Fission et fusion nucléaire : de quoi parle-t-on et comment ça marche

Gogeta
Tech 7 min
Fission et fusion nucléaire : de quoi parle-t-on et comment ça marche
Crédits : Lawrence Livermore National Security

La presse américaine participe au teasing d'une possible découverte de chercheurs américains à propos de la fusion nucléaire. Avant d'en savoir plus, posons-nous quelques minutes pour voir comment se produisent fission et fusion nucléaire. Des noms proches, mais des approches totalement différentes.

Selon plusieurs médias américains, le Ministère US de l'Énergie devrait annoncer ce mardi une « percée majeure » faite par des chercheurs du National Ignition Facility du Laboratoire national Lawrence Livermore en Californie à propos de la production d'une réaction de fusion nucléaire avec un gain net d'énergie.

De son côté, le projet de recherche international ITER de réacteur à fusion nucléaire, situé à Cadarache (en France), est encore en construction et a pris plusieurs années de retard. En théorie, il devrait, lui aussi, permettre un gain net d'énergie. Sa mise en marche est pour l'instant programmée pour 2030, selon Les Echos.

Fission nucléaire : contrôlée, mais risquée, et productrice de déchets

Actuellement, nos centrales nucléaires utilisent toutes la fission nucléaire pour produire de l'énergie : on casse un noyau atomique lourd et instable, souvent de l'uranium 235, en deux plus légers à l'aide de l'impact d'un neutron. La fission nucléaire est utilisée depuis les années 50 pour produire de l’électricité, rien de neuf sous le Soleil donc.

Cette réaction produit énormément d'énergie, mais aussi quelques neutrons... qui vont, à leur tour, entrer en collision avec un noyau et le casser en deux et ainsi de suite. On obtient une réaction en chaine qui nous permet de créer de l'énergie.

Les centrales nucléaires utilisent des « barres de commande » pour contrôler cette réaction en chaine. Ces barres – appelées aussi « barres de contrôles » – sont faites dans un matériau capable d'absorber les neutrons et donc de ralentir ou/et arrêter la chaine de réactions. Différents métaux comme l'argent, le bore, le cobalt et quelques autres et même leurs alliages peuvent être utilisés pour leur fabrication.

Mais, si elles nous permettent de gérer la réaction en chaine de la fission nucléaire, un problème peut toujours intervenir et un risque de catastrophe est toujours présent.

C'est notamment la lenteur d'insertion et un défaut de conception de ces barres de contrôle qui a entrainé l'accident de la centrale de Tchernobyl. Les pointes en graphite des barres de cette centrale ont incidemment augmenté la fission avant que le bore ne la ralentisse... trop tard. Même à l'époque, les centrales occidentales n'utilisaient pas les mêmes barres, mais cet exemple a montré au monde du nucléaire que la conception et l'entretien de ces barres était primordial pour la sécurité de cette technologie.

Petit à petit, le combustible de la centrale s'use et devient de moins en moins efficace pour produire de l'énergie. De grandes quantités d'uranium radioactif, de plutonium, de césium et de nombreux autres isotopes deviennent alors des déchets qui restent radioactifs. Il faut alors les gérer. Le démantèlement d'une centrale nucléaire oblige aussi à gérer de nombreux matériaux devenus des déchets radioactifs.

En France, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) a été créée en 1979 pour gérer ces déchets.

On se souviendra aussi de l’accident de Fukushima. Cette fois-ci, ce n’était pas la centrale ou les barres qui en étaient à l’origine, mais un événement naturel : un tsunami a mis hors service le système de refroidissement. Si cet événement était moins grave que celui de Tchernobyl, il est aussi classé au niveau 7 (le plus élevé) de l'échelle des événements nucléaires et radiologiques (INES).

La fusion nucléaire dans les étoiles

L'autre possibilité nucléaire pour produire de l'énergie est le contraire de la fission : la fusion de deux noyaux légers pour en faire un plus lourd, comme ce qu'il se passe à l'intérieur des étoiles.

