Un post enflamme depuis quelque temps Twitter. Il affirme que la Hadopi, en 4 ans, c’est « 44.000.000€ de budget, 71 employés, salaire moyen : 6338€ brut, 3 personnes jugées, 1 condamnée à 600€ ». Un message qui a fait mouche, retweeté des milliers de fois. Malheureusement, ces données ne sont pas tout à fait exactes. Reprenons-les points par points.
Les coûts de la Hadopi
Combien a coûté la Hadopi au budget de l’État et donc aux contribuables ? Pour le savoir, il faut se replonger dans les chapitres financiers des différents rapports annuels de la Haute autorité. Celle-ci a bien aspiré depuis 2010 plusieurs dizaines de millions d’euros de subventions publiques, mais plus que ne le laisse entendre ce tweet :
- 2014 : 6 millions d’euros (5,58 versés, nous précise Eric Walter)
- 2013 : 7 millions d’euros
- 2012 : 10,3 millions d’euros
- 2011 : 11,4 millions d’euros
- 2010 : 10 millions d’euros
Le total approche donc les 44,7 millions d’euros. Cependant, ces données ne sont pas tout à fait complètes, puisqu’il faut tenir compte aussi des autres coûts générés par l’institution. Rappelons qu’à la préhistoire de cette institution, née dans la douleur, le Conseil général des technologies de l'information chiffrait à 70 millions d’euros le coût total de ce dispositif, en comptant l’adaptation des systèmes d’information des FAI, consécutive à cette loi. Par exemple, la suspension ne devait concerner que la partie web, non la téléphonie, les correspondance privée ou la télévision. De même, les opérateurs ont dû mettre à jour leurs systèmes pour absorber les demandes d'identification des IP adressées par la Hadopi. La Fédération Française des Télécoms tablait ainsi sur 100 millions d’euros pour assurer les développements techniques nécessaires à la mise en place de la suspension. On ne sait à ce jour quelles sommes ont été effectivement investies sur ce terrain alors que la suspension d’accès a finalement été déconnectée de la réponse graduée, en juillet 2013.
Autre inconnue : les frais d’indemnisation des FAI, qui se chiffrent eux aussi en millions d’euros. Sans remboursement, ceux-ci travaillent gratuitement pour le compte de l’État - essentiellement pour l’identification des abonnés. En 2012, alors que la riposte graduée était loin de son rythme de croisière actuel, l’ardoise était déjà de 2,5 millions d’euros selon l’Express.
Qui doit payer ? Le décret du 7 mars 2010 sur l’interconnexion des données entre la Hadopi et les FAI vise l’article l'article 34.1 du Code des postes et des télécommunications. Cette disposition, en son point III, prévient que les opérateurs doivent être remboursés « des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées » pour les besoins « de la recherche, de la constatation et de la poursuite (…) d'un manquement à l'obligation ». Seul souci, cet article conditionne ce remboursement à un décret qui n’a toujours pas été publié par le ministère de la Culture. Faute de texte, ni la Hadopi ni le ministère de la Culture ne veulent rembourser.
La question des coûts n’est pas simple à évaluer cependant. Alors locataire de la Rue de Valois, Christine Albanel expliquait que « c’est évident que le piratage consomme beaucoup de bande passante et qu’il y a là un gain de supprimer le piratage qui fait baisser cette consommation excessive et injuste de bande passante ». Plus sérieusement, il faut aussi compter sur les effets supposés de la riposte graduée sur l’offre légale, quoi qu’une étude récente estime l’effet dissuasif de la riposte graduée malgré tout faible. De même, il faut aussi compter sur les changements de comportement dans les pratiques et l'utilisation d'autres canaux d'échanges.
61 employés
La Hadopi compte un peu plus de 60 employés désormais (61 au 31 décembre 2012, dixit le rapport 2013 de la Haute autorité, mais 71 emplois temps pleins programmés). Il est simple de calculer le salaire moyen. Le dernier compte financier chiffre à 3 millions d’euros les rémunérations dues (sans compter les charges afférentes). Cela représente par tête près de 50 000 euros par an soit plus de 4 100 euros par mois. Attention, cependant, c’est une moyenne, sans doute loin du salaire de base et, inversement, des traitements en crête.
Extrait des derniers documents financiers de la Hadopi.
Nombre de personnes jugées
Depuis les débuts de la risposte graduée et les premières transmissions au parquet, il y a eu en tout 16 jugements dont une relaxe. Attention, ce sont 16 jugements connus et pour lesquels la Hadopi a accepté de lever un bord du voile. En tout, il y a eu 116 transmissions au parquet, et huit abonnés ont profité de mesures alternatives - principalement des rappels destinés à leur faire comprendre que violer la loi, c’est mal. La plus haute sanction là encore connue est celle d’un abonné qui s’est vu infliger une amende de 600 euros et 15 jours de suspension (jamais appliquée). D’autres ont été punis d’amendes plus douces, comme ce charpentier qui a écopé de 150 euros infligés par le tribunal de police de Belfort.
Une certitude : le budget de la Hadopi devrait gonfler dans les prochaines années puisque Aurélie Filippetti, l’ancienne opposante devenue ministre de la Culture, a confirmé en juillet dernier que « le budget de la Hadopi [sera] préservé pour les années à venir. Son fonctionnement continue ». La Rue du Texel a donc récemment réclamé une subvention de 8,5 millions d’euros pour 2015 ce qui, si elle est avalisée par le ministère, porterait le total des subventions publiques à 53,2 millions d’euros.