L’Assemblée nationale refuse à nouveau de surtaxer les ebooks avec DRM

L’Assemblée nationale refuse à nouveau de surtaxer les ebooks avec DRM

Verrou plantaire

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Xavier Berne

Publié dans

Droit

08/12/2014 6 minutes
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L’Assemblée nationale refuse à nouveau de surtaxer les ebooks avec DRM

Alors que la France pourrait bientôt être condamnée par la justice européenne à cause de la TVA réduite dont profitent tous les ebooks, les députés écologistes proposaient de trouver une sortie de secours en n’appliquant ce taux de 5,5 % qu’aux seuls livres numériques dépourvus de verrous (DRM). Mais sans grande surprise, le gouvernement et les parlementaires s’y sont opposés.

Une TVA à 5,5 % pour les seuls ebooks sans DRM à partir de 2016

La députée Isabelle Attard ne lâche pas le morceau. À l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2014, l’élue Nouvelle Donne (et apparentée écologiste) a redéposé son amendement selon lequel l’application du taux de TVA de 5,5 % se ferait pour tous les livres numériques, « sauf si le ou les fichiers comportent des mesures techniques de protection », ou « s’ils ne sont pas dans un format de données ouvert ». À partir du 1er janvier 2016, ces ebooks avec DRM seraient ainsi taxés au taux normal de 20 %.

 

La cible de la parlementaire ? Les géants américains tels qu’Amazon et son Kindle, « Apple avec iTunes et Google avec Google Play Books ». Et pour cause, Isabelle Attard a expliqué vendredi lors des débats dans l’hémicycle que « leurs clients croient acheter des livres numériques mais c’est faux : ils souscrivent en réalité une licence de lecture extrêmement limitée. S’ils changent de système de lecture, ils ne peuvent plus accéder aux livres qu’ils croient avoir achetés. »

 

« La solution s’appelle l’interopérabilité : acheter un livre numérique doit y donner accès sur n’importe quel appareil, sans limitation » a poursuivi la députée. Cette dernière espérait faire d’une pierre trois coups avec cette proposition. Premièrement, il s’agissait de favoriser les petits éditeurs et vendeurs qui optent pour des systèmes ouverts, en leur donnant « les moyens de lutter à armes égales contre les systèmes fermés des multinationales ». Deuxièmement, Isabelle Attard souhaitait inciter à un meilleur respect des lecteurs.

Les éditeurs s’attendent à une fin proche de la TVA à 5,5 % pour les ebooks

Mais surtout, et c’était là le troisième point, il était question de trouver « un compromis acceptable à la procédure engagée par la Commission européenne contre la France » en 2013. Pour rappel, Bruxelles reproche à Paris d’appliquer un taux de TVA réduit sur les ebooks, ce qui serait contraire au droit européen (lequel prévoit qu’un tel traitement de faveur ne peut se faire au profit de services électroniques). « Le Syndicat national de l’édition vient de recommander à ses membres de se préparer à la condamnation de la France et à la suppression en urgence de la TVA réduite sur le livre numérique » a au passage souligné Isabelle Attard.

 

Voici le raisonnement de l’élue : « La Commission prétend que les livres numériques sont non pas des livres mais des services, ce qui impliquerait l’application d’un taux de TVA normal, soit 20 %. La Commission a raison mais seulement à propos des licences de lecture limitées. La France soutient quant à elle qu’un livre numérique est toujours un livre et qu’il faut lui appliquer un taux réduit de TVA. La France a raison, mais uniquement s’agissant des fichiers numériques librement réutilisables. »

Le gouvernement refuse de changer de stratégie

Mais la majorité socialiste ne bouge pas non plus d’un iota sur ce sujet. « Si nous supprimions l’éligibilité des livres numériques au taux de TVA de 5,5 %, nous risquerions de fragiliser notre position devant la Cour de justice de l’Union européenne sur le sujet. En effet, nous défendons l’éligibilité des textes dématérialisés au taux réduit au même titre que les livres papiers en affirmant que leurs contenus sont de même nature » a ainsi rétorqué Valérie Rabault, rapporteure générale du projet de loi de finances rectificative.

