La proposition de loi sur les droits voisins des éditeurs renvoyée en commission

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Petites mœurs entre amis

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Marc Rees

Publié dans

Droit

18/05/2018 5 minutes
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La proposition de loi sur les droits voisins des éditeurs renvoyée en commission

L’Assemblée nationale a renvoyé en commission la proposition de loi MODEM visant à créer un droit voisin pour les éditeurs de presse. Autant dire que le chantier strictement national est enterré. Les espoirs, notamment du groupe LREM et de la ministre de la Culture, sont désormais tournés vers l’Europe.

L’idée défendue par le député Patrick Mignola (MODEM) était généreuse pour les principaux concernés, les éditeurs de presse. D’une main, la proposition de loi consacre une vaste interdiction de mettre en ligne des articles de presse, même en partie, auprès de la plupart des intermédiaires techniques.

De l’autre, elle confie à une société de perception le pouvoir de négocier avec les plateformes une autorisation de « communication » de ces articles de presse. Les droits prélevés auraient évidemment été partagés entre les éditeurs bénéficiaires, déduction faite des frais d’intermédiation.

Une société de gestion collective, entre éditeurs « connus » qui « s'acceptent »

Le 9 mai, en commission des affaires culturelles, Fabienne Colboc (LREM) s’était interrogée sur « l’articulation de ce nouveau droit avec la lutte contre les fausses informations qui fera l’objet de la présentation d’une proposition de loi au début du mois de juin ».

La crainte ? Que cette nouvelle protection, riche de conséquences, puisqu’elle revient à soumettre Internet à une redevance privée, « vienne créer une source de financement supplémentaire pour les entreprises de presse diffusant de fausses informations ».

Patrick Mignola lui avait rappelé les charmes de la gestion collective. Une vraie petite fête entre amis : certes, la proposition de loi place les organismes de gestion collective au centre des perceptions, pour glaner les sommes puis les répartir. Mais pas de crainte : « Un tel système de gestion collective – il en existe plusieurs en France, comme le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) que notre commission connaît bien – est constitué d’éditeurs connus qui, statutairement, s’acceptent les uns les autres ».

Grâce à cette acceptation mutuelle, « l’idée même qu’un éditeur diffusant des fausses informations, venant, par exemple, au hasard, de Russie, puisse participer à un organisme de gestion collective européen ou français est donc inenvisageable ». 

La course avec l’Europe

En séance, hier, le même rapporteur a tenté de faire taire d’autres critiques. Et pour cause, la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse est aussi au cœur de la réforme de la directive sur le droit d’auteur, soutenue par plusieurs pays. 

N’est-il pas risqué que notre pays fasse cavalier seul, sans même savoir ce qu’il adviendra à l’échelle supranationale ? Si cette directive « tardait encore à être adoptée, ou si elle était vidée de son sens, a-t-il répondu, nous pourrions ainsi doter la presse française de nouveaux moyens de protection ». Un projet gagnant gagnant donc, sauf peut-être pour les redevables et accessoirement pour les éditeurs russes et assimilés qui n’auraient pas voix au chapitre de cette future société de gestion collective. 

Toujours dans l’hémicycle, Françoise Nyssen, a tenu un discours sans surprise : « Les éditeurs de presse sont victimes des pratiques déloyales des plateformes, des moteurs de recherche et des agrégateurs de contenus, qui réutilisent leurs contenus sans les rémunérer ».

Selon une étude entre ses mains, ils ne capteraient « que 13 % de la valeur totale créée par le marché français de la veille et des agrégateurs de contenus ». Dans le même temps, c’est un ruissellement d'or pour les plateformes qui, sur ce travail de dur labeur, « tirent profit grâce aux recettes publicitaires ». Pire : « ils siphonnent une partie des lecteurs de la presse traditionnelle, en proposant gratuitement des contenus qui sont généralement payants sur les sites d’origine ».

Un risque sérieux pour le chantier de la future directive

Autant dire, elle plaide également pour l’instauration d’un droit voisin pour les éditeurs de presse. Cependant, l’adoption de la PPL française « ferait peser un risque sérieux sur le bon avancement des discussions à ce stade de la négociation, en apportant de l’eau au moulin des États membres qui ne souhaitent pas que la question du droit voisin soit traitée au niveau européen ».

Elle a donc repoussé l’idée d’une telle loi nationale qui risquerait contrecarrer les cuisines européennes, d’autant qu’elle devrait être réécrite pour s’adapter aux futures finesses du droit européen.  Après discussions et explications, la motion de renvoi en commission a été adoptée par 49 députés, contre 40 (sur 89 votants). Le texte retourne ainsi à la case départ.  Une manière élégante de l’enterrer sans fleurs ni couronne.

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Écrit par Marc Rees

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Une société de gestion collective, entre éditeurs « connus » qui « s'acceptent »

La course avec l’Europe

Un risque sérieux pour le chantier de la future directive

Commentaires (3)




Pire : « ils siphonnent une partie des lecteurs de la presse traditionnelle, en proposant gratuitement des contenus qui sont généralement payants sur les sites d’origine »



Et du coup, que la victime dépose une plainte en contrefaçon, c’est inenvisageable ?

Il y a un contournement flagrant de MTP dans son exemple, ce qui contrevient à DADVSI, il me semble.



‘fin bref… <img data-src=" />





la motion de renvoi en commission a été adoptée par 49 députés, contre 40 (sur 89 votants). Le texte retourne ainsi à la case départ. Une manière élégante de l’enterrer sans fleurs ni couronne.



la tournure indique bien à quel point une bonne partie des commissions sont du foutage de gueule, non ?



edit : punaise j’ai tellement de tics de langage <img data-src=" />


C’est comme ça qu’ils veulent sauver leurs amis la presse française ?

Hé ben… <img data-src=" />




pas de crainte : « Un tel système de gestion collective est constitué d’éditeurs connus qui, statutairement, s’acceptent les uns les autres ». Grâce à cette acceptation mutuelle, « l’idée même qu’un éditeur diffusant des fausses informations, venant, par exemple, au hasard, de Russie, puisse participer à un organisme de gestion collective européen ou français est donc inenvisageable ».





Loué soit le corporatisme.



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