmission d'un lien sécurisé sur un portail internet), ce qui implique que les systèmes de l'émetteur (fournisseur) et du récepteur (client) soient compatibles et que la preuve de sa réception puisse être apportée. »
Vers une obligation d’accepter les factures électroniques
Alors que toutes les entreprises fournissant des biens ou des services à l’État, aux collectivités territoriales ou aux établissements publics devront obligatoirement en passer par le format électronique d’ici à 2020, le gouvernement espère emporter dans ce mouvement un maximum de sociétés, y compris celles qui ne passent jamais de marchés publics avec l’administration.

Pour justifier cet élan de modernité, le gouvernement affirme dans son exposé des motifs que la généralisation de la facture électronique permettrait aux entreprises de réaliser des « économies importantes » en matière de frais de gestion. « Des études montrent que les services comptables consacrent 30 % de leur temps à la saisie manuelle des factures fournisseurs et que la dématérialisation des factures représente une économie de l’ordre de 50 à 75 % par rapport à un traitement papier et réduit le coût de traitement d’environ 30 %. Or, le coût d’une facture papier entrante (chez le client qui la reçoit), oscille entre 14 et 20 €, et celui d’une facture sortante (chez le fournisseur qui l’envoie) est compris entre 5 et 10 €. »
L’exécutif prend toutefois des précautions et envisage un calendrier de déploiement progressif :
- Au 1er janvier 2017 pour les grandes entreprises,
- Au 1er janvier 2018 pour les entreprises de taille intermédiaire,
- Au 1er janvier 2019 pour les petites et moyennes entreprises,
- Au 1er janvier 2020 pour les microentreprises (moins 10 salariés).
Il est bien précisé que cette obligation ne viserait « que la réception des factures électroniques et non l’émission par les fournisseurs qui pourraient donc, s’ils le souhaitent, continuer à émettre des factures papier ».
Un gouvernement décidément très friand des ordonnances
S’il donne les grandes lignes du dispositif envisagé par l’exécutif, cet amendement ne livre cependant pas ses détails précis, puisqu’il autorise « simplement » le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance. Celui-ci pourra donc rédiger son texte loin des regards du Parlement, qui s’exprimera uniquement pour voter pour ou contre sa ratification.
Le ministère de l’Économie se montre d’ailleurs très friand des ordonnances, puisque la loi Macron prévoit d’en passer par de tels véhicules législatifs s’agissant de la future « carte d’identité électronique des entreprises », le passage à l'Open Data du registre InfoGreffe, ou bien encore la transposition de plusieurs directives européennes en lien avec les télécommunications (voir notre analyse du volet numérique de la loi Macron).