Apple et la Chine : les liaisons dangereuses

faut changer de chaîne

Apple et la Chine : les liaisons dangereuses

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Sous l'égide de Tim Cook, Apple a développé une chaîne logistique ultra-performante, mais entièrement dépendante de la Chine. Post-Covid, l'évolution de cette organisation s'annonce aussi urgente que complexe.

Juste avant Noël, la Chine se débattait avec une nouvelle explosion de Covid-19. Au même moment, rapporte le South China Morning Post, Foxconn Technology Group, une entreprise locale et l’un des plus gros assembleurs d’outils électroniques au monde, mettait la dernière main à ses plans de relocalisation d’une partie de ses chaînes de production d’iPad et de MacBook au Vietnam.

Les premiers produits devraient sortir des usines vietnamiennes dès mai 2023. La décision n’est que le dernier d’un faisceau d’indicateurs qui démontrent la complexité des liens qu’Apple a créés avec la Chine… et les difficultés dans lesquelles le géant informatique se trouve, à mesure que les relations entre Pékin et Washington se tendent et que la politique zéro Covid du gouvernement chinois agit sur la production.

Pour être exacte, depuis quelques années, nombreuses sont les industries qui réduisent leurs liens avec le pays qu'elles avaient participé à sacrer « usine du monde ». L’accumulation de taxes américaines sur à peu près tout ce qui est produit en Chine, l’augmentation des coûts du travail sur place et, surtout, l’explosion de la Covid ont été autant de révélateurs de la dépendance dans laquelle les uns et les autres se trouvaient vis-à-vis de l’empire du Milieu.

Mais il est un géant numérique qui se trouve dans une posture particulièrement complexe, le seul qui tire l’immense majorité de son chiffre d’affaires de la vente de matériel (hardware) et non de publicité (comme Meta ou Alphabet) ou de logiciels (comme Microsoft, ou Amazon, qui est de toutes manières quasi-absent de la région) : Apple.

Une précision logistique inégalée…

Car voilà bien une vingtaine d’années que la firme à la pomme, sous la férule de Tim Cook, travaille à polir sa chaîne logistique. Dès son arrivée en 1998, l’actuel PDG de l’entreprise a œuvré à optimiser les chaînes de production, de livraison et de vente de produits Apple.

Parmi ses marottes : fermer les usines et les entrepôts surnuméraires, renforcer les relations avec les sous-traitants – en les passant au grill pour éviter toute friction dans la relation commerciale – et faire fondre l’inventaire. Nombreux sont les médias à rapporter cette phrase qu’il a eue, un jour, à comparer la gestion de ses équipements informatiques à des stocks de bouteilles de lait : si vous dépassez la date de péremption, si vous les gardez trop longtemps, aux yeux de Tim Cook, c’est qu’il y a un problème de gestion.

Au fil des années 2000, Apple a donc noué des liens étroits avec des fournisseurs et des assembleurs très majoritairement installés dans le Sud-Est de la Chine. Dès 2007, l'entreprise arrivait numéro 2 au classement mondial des 25 entreprises ayant les chaînes logistiques les mieux gérées qu’établit Gartner. Elle en a trusté la première place les sept années suivantes.

La société a déversé des milliards de dollars dans la création d’une machinerie maison extrêmement précise, au point de développer « des expertises de niches dont ses rivaux n’avaient aucune idée, et qu’ils concurrençaient encore moins », rapporte le Financial Times.

C’est cette volonté d’investir dans une telle organisation qui a permis de réaliser des prouesses jusque-là considérées comme impossibles dans le milieu informatique – construire un MacBook « unibody », par exemple, d’un seul tenant, grâce à des machines CNC capables d’imprimer des modèles 3D complexes. C’est aussi cet investissement financier, humain et sur la longue durée qui explique que plus de 95 % des iPhone, AirPod, Mac et iPad sortent aujourd’hui d’usines chinoises, et qu’Apple réalise un cinquième de son revenu dans le pays (74 milliards de dollars en 2022).

Qui prend des allures de piège

Mais à l’heure des tensions diplomatiques comme de l’augmentation de l’autoritarisme chinois, cette situation rend la position de Tim Cook compliquée. Interrogé en décembre sur un éventuel soutien aux travailleurs qui manifestent en Chine, le chef d’entreprise n’a pas réagi – ce qui a été très mal reçu.

Politiquement, après Donald Trump, c'est au tour des démocrates américains de pousser le géant informatique à défaire ses liens avec Pékin. Mais pour Apple, abandonner les chaînes logistiques créées au fil des ans n’implique pas simplement de construire des usines ailleurs : tous ses fournisseurs et sous-traitants sont installés en Chine, y compris les plus spécialisés.