 

Elle fut d’ailleurs rejointe par Christian Eckert, le secrétaire d’État au Budget. « Si nous restreignions le bénéfice du taux réduit aux seuls livres numériques libres de DRM, comme vous le suggérez, nous fragiliserions notre position par rapport à la Commission puisque nous nous appuierions alors sur un argument différent de celui que nous mettons en avant aujourd’hui et qui nous semble plus solide. » Il y a un an, le gouvernement Ayrault avait utilisé la même argumentation pour s’opposer à un précédent amendement d’Isabelle Attard.

 

Le représentant du gouvernement a d’autre part jugé que « l’outil fiscal [n’était] pas la bonne solution » s’agissant de l’interopérabilité, sous-entendant qu’il pourrait y avoir d’autres leviers à actionner en la matière.

 

attard assemblée

 

La députée Attard a bien tenté de marquer son agacement alors que cette proposition est sur la table depuis maintenant plus d’un an, mais rien n’y a fait. La rapporteure et le gouvernement ont émis un avis défavorable sur cet amendement, qui a été rejeté par les élus du Palais Bourbon.

 

« Lorsque deux parties en conflit sont dans l’erreur, chacune ayant en partie raison et en partie tort, la première à le reconnaître et à proposer une solution mutuellement avantageuse est forcément en position de supériorité. Effectivement, la Commission a raison, un livre numérique est un service. Nous proposons de dire la même chose, plus intelligemment : c’est lorsque ce livre numérique comporte un verrou qu’il est un service ; sans verrou, c’est un vrai livre » avait pourtant tenté de convaincre l’élue suite aux objections formulées par l'exécutif. Elle n’a d’ailleurs pas caché sa déception sur Twitter.

Rappelons enfin qu’il y a un an, cet amendement fut adopté en séance par l’Assemblée nationale, contre l’avis du gouvernement et du rapporteur. Sauf que l’exécutif avait rapidement fait rectifier le tir, en demandant une deuxième délibération, ce qui avait suscité de vives critiques de la part des associations citoyennes qui soutenaient cette mesure, à commencer par l’April, Savoirs Com1 ou La Quadrature du Net.  

Écrit par Xavier Berne

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Une TVA à 5,5 % pour les seuls ebooks sans DRM à partir de 2016

Les éditeurs s’attendent à une fin proche de la TVA à 5,5 % pour les ebooks

Le gouvernement refuse de changer de stratégie

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Commentaires (28)


C’est con la différenciation est plutôt intéressante et bien pensée pour le coup…


Je plussois


Raisonnement très malin de la part de I. Attard….

Et argument déplorable de la part de Eckert….

 


Le pire c’est que le taux de TVA actuel des Ebook vendus sur Amazon n’est que de… 3%

Ils risquent donc de défavoriser les concurrents, effet contraire à celui recherché.



 

Eh oui je viens tout juste d’auto-publier mon premier livre et de m’en rendre compte !





(Pub : il s’agit de Mon âme image un livre-jeu pour 2 joueurs)


Non mais lol quoi, Comme si elle avait la moindre chance face au gouvernement et les lobbies des éditeurs.



Plus sérieusement, il est dommage de voir un amendement aussi bien argumenté balayé d’un revers de la main par une explication boiteuse comme Anne de Bretagne.








Drepanocytose a écrit :



Raisonnement très malin de la part de I. Attard….

Et argument déplorable de la part de Eckert….





Il faudrait lutter contre la connerie et la corruption …

Mais nos les politiques sont contre … à double titre.

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Dites, c’est bien les même attardés qui mise en place la loi anti-amazon ? Qui font tout et n’importe quoi, surtout n’importe quoi, pour taxer GAFA ?

C’est pas comme si ils auraient pu les frapper là ou ça fait mal, sur la fidélisation du client….


C’est bien, çà montre encire une fois que le gouvernement a oublié que le but est de protéger les intérêts de tous les citoyens et non juste des copains…



Bon et si on pouvait avoir un discourt similaire sur tous les DRM “culture” donc pas seulement les livres mais aussi les film, musiques histoire qu’on avance aussi sur ce sujet ca serait bien.



J’ai commencé à lire l’article en me disant “c’est quoi cette connerie, un livre est un livre, on va pas se mettre à taxer différemment les choses par idéologie libriste”, mais je reconnais que la distinction service / achat réel m’a convaincu.

Un petit bémol tout de même : un format fermé ne devrait selon moi pas transformer l’e-book en service si le logiciel pour le lire est gratuit et n’est pas soumis à une licence ‘service-like’.


