En réaction à une enquête qui avait été déclenchée par la Commission européenne au début de l’année, Google va procéder à un important changement dans sa boutique d’applications : toutes celles qui possèdent des achats in-app ne seront plus marquées comme « gratuites ». Une évolution notable dans la perception des coûts engendrés par les applications et qui répond aux problèmes notamment rencontrés par certaines familles.
Les achats in-app, cette manne financière
Les achats in-app ont clairement modifié la manière dont nous consommons les applications. Il s’agissait initialement de payer directement pour un contenu qui viendrait s’ajouter au contenu existant, plutôt que de payer une deuxième fois, une troisième et ainsi de suite. Mais très rapidement, ce modèle est devenu le cœur du « freemium », qui consiste à fournir une application « gratuite » mais dans laquelle on se retrouve rapidement frustré par le manque de contenu, provoquant le déclenchement compulsif de l’achat in-app, rendu toujours plus facile par les plateformes.
Et si ces achats compulsifs vous semblent familiers, c’est parce que certaines applications en ont très largement profité. C’est particulièrement vrai dans le monde vidéoludique, avec des titres tels que Candy Crush. Le jeu de base ne coûte rien, et il est tout à fait possible de l’utiliser sans débourser le moindre centime. Mais sitôt les cinq vies épuisées ou le chapitre fini, on peut dépenser une somme modique pour continuer à jouer plutôt que d’attendre. L’opération, répétée des millions de fois, a fait la richesse de l’éditeur King.
Une pression qui s'accumule autour des plateformes de vente
Et c’est justement parce que ces applications permettent autant d’achats in-app qu’elles ne peuvent être considérées comme réellement gratuites. Un problème que nous avons souligné plusieurs fois, surtout au travers des problèmes rencontrés par certaines familles, dont les enfants procédaient à de tels achats, sans limitations, à cause d’un manque évident de garde-fous. Qu’il s’agisse d'Android ou d’iOS, rien ne permettait de limiter ces achats. Par la suite, des barrières ont été mises en place, jusqu’à aboutir à le demande systématique du mot de passe pour chaque achat. Auparavant, toute saisie de ce dernier ouvrait une fenêtre pendant laquelle il n’était plus réclamé. Provoquant des problèmes de surfacturation une fois les enfants entrés en piste.
Ces problèmes justement ont entrainé la condamnation d’Apple par la FTC (Federal Trade Commission) il y a plusieurs mois, l’organe fédéral ayant récemment déposé plainte contre Amazon également. Quant à Google, il existe de fortes rumeurs sur une possible plainte, toujours pour les mêmes raisons. La pression s’accumule autour des éditeurs de plateformes mobiles pour qu’ils prennent les choses en main, et Google vient de franchir une étape importante.
Google supprimera les références à la gratuité des applications avec achats intégrés
En février, la Commission européenne avait ouvert une concertation sur cette thématique simple : Peut-on encore parler de « Free-to-play » lorsque des microtransactions sont présentes dans une application ou un jeu vidéo ? Dans un rapport publié vendredi, elle informe que cette réflexion et les discussions avec Google et Apple ont porté leurs fruits. Tout du moins en partie.
Google s’est en effet engagée sur des points très importants. Des travaux sont actuellement en cours pour aménager la signalétique de sa boutique Play Store, dont un changement en particulier : la suppression de l’étiquette « Gratuite » pour une application comportant uniquement des achats in-app. La Commission note bien que le géant du web a également mis en place l’obligation d’entrer le mot de passe pour tout paiement intégré, même en cas d’opération répétée plusieurs fois d’affilée.
Dans un communiqué, Google a indiqué avoir « travaillé avec la Commission européenne et les agences de protection du consommateur durant les derniers mois pour intégrer à Google Play des améliorations qui seront bonnes pour nos utilisateurs et fourniront une meilleure protection pour les enfants ». Cela comprend une révision des « lignes directrices ciblées pour les créateurs d’applications afin d’empêcher les incitations directement adressées aux enfants ».
Un travail à faire du côté des éditeurs
La suppression du terme « Gratuit » pour désigner une application comprenant des achats intégrés est une étape importante. Selon le rapport de la Commission, le changement est en cours et sera complètement terminé d’ici la fin du mois de septembre. Google devra également communiquer avec les éditeurs, car même si les fiches Google Play de « Candy Crush » ou encore « Empire: Four Kingdoms » ne contiennent pas le mot « Gratuit », ce n’est pas le cas du texte publié par l’éditeur pour présenter son titre. Pour le premier, on trouve ainsi les mots « entièrement gratuit » tandis que le second n’hésite pas à utiliser les lettres capitales avec « GRATUITEMENT ».
C’est précisément ce que la Commission veut harmoniser tout en reconnaissant que ce changement prendra du temps. Il n’est d’ailleurs pas compris dans la série des modifications en cours et prévues pour être finalisées vers fin septembre prochain. En outre, la boutique Google Play a beau contenir un nombre titanesque d’applications, elle n’est pas la seule boutique.
Apple estime ne rien avoir à faire pour l'instant
Car Apple faisait également partie de la boucle, mais n’a pas souhaité réagir pour le moment. La Commission note en effet que la société « a proposé de se pencher sur la question mais n’a, malheureusement, proposé aucune solution concrète immédiate à ce jour pour traiter les craintes liées, en particulier, à l’autorisation de paiement. Toutefois, aucun engagement ferme n’a été pris et aucun délai n’a été fixé en ce qui concerne la mise en œuvre de ces éventuelles modifications futures ».
La firme a cependant indiqué au site Re/code que les contrôles d’iOS allaient « déjà bien au-delà des fonctionnalités des autres dans l’industrie ». Elle ajoute : « Nous sommes en train d’ajouter d’excellentes nouvelles fonctionnalités dans iOS 8, comme Ask to buy, qui permet aux parents d’avoir encore davantage de contrôle sur ce que leurs enfants achètent dans l’App Store ».
La réflexion de la Commission s’articule en fait sur une base juridique simple, mentionnée d'ailleurs dans son rapport : la directive sur les pratiques commerciales déloyales. Son Annexe I indique en effet qu’est « considéré comme "Pratiques commerciales trompeuses", 20) "Décrire un produit comme étant «gratuit», «à titre gracieux», «sans frais» ou autres termes similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d'autre que les coûts inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession ou livraison de l'article ». En d’autres termes, ne peut être décrit que comme gratuit un produit qui l’est totalement, pas seulement en partie.
La Commission a promis de suivre le dossier de près et indique que les négociations continuent avec Apple. Par ailleurs, les changements sont limités à l'Union européenne, mais Google pourrait très bien décider d'élargir ces nouvelles pratiques à tous les marchés dans une optique de simplification.