Une étude scientifique utilisant plus de 50 000 observations d'astronomes amateurs conclut à une augmentation moyenne de 10 % de la luminosité du ciel par an entre 2011 et 2022.
On sait que notre utilisation de la lumière la nuit perturbe notre perception du ciel et des étoiles ainsi que le rythme de vie de certains animaux. Mais il est difficile de la quantifier de manière globale et de connaître son évolution.
Les satellites actuels qui pourraient permettre de faire des analyses de la planète entière n'ont que des instruments limités en résolution et en sensibilité, et ne peuvent pas détecter la lumière en dessous de 500 nm de longueur d'onde.
Or, depuis 10 ans, nous utilisons de plus en plus des LED dont la longueur d'onde est de 450 nm (parfois 430 nm), solution très économe en énergie. Près de la moitié (47 %) des lampes d'extérieur achetées dans le monde en 2019 étaient des LED alors qu'elles ne représentaient que 1 % du marché en 2011. Ces longueurs d'onde se dispersent aussi plus facilement dans l'atmosphère, ce qui contribue à la lueur du ciel.
50 000 observations à l'œil nu
Les scientifiques cherchent donc d'autres façons de quantifier cette pollution lumineuse. L'Agence spatiale européenne (ESA) a, par exemple, analysé les photos prises par les astronautes à bord de la station spatiale internationale.
Mais des scientifiques du Centre de recherche des sciences de la Terre allemand (Deutsches GeoForschungsZentrum en allemand, GFZ) et du Laboratoire de recherche en astronomie optique-infrarouge d'Arizona (National Optical-Infrared Astronomy Research Laboratory en anglais, NOIRLab) ont eu l'idée de mettre à contribution la très grande communauté d'astronomes amateurs. Les résultats ont été publiés dans un article scientifique paru dans la revue Science.
Pour cela, ils ont utilisé les données d'un projet participatif d'astronomie mis en place par le NOIRLab, Globe at Night. Le principe est assez simple. Vous voulez aider les astronomes professionnels ? Sortez avec votre GPS allumé, le site vous géolocalise et vous propose huit cartes du ciel avec les différentes étoiles que vous pouvez voir. Il vous suffit ensuite de choisir celle qui correspond à la vision du ciel que vous avez ce soir-là. Plus il y aura de lumière dans votre ciel, moins vous pourrez voir d'étoiles.

Capture d'écran du site Globe at Night
Cette observation citoyenne fournit aux chercheurs une estimation de la luminosité des étoiles qu'on peut observer à l'œil nu à un endroit et à un moment donnés. Les auteurs de l'article ont appelé ça une « estimation de la magnitude limite à l’œil nu » (naked eye limiting magnitude, en anglais, NELM), la magnitude étant la luminosité d'un astre en astronomie.
Plus la NELM est petite, moins on voit d'étoiles et plus la pollution lumineuse est importante. Toutes les données observées sont ensuite regroupées pour être étudiées. Elles peuvent aussi être récupérées par tout un chacun sur le site du projet.
Augmentation de 10 % de la luminosité par an
Les auteurs de l'étude ont ensuite utilisé une modélisation pour passer de ce NELM à une estimation de la clarté du ciel. Résultat, la luminosité de la nuit augmenterait de 10 % par an dans les zones observées par les astronomes amateurs. Les chercheurs insistent en précisant que, sur une période de 18 ans, ce taux équivaut à une multiplication par quatre de la luminosité du ciel et que de 250 étoiles visibles, on n'en voit plus que 100 à la fin de cette période.
Ce taux est beaucoup plus élevé que les 2 % observés par satellites entre 2012 et 2016 dans les longueurs d'onde de 500 à 900 nm. Les chercheurs expliquent cette différence par l'utilisation de plus en plus massive des LED qui produisent de la lumière bleue. Celle-ci n'est pas visible par les satellites.
De plus, la lumière bleue se diffuserait davantage dans l'atmosphère, ce qui entraînerait une clarté du ciel plus importante pour l'œil humain. Selon eux, les satellites ne peuvent pas non plus observer la lumière qui se propage horizontalement. Or, celle-ci contribue énormément à la luminosité du ciel et les publicités et décorations lumineuses qui en produisent beaucoup ont pullulé ces dernières années.
Des données complémentaires
Évidemment, les observations citoyennes ont des limites. Elles ne représentent pas la moyenne sur tout le globe, puisque les astronomes amateurs sont généralement situés dans les pays occidentaux. Mais les chercheurs font remarquer que ce sont aussi les régions où la luminosité du ciel est la plus répandue. Ils pensent d'ailleurs sous-estimer la tendance dans les pays dont le développement économique est rapide.
Les auteurs ne pensent pas que leur méthode remplace les observations des satellites, mais qu'elle permet d'ajouter des informations complémentaires.