Copie privée : en cas de barème illicite, le ministère ne souhaite pas de remboursement

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Droit 4 min
Copie privée : en cas de barème illicite, le ministère ne souhaite pas de remboursement
Crédits : Xavier Berne

Au Conseil d’État, un litige actuel sur le terrain de la copie privée pourrait entraîner, selon le sort, quelques douloureuses obligations de remboursements chez les ayants droit. Heureusement, le ministère de la Culture est là pour leur tendre la main.

Le contentieux en cours au Conseil d’État oppose une fois de plus les industriels d’un côté et les ayants droits et le ministère de la Culture de l’autre.

 

L’enjeu, plutôt technique, tient notamment au psychodrame qui a éclaté fin 2012 en Commission copie privée. En novembre, cinq des six industriels qui y siégeaient ont claqué la porte de cette instance. Ils entendaient manifester contre les règles de gouvernance et l’appétit des 12 ayants droit, surreprésentés autour de la table. On connait la suite : une Commission copie privée boiteuse a malgré tout mis à jour la quasi-totalité des tarifs de la redevance pour copie privée. Et sans surprise, une fois publiés au Journal officiel, ces barèmes votés au forceps ont été attaqués par plusieurs constructeurs et syndicats d’industriels.

 

C’est ce différend qui est actuellement ausculté par le Conseil d’État, dont le rapporteur public a déjà remis ses conclusions voilà une semaine. Les ayants droit bénéficiaires et le ministère peuvent avoir le sourire, elles leur sont favorables. Cependant, non liée, la haute juridiction administrative peut toujours annuler ces barèmes mal votés. Avec un effet douloureux : déclencher une obligation de remboursement pour Copie France, l’organisme collecteur des ayants droit.

Le ministère craint des demandes de remboursements généralisées

C’est théoriquement possible, mais le ministère de la Culture, solidaire dans la souffrance des ayants droit, a démultipliés les arguments pour éviter cette annulation, ou dans le cas contraire, ces remboursements.

 

Sur ce dernier point spécialement, dans le mémoire d’une vingtaine de pages déposé par la Rue de Valois au tout proche Conseil d’État, les services de Fleur Pellerin utilisent le bouclier d’une ancienne jurisprudence. Ils considèrent que l’annulation rétroactive des barèmes « pourrait provoquer des demandes de remboursement (…) dont la généralisation serait susceptible d’affecter profondément la continuité » du mécanisme de la redevance pour copie privée.

Impossible de rembourser des sommes consommées

Le ministère rappelle que 75 % des sommes collectées ont déjà été réparties entre les ayants droit, de même qu’un quart de ces flux ont subventionné « des festivals, évènements culturels et autres manifestations de la création artistique ». En outre, le remboursement serait impossible, dans la mesure où ces flux « sont répercutés dans le prix de vente des supports aux consommateurs ».

 

L’argument est un peu tiré par les cheveux puisque ce sont les importateurs et les fabricants qui collectent la copie privée et la reversent aux ayants droit. Ce sont donc eux qui en première ligne devraient être remboursés des prélèvements illicites, avant les consommateurs.

Trop d'annulation de barèmes empêchent une nouvelle annulation

Le service juridique de Fleur Pellerin estiment en outre que l’intérêt général serait menacé par cette annulation car celle-ci « aurait pour conséquence immédiate, eu égard aux précédentes annulations prononcées par le Conseil d’État à l’encontre des décisions antérieurs de la commission, et dans l’attente d’un rétablissement du dispositif, l’arrêt des perceptions sur une part substantielle des supports d’enregistrement soumis à rémunération pour copie privée ».

 

En clair : l’annulation rétroactive du barème 15 réactiverait des barèmes précédents mais il y a un gros souci : six d’entre eux ont déjà été déclarés illicites par le Conseil d’État ! C’est donc aussi en raison de ces lourdes casseroles que le ministère demande clémence au juge administratif pour l’avenir.

Le ministère suggère une annulation non rétroactive repoussée de 9 mois

L’astuce du chef du service des affaires juridiques de Fleur Pellerin consiste donc à réclamer du Conseil d’État une modulation dans le temps de son éventuelle décision d’annulation. L’idée serait qu’elle ne prenne effet « qu’à l’expiration d’un délai de neuf mois à compter de la date de sa notification ». Cette annulation serait donc décalée dans le temps, sans effet rétroactif et donc sans obligation de remboursement pour les ayants droit. Parfait !

Un machine à cash

Ce n’est pas la première fois que le Conseil d’État appliquerait une telle solution (puisée dans sa jurisprudence AC!) aux bénéficiaires. Il avait déjà offert ce joli cadeau notamment lorsqu’il a tapé sur les doigts de la Commission copie privée. Payées par les ayants droit, les études d’usage qui lui servent à jauger les pratiques de copie avaient bêtement oublié d’ignorer les copies illicites ou celles effectuées par les professionnels. Résultat : plus de copies constatées dans ces études entraînaient comme par magie des taux plus élevés dans les barèmes, et donc plus de redevance. Une pratique certes agréable pour ses bénéficiaires mais très brouillonne sur le terrain du droit : la directive et la jurisprudence européenne demandent aux États membres de ne lier la copie privée qu’aux copies licites effectuées par les particuliers pour leurs usages privés.

 

 

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