Non, c’est vrai l’outil fiscal n’est pas la bonne solution pour l’interopérabilité, mieux vaut ne rien faire, c’est bien plus efficace.








damaki a écrit :



Non, c’est vrai l’outil fiscal n’est pas la bonne solution pour l’interopérabilité, mieux vaut ne rien faire, c’est bien plus efficace.





Ils ont une solution super efficace ultra secrète, MAIS, ils ne la mettront en place que si on les réélit en 2017, c’est leur moyen de pression!!



Sont trop malins! <img data-src=" />



Faudrait peut être se mettre à la page concernant la musique : sur iTunes, plus gros vendeur de musique démat’, il n’y a plus de DRM depuis 2009 et il me semble que ça s’est généralisé depuis.



Oui je sais, c’est dur à entendre, ça fait un argument de moins pour les tipiack.


Non mais je sais, mais déjà il n’y a pas qu’Itunes dans la vie :) en plus çà ne couvre pas les films… et quitte à légiférer autant ratisser un peu large plutôt que d’avoir 36 lois avec des exceptions de partout.








Zerdligham a écrit :



….Un petit bémol tout de même : un format fermé ne devrait selon moi pas transformer l’e-book en service si le logiciel pour le lire est gratuit et n’est pas soumis à une licence ‘service-like’.



Le logiciel pour le lire est peut-être gratuit aujourd’hui, mais comme il est forcément aussi fermé que le format qu’il est supposé lire, rien ne dit qu’il restera gratuit à vie.

Pour moi, un format fermé signifie service, même si ce service est gratuit . ça ne sera pas la 1ere fois qu’un service gratuit devient payant ( ex: dyndns )



D’où ma remarque sur la licence. Il est tout à fait envisageable d’écrire un logiciel fermé, basé sur un format fermé, mais dont le binaire serait sous licence WTFPL (par exemple). Même si l’éditeur décide que la version 2 sera payante, SAAS, ou n’importe quoi, la version 1 restera disponible et continuera à permettre la lecture ad vitam eternam.

Je ne suis pas certain que ce modèle de fonctionnement existe en pratique, mais l’exclure ne serait selon moi pas justifié.



PS: on ne peut pas faire un logiciel open-source pour lire un format fermé? pourquoi?








Zerdligham a écrit :



PS: on ne peut pas faire un logiciel open-source pour lire un format fermé? pourquoi?





je dis peut-être une connerie mais si ton format est complètement fermé (aucune documentation pour l’intéropérabilité) faire un truc open source qui permet quand même de le lire revient à cracker le format



Lu passage des e-book en service se traduira certes par une augmentation de la TVA mais vu la requalification de la chose, ne pensez-vous pas que cela va leur permettre d’échapper au prix unique ?








slave1802 a écrit :



Lu passage des e-book en service se traduira certes par une augmentation de la TVA mais vu la requalification de la chose, ne pensez-vous pas que cela va leur permettre d’échapper au prix unique ?





pas certain qu’on ait assez de cohérence à ce niveau-là pour que ça arrive <img data-src=" />



Le rétro engineering est autorisée pour des question d’interopérabilité. La où c’est embêtant c’est s’il y a des mesures de protections (DRM) sur le fichier que tu dois aussi casser pour le lire : tu n’as pas le droit de la contourner. Le but du jeu étant principalement de vendre une licence pour l’exploitation derrière (dvd, bluray par exemple)


je pensais justement à l’exemple du blu-ray, oui <img data-src=" />


En théorie, un format ouvert est un format dont la documentation est publique. Je sais bien que quelques-uns vont prétendre que leur code est sa propre documentation, mais reconstruire la doc à partir de ça reste du rétro-enginering, même si grandement facilité par rapport à si on avait juste un fichier.



Plus crédible, on peut imaginer une entreprise plutôt portée vers le libre, qui vendrait aussi des livres dans le format (fermé) d’un concurrent pour profiter de sa plateforme, mais qui fournisse un reader open source à côté pour bénéficier de la TVA à 5%. Quitte à n’implémenter que les fonctionnalités qu’elle utilise.








Zerdligham a écrit :



PS: on ne peut pas faire un logiciel open-source pour lire un format fermé? pourquoi?





On peut… si l’on arrive à comprendre comment fonctionne le format. Et s’il est chiffré (sûrement le cas avec des DRM), bon courage.



