Licenciée pour avoir déclaré sur Facebook qu’elle n’avait pas envie de voir les « têtes de con » de ses collègues de travail, une salariée a obtenu gain de cause devant la justice en novembre dernier. La cour d’appel de Paris a en effet estimé, au travers d’une décision que nous avons pu consulter, que la page Facebook fournie aux débats par l’employeur n’était pas suffisamment probante. Il s’agissait d’une simple impression.
Embauchée en juin 2007 en tant que standardiste par une entreprise située à Valenton (Val-de-Marne), Aurélie X. est licenciée en septembre 2010 pour faute grave. Son employeur lui reproche alors son « attitude de dénigrement », qui se serait manifestée par des « propos tenus à notre encontre sur le site Internet Facebook, et ce en échangeant avec des personnes d'une ex filiale de notre société avec laquelle nous sommes en contentieux ».
Le patron d’Aurélie X. brandit un message en particulier : « Pas d'argent pour nous payer retard des payes ça va être la merde ! Et dire que je reprends demain ! Pas du tout envie de voir toutes ces têtes de con ! » Ambiance...
Dans sa lettre de licenciement, l’employeur affirme que la salariée a reconnu avoir publié ce message sur Facebook. Il poursuit : « Sa diffusion a eu pour objet des remontées d'information négatives, tant vis à vis de certains de nos clients, que de nos banquiers. » À ses yeux, le comportement d’Aurélie X. est « inadmissible, d'autant que [ses] contacts réguliers avec des personnes de [l’ex-filiale] par SMS ou Facebook, sous-entend que [son] obligation de réserve et de confidentialité est loin d'être assurée ».
Résultat, la standardiste se voit remerciée sans préavis ni indemnités de rupture. Mais elle n’a pas baissé les bras pour autant, puisqu’elle se tourne rapidement vers le conseil des prud’hommes de Meaux, qui juge le 8 décembre 2012 que le licenciement était en fait sans cause réelle et sérieuse. La salariée obtient au total plus de 15 000 euros d’indemnités.
La page Facebook, imprimée par l’employeur, ne prouve rien
Saisie par l’employeur, la cour d’appel de Paris a d’ailleurs confirmé le 18 novembre dernier cette décision. Pour en arriver à une telle conclusion, les juges ont cherché à savoir si les propos litigieux étaient publics ou privés, et ce « afin de caractériser ou non l'abus du droit à la liberté d'expression ». Ils se sont donc penchés sur la page Facebook d’Aurélie X., telle qu’imprimée par son patron en vue du procès.
Sauf qu’au vu de cet unique moyen de preuve, la cour n’a pu que constater que « l'employeur ne démontre pas que les propos diffusés par la salariée sur sa page Facebook sont publics, en raison des paramètres de confidentialité du compte Facebook de la salariée, pas plus qu'il ne rapporte la preuve de leurs conséquences préjudiciables pour la société et de l'atteinte portée à l'image de la société ». Dès lors, le comportement fautif d’Aurélie X. n’était pas établi, et son licenciement devenait par la même occasion « dépourvu de cause réelle et sérieuse ».
Si le principe veut que la preuve est libre en matière de litiges prud’homaux, c’est au juge qu’il appartient d’apprécier chaque élément rapporté par les parties. Cette décision n’est à cet égard guère surprenante, puisque la cour d’appel d’Amiens a déjà eu l’occasion de considérer dans un litige similaire que de simples copies d’écran étaient « insuffisantes à imputer de manière certaine » à un prévenu la rédaction de propos sur Facebook. En revanche, lorsque des constatations sont effectuées par un huissier, la justice se montre généralement plus assurée, à l’image de cette récente affaire dans laquelle un salarié réunionnais avait traité son patron de « boulet » sur le célèbre réseau social.