Si Google propose déjà de nombreux services payants, il a récemment proposé aux adeptes de YouTube de soutenir les producteurs de contenus via des dons. Aujourd'hui, le géant du web lance Contributor, un service qui vise à faire pareil avec n'importe quel site web. Le but ? Ne pas laisser Patreon et ses dérivés se renforcer, tout en misant sur un modèle à la Flattr.
Google, roi de a publicité en ligne, commence à miser de plus en plus sur les services payants. Si cela n'avait rien d'étonnant pour Drive ou le Play Store, cette façon de faire commence à gagner un nombre croissant de services. On a par exemple noté l'arrivée de chaînes à accès payant sur YouTube, et plus récemment Music Key qui permet de retirer la publicité de certaines vidéos contre une facture mensuelle.
L'économie du don gagne du terrain, Google s'y intéresse
Mais avec Contributor, c'est un modèle différent qui est visé : celui du soutien à la manière de Flattr ou de Patreon. En effet, comme nous avions déjà eu l'occasion de l'expliquer, plutôt que de se financer par la publicité, certains producteurs de contenus ont cherché à le faire avec le soutien des internautes. Les plateformes de Crowdfunding ont un temps été une solution, mais elles visent à financer un projet précis à un moment donné, pas une équipe sur la durée. Hors, le but de celui qui met en ligne ses articles, ses podcasts ou ses vidéos est de le faire de semaines en semaines.
Dès lors, sont nées des solutions comme Patreon, ou Tipeee en France. Ces mélanges entre Kickstarter et Flattr proposent en fait à chacun de présenter son projet et de proposer à sa communauté de le financer, mais avec un revenu régulier : par mois ou par contenu publié. Le montant est libre, mais des contreparties sont proposées par paliers. Celui-ci peut être réservé aux soutiens, mais le plus souvent ce n'est pas le cas. Ceux qui payent permettent au créateur de vivre de ce qu'il fait et donc de proposer son contenu à tous.
Nous avions déjà évoqué le cas de Patrick Beja, qui a depuis décidé de « faire le grand saut » et de se consacrer désormais à cette activité. Il compte 664 soutiens, pour un peu moins de 2 150 dollars par épisode publié pour le moment. Geek Inc, qui avait tenté l'aventure du financement participatif, a aussi décidé de se lancer et compte pour le moment 181 soutiens pour 846 dollars par mois. De quoi financer le nouveau studio du podcast vidéo.
Financer les individualités est une bonne chose, mais à quand la mise en commun ?
Attention, il ne faut pas oublier de retirer la part touchée par la plateforme au passage et les éventuelles charges lorsqu'une partie est distribuée en salaires. Ces sites sont ainsi intéressants pour financer des aventures individuelles, un peu comme peut déjà le faire une rédaction avec ses journalistes : ses revenus servent à financer le travail que chacun produit, tout en mettant une structure et une équipe à sa disposition.
Il reste néanmoins des différences, puisque les plateformes de soutien sont surtout un intermédiaire financier et ne proposent pas (encore ?) d'autres services et des protections (notamment juridiques) à leurs membres. Il existe d'ailleurs encore assez peu d'interaction entre eux, alors qu'une mise en commun de ressources à la manière d'une équipe pourrait avoir un sens, à travers des moyens partagés ou la mise en place d'un tiers lieu par exemple.
Mais le concept marche, et plutôt bien. Ainsi, Patreon vient d'annoncer distribuer chaque mois pas moins d'un million de dollars à ses membres à travers ses 125 000 « Patrons », soit 8 dollars chacun en moyenne. Une importance qui commence à aiguiser les appétits, dont celui de Google qui cherche à ne plus dépendre que de la publicité pour ses revenus.
Contributor : un cheval de Troie, mais pas une réponse au tracking et à la publicité
Contributor fait donc son apparition, mais a plutôt choisi de s'inspirer de Flattr dans un premier temps, alors que le modèle peine à rencontrer un réel succès plusieurs années après son lancement. En effet, les internautes peuvent décider du montant à donner chaque mois, de 1 à 3 dollars, et l'ensemble sera réparti en fonction des sites visités. Un tracker sera donc mis en place et le bloquer bloquera les revenus touchés par le site en question. Une manière pour Google de continuer au passage de récolter des données.
Les éditeurs affichent un message de remerciement du soutien sur leurs pages, et peuvent remplacer un emplacement publicitaire par cet élément, mais rien ne semble obligatoire à ce niveau. En fait, Contributor est une alternative aux publicités AdWords de Google, qui ne sont pas celles qui rémunèrent le plus les sites, même si elles sont faciles d'accès aux petits acteurs. Et autant dire qu'avec 1 à 3 dollars répartis entre plusieurs éditeurs, cela viendra en complément la plupart du temps. Lorsque l'on voit le montant des abonnements mensuels d'un site de presse généraliste français, le plus souvent sans que la publicité ne disparaisse, ou même de médias plus spécialisés, on a bien du mal à imaginer que cela sera suffisant.
Pour le moment, six sites sont partenaires : Urban Dictionary, The Onion, Science Daily, WikiHow, Imgur et Mashable qui appartient au géant AOL. On ne peut donc pas dire que ce sont de petits acteurs qui sont visés. Mais la mise en place de ce modèle sera l'occasion de voir s'il pose le problème que tout le monde lui prête : favoriser les gros médias. En effet, chaque site devra inciter les utilisateurs à s'inscrire et à effectuer un don, mais seuls les plus visités toucherons leur part, tout dépend d'ailleurs si la répartition se fera au prorata des pages visitées ou non, auquel cas on sera bien loin de s'éloigner du modèle publicitaire qui mise tout sur l'audience.
Les choses devraient de toute façon évoluer, puisque Contributor n'est que dans une phase de bêta privée, avec accès sur invitation. Vous pouvez d'ailleurs demander la vôtre par ici.
Une première étape dans un dispositif de monétisation aux multiples facettes
Mais de toute façon, cette initiative n'est sans doute qu'une première étape pour Google. Ici, le but est de voir dans quelle mesure le soutien des internautes peut être une alternative viable aux publicités maison, tout en incitant les sites à miser sur une telle solution plutôt que d'aller voir ailleurs. Dans le même temps, le géant du web continue de déployer Play Kiosque pour les sites de presse qui veulent faire payer leur accès, et pourrait au final décider de joindre les deux bouts avec un modèle de type Blendle avec une pincée de Patreon.
Autant dire qu'après la guerre de la publicité qui fait actuellement rage, on va sans doute passer les prochaines années dans une guerre des modèles économiques où chacun tentera de proposer sa solution pour financer les sites en accompagnement ou en dehors du modèle publicitaire. Et une fois encore, ce sont les grands acteurs actuels ou en devenir de la Silicon Valley qui risquent de remporter la mise, et de contrôler cette économie.
À moins que des initiatives locales ne réussissent à s'imposer entre temps, Tipeee aura donc tout son rôle à jouer et devra trouver une manière de se démarquer, alors que la presse devra sans doute chercher à se fédérer de manière intelligente si elle ne veut pas une nouvelle fois se retrouver ultra-dépendante de Google, notamment via des initiatives comme La Presse Libre que nous avons annoncée récemment.