L'annonce ne surprendra pas grand monde, c'était devenu quasiment inévitable étant donné la situation financière. Virgin Orbit dépose le bilan et se place sous le chapitre 11 de la loi sur les faillites des États-Unis. Cela « représente la meilleure marche à suivre pour identifier et finaliser une vente en maximisant la valeur », indique Dan Hart (CEO de la société), dans un communiqué repris par Reuters. Virgin Orbit revendique 243 millions de dollars d'actifs pour 153,5 millions de dollars de dette.
Après avoir suspendu toutes ses activités et cherché des investissements pour continuer à fonctionner, Virgin Orbit annonce un très vaste plan de licenciement avec pas moins de 675 employés sur le carreau. La société, qui a réussi à atteindre quatre fois l’espace, n’est pas (encore ?) en faillite.
Créée en 2017 pour lancer des petits satellites avec sa fusée LauncherOne depuis un Boeing, Virgin Orbit laissait le Royaume-Uni espérer la relance de son industrie spatiale, à défaut d'une réelle indépendance.
Mais l'échec de son premier lancement de satellites depuis le sol britannique, en début d'année, a plongé l'entreprise dans une crise dont elle a du mal à se remettre. Ses finances n’étaient pas au beau fixe, loin de là, mais cet échec lui a fait beaucoup de mal.
Il lui a fait perdre neuf satellites que la fusée devait lancer en orbite et a déclenché une enquête des autorités britanniques ainsi que de l'autorité fédérale de l'aviation américaine.
Si son premier essai « Launch Demo 1 » était un échec, Virgin Orbit avait par la suite lancé avec succès quatre missions sur les années 2021 et 2022, atteignant à chaque fois l’orbite terrestre basse. LauncherOne décollait du désert des Mojaves aux États-Unis (Californie). Le lancement de début 2023 s’est fait depuis Cornouailles.
- Virgin Orbit va dans l’espace
- Tubular Bells : Virgin Orbit réussit sa première mission commerciale de lancement de satellites
Situation financière précaire
Selon CNBC, les salariés de l'entreprise ont appris mercredi 15 mars que la plupart d'entre eux étaient mis à pied pendant une semaine, sans paye. Seule une petite équipe continuait de travailler.
Le week-end suivant, l'entreprise élaborait des plans pour se préparer à l'insolvabilité, alors qu'elle négociait un sauvetage avec des sociétés de restructuration (Ducera et Alvarez & Marsal), avait appris Sky News. Possédée à 75 % par la holding de Richard Branson (Virgin Group), l'entreprise va avoir du mal à redémarrer ses activités, même si elle discute encore avec des investisseurs.
Ceux-ci n’étaient pas identifiés, mais selon des sources de Sky News, Boeing n'en faisait pas partie. Si Virgin Orbit espèrait encore officiellement lancer une nouvelle mission dans les prochaines semaines, l'entreprise ne s’est pas relevé au cours des deux dernières semaines, la situation s’est même empirée.
85 % des employés licenciés
Dans un document publié par le gendarme de la bourse américaine (SEC), le couperet vient de tomber : « la société a annoncé une réduction des effectifs d’environ 675 employés, soit 85 % de son effectif ». Il ne restera donc qu’une centaine de personnes. Il s’agit, sans surprise, de « réduire les dépenses, compte tenu de l’incapacité de la société à obtenir un financement significatif ». Les personnes concernées se trouvent dans tous les secteurs d’activités de Virgin Orbit.
L’entreprise estime le coût de cette opération à 15 millions de dollars : « 8,8 millions de dollars en indemnités de départ et en avantages sociaux, et 6,5 millions de dollars en autres coûts principalement liés aux services de reclassement externe ». Le document précise que Virgin Investments a injecté 10,9 millions de dollars dans Virgin Orbit – via une « senior secured convertible note » qui assure une priorité sur les autres créances – « pour financer les indemnités de départ et les autres coûts liés à la réduction des effectifs ».
La réduction des effectifs devrait être « en grande partie » terminée dès ce lundi 3 avril.
Dégringolade en bourse, des pertes qui s’accumulent
« Malheureusement, nous n'avons pas été en mesure d'obtenir le financement nécessaire […] Nous n'avons pas d'autre choix que de mettre en œuvre des changements immédiats, dramatiques et extrêmement douloureux », explique Dan Hart (CEO de Virgin Orbit) dans une conférence audio avec des employés, comme le rapporte CNBC.
La situation financière de la société n’était pas bonne avant le crash de sa fusée au début de l’année. Sur son dernier bilan comptable (troisième trimestre 2022, clôturé au 30 septembre 2020), elle faisait état de pertes opérationnelles de 50,5 millions de dollars pour des pertes nettes de 43,6 millions. Le free cash flow était aussi dans le rouge à -52,5 millions de dollars.
Les prévisions pour 2023 étaient de « plus que doubler le taux de lancement par rapport à 2022 », et « d’augmenter les revenus par lancement »… autant dire que c’est loupé dans les deux cas.
En l’espace de deux semaines, l’action de Virgin Orbit a perdu 66 % de sa valeur pour arriver à 0,34 dollar seulement lors de la fermeture de la bourse hier. Dans la séance d’après clôture, l’action perd encore 40 % pour arriver à 0,20 dollar. Fin 2021, elle était encore aux alentours de 10 dollars.
Pas de lancement britannique avant 2024
Avec cette crise, il n'y a quasiment plus aucun espoir de voir un lancement de fusée britannique cette année, selon le journal The Telegraph. Virgin Orbit, société anglaise, devait en effet servir de porte-étendard pour la conquête spatiale britannique.
La nuit de l'échec du lancement de janvier dernier, le ministre britannique de la Recherche et des sciences, George Freeman, a cité la fameuse phrase de John Fitzgerald Kennedy « Nous faisons ces choses non pas parce qu'elles sont faciles, mais parce qu'elles sont difficiles ». Mais la situation de Virgin Orbit et l'industrie spatiale britannique dans son ensemble s'est encore compliquée.
Si le programme de l'entreprise visait l'envoi de petits satellites commerciaux et gouvernementaux et n'avait pas pour ambition de lutter au même niveau que SpaceX ou l'Europe avec Vega-C, il permettait au Royaume-Uni d'afficher une certaine présence spatiale qui risque maintenant de lui être difficile d'assurer.
La question est maintenant de savoir ce qu’il va arriver à Virgin Orbit. Rien n’est précisé pour le moment, mais selon le Financial Time, il « est de plus en plus probable » que la société se place prochainement sous le chapitre 11 de la loi sur les faillites des États-Unis.