C’est pas tellement une question juridique qu’un problème pratique à mon sens : Il “suffit” de lire le code source d’un logiciel opensource décodant un format fermé pour comprendre comment fonctionne le format en question.

Évidemment, c’est pas à la portée du 1er venu, mais on s’affranchit alors de l’étape nécessaire d’ingénierie à rebours qui n’est pas toujours autorisée. ( relire le code source pour comprendre comment ça fonctionne , ça n’est pas de l’ingénierie à rebours )

C’est pour ça que ce genre de logiciel ne peut pas exister en l’état.

Il sera gratuit si l’éditeur le désire, mais forcément fermé.



@WereWindle : Autre facette du même raisonnement :)



Ceci dit, calibre est gratuit, mais arrive bien à lire des ebooks au format mobi et epub, alors il faut prendre ce que je raconte avec des pincettes hein… <img data-src=" /> ( peut-etre qu’il n’y arrive que si les bouquins n’ont pas de DRM justement… )


Ce n’est pas une question de format, mais de protection logicielle.



Si ta boutique “plutôt portée vers le libre” vend les livres de ses concurrents verrouillés par DRM, même en fournissant un logiciel pour les lire (ce qu’elle n’a d’ailleurs pas le droit de faire), eh bien elle agit exactement comme son concurrent et ne vend donc pas un livre électronique (selon Attard), mais un service. Le livre en lui même est toujours sujet aux mêmes limitations.



Comme je l’ai dit, il faut bien faire attention entre format fermé et DRM



Pour faire un parallèle simpliste:




  • Le format gzip est ouvert

  • Le format RAR est fermé



    Rien n’empêche (du moins en Europe où il n’y a pas de brevets logiciels) d’écrire un programme qui lit des fichiers RAR.

    En revanche, bon courage pour lire un RAR ou GZIP chiffré dont seul une personne (Amazon ici) aurait la clé, rétro-ingénierie ou pas.


EDIT: Doublon.




Lorsque deux parties en conflit sont dans l’erreur, chacune ayant en partie raison et en partie tort, la première à le reconnaître et à proposer une solution mutuellement avantageuse est forcément en position de supériorité.



Ca, c’est vrai dans la vie reelle. En politique, il semble que quand deux parties en conflit sont dans l’erreur, la premiere a le reconnaitre passe pour un faible et se fait huer (mode “vous etes avec nous ou contre nous”). En appeler ainsi a la raison ne marchera pas dans un contexte ou seule les positions caricaturalement simples semblent tolerees.


Et LibreOffice avec le .doc? Format fermé, supporté par un produit open source. Le support est partiel, certes, mais ça n’a rien d’incompatible avec mon exemple (qui ne suppose pas nécessairement un support total).

Fin bref, inutile d’épiloguer sur la capacité d’un logiciel libre c’est pas le cœur de la question, et c’est probablement pas ce qui intéressera les éditeurs de toute façon. Ma position reste valable avec un logiciel fermé, du moment qu’il soit gratuit et avec une licence qui ne pourra jamais annuler le droit de lecture de l’acheteur.


En fait pour moi ce n’est ni un problème de format, ni un problème de protection logicielle, mais un problème de quel doit être le rôle de la loi. Je trouve l’approche d’Isabelle Attart service vs. objet est très pertinente. Là ou elle pert mon adhésion, c’est quand elle y met des critère techniques. Au fond c’est quoi la différence entre un service et un objet? Je pense

que la réponse est plus dans les droits et garanties accordés au client

que dans le format ou l’absence de DRM.

La loi devrait fixer des règles de principe. Charge aux techniciens de trouver les meilleurs moyens techniques d’y répondre. Une loi technique, c’est à la fois liberticide et anti-innovation (on m’interdit des méthodes alors que j’aurais peut-être pu remplir les objectifs avec), et en plus ça se périme très vite.

Ce serait quand même con de pénaliser un système de DRM qui permette à

la fois de bloquer le piratage et de laisser le client totalement libre,

juste parce qu’en 2014 on ne pensait pas que c’était possible et qu’on

avait du coup mis le mot DRM dans la loi. (bon, je sais que les lois

sont pas rédigées comme ça, mais tu comprends l’idée).



J’avais pris l’exemple du format fermé parce que c’est le premier qui m’a frappé, mais ce que j’ai réalisé en te répondant, c’est que mon problème avec sa position est plus profond.