Dans le Soleil, comme dans les autres étoiles, la température atteint plusieurs millions de degrés et la pression est aussi très importante. Au cœur du Soleil, elle est égale à 200 milliards de fois celle de notre atmosphère.

Dans ces conditions, la matière, essentiellement de l'hydrogène et de l'hélium, se trouve sous forme de plasma. Dans cet état, comme l'explique l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), « les électrons sont arrachés aux atomes. Un atome sans électrons en orbite autour du noyau est dit ionisé ». Les atomes ionisés d'hydrogène qui entrent en collision fusionnent et forment de l'hélium tout en produisant une immense quantité d'énergie. 

Fusion sur Terre : deux possibilités, pas encore de gain net d'énergie

Sur Terre, il nous est compliqué de reproduire les mêmes conditions de température et de pression qu'à l'intérieur d'une étoile pour créer cette fameuse fusion nucléaire.

L'idée reste, comme l'expliquait en 2021 Daniel Vanderhaegen du CEA, de rapprocher à très courte distance des noyaux légers, en particulier des isotopes de l’hydrogène (le deutérium et le tritium), dans le but de générer de l’énergie. Reste qu'il faut obtenir ce fameux état de plasma en confinant la matière et le maintenir stable pour en extraire de l'énergie.

Pour cela, il existe deux techniques actuellement en concurrence : la fusion par « confinement magnétique » ou celle dite par « confinement inertiel ».

Dans le cas du confinement magnétique, « les ions sont confinés dans les réacteurs par de puissants aimants. Les électrons sont aussi confinés par les forces des réacteurs. Les forces magnétiques font tourner les particules dans les chambres annulaires des réacteurs pour les empêcher de sortir du plasma » explique l'AIEA. C'est la technique utilisée pour le projet international ITER.

Dans celui du confinement inertiel, on apporte, « via des faisceaux laser, une quantité suffisante d’énergie à une très petite quantité de deutérium et de tritium contenue dans une capsule de quelques millimètres de diamètre. Cette capsule, ou cible, va être très fortement comprimée pour à la fois la chauffer et l’amener à une densité très élevée » répondait Daniel Vanderhaegen. Les chercheurs du National Ignition Facility travaillent, eux, sur cette méthode, de même que ceux du Laser Mégajoule à côté de Bordeaux.

Dans tous les cas, ce fonctionnement permet de renforcer la sécurité et éviter des incidents comme Fukushima : « en cas de perturbation, le plasma se refroidit en l'espace de quelques secondes et les réactions cessent. En outre, la quantité de combustible présente dans l'enceinte est insuffisante pour alimenter les réactions au-delà de quelques secondes et une "réaction en chaîne" est inconcevable du point de vue de la physique », affirme ITER.

Fission vs fusion : fight

Théoriquement, la fusion nucléaire comporte deux gros avantages sur la fission. Elle émet beaucoup moins de déchets et on ne risque pas de perte de contrôle sur une réaction en chaine.

ITER a été conçu pour produire 500 MW de puissance pour des périodes de 400 à 600 secondes à partir d'un apport externe de 50 MW et promet donc un gain de 10. Ce qui reste théorique, puisque le projet ne fonctionne pas encore (et il faudra encore des années).

L'année dernière, les chercheurs du National Ignition Facility avaient obtenu un gain (plus exactement une perte) de 0,7 et l'annonce d'aujourd'hui pourrait le faire passer au-dessus de la barre symbolique du 1, qui permet à leur système de se suffire à lui-même et passer ce qu'on appelle le « seuil d'ignition ».

« Pour produire de l’énergie de manière économique et rentable, il faudrait réaliser cette même expérience avec un gain non pas de 1, mais plutôt de 10, de façon répétitive et robuste, avec par exemple 10 expériences similaires par seconde, 24h/24 » expliquait Daniel Vanderhaegen.

Le record actuel de puissance de fusion par confinement magnétique est détenu par le tokamak européen JET (Culham, Royaume-Uni), « une machine expérimentale conçue pour exploiter l'énergie de la fusion », rappelle ITER. Il n’est que de 16 MW pour 24 MW apportés (gain de 0,67). 

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