Ça y est : le décret et l’arrêté fixant les modalités de la loi Matras sur la « supervision technique de l’acheminement des communications d’urgence » ont été publiés au Journal officiel. Les opérateurs devront remonter des statistiques et des alertes à partir du 1er janvier 2024.
Retour sur la panne Orange du 2 juin
Le 2 juin 2021, les numéros d’urgence étaient inaccessibles un peu partout en France et quel que soit l’opérateur, avec des conséquences parfois dramatiques. Quelques jours plus tard, Orange donnait des précisions : « de 16h45 à minuit, les services voix d’Orange ainsi que l’accès à certains services d’urgence ont été perturbés sur le plan national. Pendant cette période, environ 11 800 appels, soit 11 % du total d’appels, n’ont pas été acheminés vers les services d’urgence ». En cause, « un dysfonctionnement logiciel ».
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En juillet, l’ANSSI publiait son rapport d’évaluation de la gestion par Orange de cette panne et de ses conséquences. Fin 2021, c’était au tour du Sénat de mettre en ligne le résultat de son enquête. Il rappelait au passage le principe de fonctionnement des numéros courts d’urgence : ils sont « en réalité, convertis en un numéro "long", à dix chiffres, attribués au centre de traitement de l’appel d’urgence correspondant le plus proche géographiquement du lieu d’émission de l’appel ».
Des mesures annoncées, loi « Matras » promulguée en novembre
Dans la foulée du rapport de l’ANSSI, le gouvernement annonçait de premières mesures :
- « la mise en œuvre d’une supervision technique spécifique et d’un système de remontée d’alerte spécifique aux appels d’urgence ;
- la mise en œuvre d’une structure de collaboration avec les opérateurs tiers en cas d’urgence ;
- la réalisation de tests lors de l’introduction de nouvelles méthodes. »
Une adaptation du cadre réglementaire était au programme pour mettre ces mesures en place. Quelques mois plus tard, la loi du 25 novembre 2021, dite « Matras », était promulguée. Elle vise « à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels ». Il est notamment question, pour les fournisseurs de services de communications, « de mettre en place une supervision technique des communications d’urgence ».
Voici maintenant le décret et l’arrêté
Les projets de décret et arrêté – portant sur la « Supervision technique des communications d’urgence » – ont été soumis à une consultation publique entre le 7 juin 2023 et le 10 juillet 2023. Selon le ministère en charge du dossier, il n’y a eu qu’une seule réponse de la Fédération Française des Télécoms. Les demandes de changements sont peu nombreuses (deux modifications de texte et un changement de date) et quasiment toutes acceptées.
Les textes définitifs sont désormais disponibles :
- Décret du 29 août 2023 relatif à la supervision technique de l’acheminement des communications d’urgence
- Arrêté du 29 août 2023 relatif à la supervision technique de l'acheminement des communications d'urgence
Des statistiques et des alertes
Le premier article du décret dispose que « les fournisseurs de services de communications interpersonnelles fondés sur la numérotation mettent en place une supervision technique visant à mesurer l'efficacité de l'acheminement des communications d'urgence et, le cas échéant, à alerter les autorités compétentes en cas d'incident affectant l'acheminement de ces communications d'urgence ».
Cette supervision comprend des indicateurs qui ont deux finalités (le décret donne les grandes lignes, l’arrêté vient préciser les choses). La première est de réaliser des statistiques. Le décret précise que, a minima, elles doivent porter « sur la volumétrie des communications d'urgence acheminées mensuellement ».
La deuxième est de mettre en place des « alertes basées sur des seuils d'alerte significatifs ». Le décret ajoute qu’il est au moins question du « taux de prise avec réponse […] pour les numéros 15, 17, 18 et 112 ». Dans le projet, ce n’était pas « le taux » qui était demandé, mais « le nombre ». Dans sa consultation, la FFTélécoms avait demandé ce changement.
Les fournisseurs concernés, le modèle de tableau
L’arrêté précise aussi les fournisseurs de services de communications interpersonnelles fondés sur la numérotation qui sont concernés. Il s’agit de ceux dont le nombre d’utilisateurs finals est supérieur à deux millions. La limite est à 250 000 pour les départements d'outre-mer, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et Miquelon.
L’annexe de l’arrêté propose un modèle de tableau pour retourner les statistiques de l’Article 1 du décret. Il y a un tableau par mois, avec une séparation entre le fixe et le mobile. On y trouve également une liste des numéros d’urgence concernés : 15, 17, 18, 112, 114 (SMS), 115, 119, 191, 196, 197, 116000 et 116117.
Le ministère de l’Intérieur rappelle si besoin à quoi correspondent les différents numéros.

Entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2024
Les statistiques « sont communiquées mensuellement au ministre en charge des communications électroniques dans un tableau conforme au modèle figurant en annexe du présent arrêté et dans un format ouvert », précise l’arrêté.
Enfin, « les dispositions du 1° de l'article 1er entrent en vigueur le 1er janvier 2024, sauf dans les départements d'outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon où elles entrent en vigueur le 1er janvier 2025 ». Le décalage à 2025 était une demande de la FFTélécoms car « les opérateurs de ces territoires n’ont [pas] été impliqués dans les travaux de 2022 et le volume d’appels d’urgence y reste faible ».