L’entreprise emploie directement 14 000 personnes sur place, selon le Financial Times, mais gère en réalité le temps de travail de 1,5 million de personnes sur sa chaîne logistique, dont l’immense majorité est en Chine. C’est un écosystème complet de compétences, de ressources humaines et d’organisation aussi bien locale que mondiale qu’il lui faut repenser.

Difficile reconversion

Bien sûr, le sujet ne date pas d’hier. En 2017, Apple a par exemple signé avec la société taïwanaise Wistron Corp pour que celle-ci assemble ses iPhone SE en Inde. Depuis, Foxconn et Pegatron, deux des principaux sous-traitants de l’entreprise, s’y sont aussi implantés.  

En 2022, plus de 17 % des fournisseurs d’Apple restaient domiciliés en Chine, ce qui faisait du pays le deuxième fournisseur d’Apple après les États-Unis. L’Allemagne était en quatrième place, la France en septième, l’Inde en huitième et le Vietnam en quatorzième, selon les chiffres de Bloomberg.

Mais ces ratios pourraient évoluer rapidement. En septembre, l’entreprise a annoncé qu’elle produirait son iPhone 14 en Inde, faisant évoluer le rôle du pays de producteur d’anciens modèles à chargé des tout nouveaux produits. Si moins de 5 % des iPhone sont actuellement construits en Inde, les analystes de JPMorgan estiment que cette part pourrait grimper à 25 % d'ici 2025.

D’autres sont moins convaincus, que ce soit parce que l’Inde ne dispose pas d’infrastructures (transports, communications, etc) aussi développées qu’en Chine ou parce que jusqu’ici, ses travailleurs étaient principalement employés pour les dernières étapes du processus (derniers assemblage, tests, empaquetages). Les fournisseurs de début de chaîne, eux, restent bien installés en Chine et les premiers assembleurs à Taïwan.

Une autre piste pourrait être celle du Vietnam. Nokia s’y est déjà essayé il y a une dizaine d’années et a rencontré les difficultés classiques de réseaux de fournisseurs, mais les analystes de Counterpoint Research indiquaient fin 2022 que les constructeurs électroniques s’y étaient depuis largement implantés, profitant de politiques locales favorables. Foxconn, par exemple, emploie 60 000 personnes et a investi pas moins de 270 millions de dollars sur place en 2022.

Apple a aussi précisé que les productions « locales » en Indonésie, au Brésil ou au Mexique, joueraient un rôle important pour la production d’iPhone 14 et suivants. Le futur dira si Tim Cook parvient à recréer une chaîne logistique aussi efficace, sans être dépendante d’une seule nation.

Commentaires (10)


En effet, pour avoir vu les 2 (Chine et Inde), l’Inde c’est le bordel et en plus il faut éviter les vaches (sacrées) qu’on peut trouver, affalées sur la route….


Merci pour cet article intéressant !


Amusant que l’Amérique se rapproche du Vietnam :D



Beuhargh ! C’est pas ma guerre ! J’ai rien demandé !


A ben si ! C’est toujours pour se battre contre les communistes.


tazvld

A ben si ! C’est toujours pour se battre contre les communistes.


Sauf erreur, le Viêtnam est toujours communistes


En même temps le Vietnam a demandé l’aide des USA pour contrer les velléités de la Chine dans sa volonté expansionniste dans les iles de la Mer de Chine.
Autre temps, autre mœurs (comme disaient les Romains).


C’est ce qui s’appelle « mettre tous ses œufs dans le même panier ». À un moment, ça se passe mal.



En Europe, nos œufs, c’était les masques chirurgicaux il y a quelques mois ….


Le gaz, le paracétamol et l’amoxicillinetu veux dire??


Dois je rappeler que c’était surtout parce que le gouvernement n’avait pas renouvelé les stocks. Quant aux usines pour en fournir, ouvertes à la dernière minute en France, je crois qu’elles ont mis la clef sous la porte ces derniers mois. Sans oublier dans le cas de matos, il vaut mieux avoir sa chaine logistique au même endroit.



Il aurait été bien de citer Steve Jobs à l’époque de Bush jr qui après avoir ouvert une usine d’assemblage aux US, c’était plaints de ne pas avoir de fournisseurs de vis compétent pour ses macbook. Sans oublier Eric Schmidt qui a souvent attaqué Cook là-dessus surtout depuis son entrée au pentagone en 2016.



  • en France, décision a été prise de diminuer (fortement) la quantité du stock vital avant le covid.



edit : grillé par Refuznik



J’ajoute, une commission d’enquête a été créée très rapidement après que l’info ait fuitée.
Depuis, silence radio.
Qui s’en souvient…


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