Ethereum passe au PoS (Proof of Stake)

Je suis pour la preuve de travail, pas la preuve des allocs
Economie 9 min
Ethereum passe au PoS (Proof of Stake)
Crédits : Violka08/iStock

La blockchain Ethereum vient d’opérer le 15 septembre un changement dont vous avez forcément entendu parler, si le monde des blockchains vous est familier, en passant de la preuve de travail à la preuve d’enjeu (ou d'intérêt). Cette mutation va constituer un tournant pour les blockchains, mais est-ce pour le meilleur ou pour le pire ?

Que se passe-t-il ?

Jusqu’à présent, la blockchain sous-jacente à l’Ether utilisait le même paradigme (en français non informaticien : le même modèle) que la plupart des autres blockchains, à savoir la preuve de travail. Le 15 septembre 2022 à 8h42 (heure française), la chaîne est passée en mode Proof-of-Stake dans une opération appelée The Merge.

ETH PoS

En résumant grossièrement, pour inscrire et valider une donnée dans une chaîne en mode Proof-of-Work, il faut trouver la réponse à une question mathématique demandant beaucoup de tests ou de calculs, afin de rendre difficile une modification non souhaitée de la chaîne. La recherche de cette solution s’appelle le minage, et le premier à trouver la réponse gagne une récompense (en cryptomonnaie, généralement). Le chaînage des blocs fait que plus la chaîne avance, plus les blocs anciens deviennent difficiles à modifier car il faut remonter dans la chaîne. Pour plus de détails, une très bonne explication se trouve ici.

L’avantage immense de ce choix est que tous les utilisateurs de la chaîne sont potentiellement capables de contribuer de manière équitable à la création de la chaîne, car la puissance de calcul n’influe « que » sur la probabilité de trouver la réponse au problème mathématique.

Une des conséquences est que si un participant réussit à obtenir 51 % de la puissance de calcul, il devient le maître de la chaîne ; c’est pourquoi les groupes de participants doivent ne pas être trop puissants, ce qui a par exemple conduit certains pools de mineurs de bitcoins à plafonner la puissance de chaque pool afin que personne n’atteigne cette barrière des 51 %.

Une grosse dépense énergétique

La très grosse contrepartie de ce modèle est le besoin de puissance de calcul, qui se traduit par la mise au point de composants spécialisés ou la monopolisation de certains autres comme des cartes graphiques, lesquels nécessitent une alimentation électrique conséquente. Pire encore, la plupart de ce qui a été calculé n’a servi à rien, à part à éliminer les solutions ne répondant pas au problème, et la grande majorité de la consommation électrique n’a donc eu aucun effet positif ou ne s’est pas traduite en production concrète utile.

De nombreuses cryptomonnaies se targuent d’avoir des sources d’énergies vertes, mais on voit aujourd’hui que cela ne suffit pas, et que la sobriété va nous tomber dessus : énergie verte ou pas, on en manque. Sans compter qu’on pourrait très bien arguer que l’énergie dépensée pour les cryptos pourrait être utilisée plus efficacement ailleurs… dans le moteur d’une Tesla, par exemple.

C’est quoi le PoS ?

Dans la preuve de travail, la puissance de calcul détermine la probabilité d’être le valideur d’un bloc ; dans une preuve d’enjeu (Proof of Stake ou PoS), ou preuve d’intérêt, la probabilité est déterminée uniquement par le nombre de jetons déposés par les candidats, c’est-à-dire qu’il faut mettre en gage un montant en cryptomonnaie pour pouvoir être choisi pour valider un bloc. S’il y a deux participants, que le premier apporte 50 ETH et le second 25 ETH, il sera décidé aléatoirement lequel des deux sera le valideur en affectant un poids de 50 au premier et 25 au second. Ainsi, le premier aura deux fois plus de chances d’être le valideur.

