Le projet de loi « Création », préparé par Aurélie Filippetti afin notamment de transférer les compétences de la Hadopi au CSA, est décidément en bien mauvaise posture. Le texte, qui a notamment souffert du dernier remaniement ministériel et de la pause des municipales, pourrait en effet n’être discuté devant le Parlement que l’année prochaine. Et encore, s’il arrive à sortir de derrière les murs de la Rue de Valois...
Ce n’est pas une surprise : le projet de loi « Création » connaît de grosses difficultés, notamment en termes de calendrier. Promis un temps par Aurélie Filippetti pour « avant Nöel » 2013, puis pour avant les élections municipales du mois de mars, force est de constater que le texte n’est toujours pas à l’ordre du jour du gouvernement Valls. Le calendrier parlementaire dévoilé en avril dernier par le Secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement ne fait ainsi aucune mention de ce texte, alors qu’il s’étend pourtant jusqu’à la rentrée...
Aujourd’hui, Le Monde affirme que le projet de loi « ne devrait finalement pas être présenté en conseil des ministres avant le dernier trimestre de 2014, ce qui en renvoie l'examen [devant le Parlement] à 2015 ». En cause notamment, les embouteillages au Parlement, qui ne laissent que peu de fenêtres de tir pour un dispositif aussi long.
Vers un détricotage du texte ?
Pour rappel, ce projet de loi se veut très vaste, même si son contenu n’a pas été officiellement dévoilé. Le ministère de la Culture a néanmoins affirmé à plusieurs reprises que le texte était loin de procéder au seul transfert de la riposte graduée vers le CSA. En avril dernier, à Dijon, Aurélie Filippetti a ainsi souligné qu’il serait par exemple question de clarifier la notion de domaine public, de transparence quant à l’utilisation des 25 % de la copie privée, d’une gestion collective obligatoire pour la filière musicale... Le CSA devait également rafler un paquet de prérogatives quant aux contenus numériques.
Mais justement, face à l’épaisseur du texte, l’exécutif semble sérieusement étudier l’éventualité d’un détricotage, puisque les dispositions du projet de loi Création pourraient être votées par le Parlement au travers de plusieurs véhicules législatifs. Une hypothèse qu’évoquaient déjà Les Échos et Électron Libre il y a plusieurs semaines, et dont fait part aujourd’hui encore Le Monde. « Il est ainsi envisagé de séparer la partie spectacle vivant et arts plastiques, ce qui permettrait de lui dédier un texte propre, susceptible d'être examiné plus vite. Pour la partie audiovisuelle, jugée plus polémique, plusieurs options sont étudiées : un texte spécifique ou le rattachement à la loi sur le numérique qu'aimerait faire voter la nouvelle secrétaire d'État Axelle Lemaire » écrivent nos confrères. On comprend ainsi que les dispositions concernant le volet numérique de ce projet de loi sont encore loin d'être examinées par le Parlement, d'autant que le fameux texte préparé par Axelle Lemaire connaît lui aussi des problèmes de calendrier, comme nous l'avait confié la ministre Marylise Lebranchu.
Quelle que soit la solution pour laquelle optera l’exécutif, les ayants droit peuvent faire la grimace, puisque le texte n’en finit pas d’avoir du retard, et ce plus d'un an après la remise du rapport Lescure. Quant aux électeurs du candidat Hollande qui promettait, parmi ses 60 engagements, de « remplacer la loi Hadopi par une grande loi signant l’acte 2 de l’exception culturelle française », ils seront bien les seuls à pouvoir juger de la réforme sur laquelle accouchera finalement l’exécutif.