ETH PoS

Source : ledger.com

Pour miser, il faut donc avoir des ETH et les bloquer (mettre en gage). Tant qu’ils sont bloqués, vous recevez des intérêts, afin d’inciter les utilisateurs à participer : il n’y a plus de récompense pour celui qui valide le bloc et ainsi tous ceux qui « investissent » sont récompensés. Plus besoin de miner, de chercher des solutions au problème de la preuve de travail, d’où l’énorme économie d’énergie.

Extinction de masse ?

Certes, il est prématuré de parler de l’écroulement de l’écosystème des blockchains, mais certains éléments risquent d’inquiéter les promoteurs de ces technologies. Premier point : il n’y a pour l’instant toujours aucun cas d’usage pertinent pour les blockchains, quatorze ans après la création du bitcoin. Explication : cette technologie résout bel et bien certains problèmes, mais à ce jour aucun problème qu’une autre technologie ne traite déjà et à moindre coût, notamment via le mécanisme de tiers de confiance, comme les certificats. L’usage principal des cryptomonnaies reste hélas la spéculation.

À côté de cela, le besoin de s’affranchir d’un tiers de confiance date de la crise des surprimes de 2008, avec la crainte de l’effondrement du système bancaire mondial où les banques ont ce rôle. Et aujourd’hui, ce scénario est devenu beaucoup moins crédible et donc moins probable, ce qui diminue mécaniquement l’attrait pour les cryptomonnaies.

Peut-être que dans le futur cela reprendra, mais force est de constater que les cryptomonnaies sont dans un cycle de baisse, et les usages soi-disant nouveaux comme les NFT n’ont pas réussi à redonner un coup de fouet à la popularité des cryptos, faute de proposer une réelle utilité aux blockchains.

Pire encore, même quand les cryptos sont utilisées pour ce à quoi elles ont été conçues, l’usage actuel est anecdotique ! Au Salvador, où les cryptomonnaies ont été promues en fanfare (presque au sens propre) par le président Nayib Bukele, seuls 2 % des échanges ont eu lieu en cryptomonnaies, au point que le FMI risque de devoir mettre la main à la poche pour renflouer les caisses de l’État, d’après le magazine Fortune. Quoiqu’on dise des qualités et défauts des cryptos, les gens n’adhèrent pas alors que le concept est maintenant ancien et établi.

Où on en revient encore à des jetons

Le passage au PoS, va constituer une avancée majeure pour les cryptos, en termes d’économie énergétique, avec des promesses de réduction de la consommation de 99,95% selon la fondation Ethereum (rappelons l’estimation de consommation de 150 TWh pour l’ensemble des cryptomonnaies selon l’Université de Columbia).

ETH PoS

Source : Ethereum Foundation Blog

Présenté ainsi, le gain énergétique est flagrant. Et il y a fort à parier que d’autres cryptomonnaies vont suivre, vu la tendance actuelle. Si cela semble une très bonne nouvelle pour leur essor, réfléchissons un instant aux conséquences d’un tel choix.

En premier, le choix du PoS pour la chaîne Ethereum n’est pas anodin : c’est une des chaînes les plus actives, et ce choix est probablement le plus adapté et le plus raisonnable pour l’avenir. Ce concept de Proof-of-Stake va donc sûrement faire des émules.

Mais fonctionnellement et conceptuellement, la différence est de taille : la validation se retrouve de facto aux mains des plus gros porteurs d’ETH. Le fonctionnement se calque donc sur les systèmes plus classiques, comme celui des banques (même s’il n’est pas totalement similaire), mais avec des tiers de confiance de fait (les gros porteurs d’ETH).

Dans ce cas, que deviennent la décentralisation et l’équité apparente des cryptos actuelles (déjà mise à mal via les pools de minage) ? Les utilisateurs trouveront-ils encore leur intérêt à participer à de telles chaînes ? Ne risque-t-on pas de se retrouver dans une situation similaire aux blockchains privées, comme celles basées sur Hyperledger, où la validation est confiée à un gestionnaire (par construction cette fois) ? Ces blockchains n’ont pas trouvé leur public. Cette centralisation partielle via la preuve d’enjeu conviendra-t-elle à l’esprit libertaire de nombreux utilisateurs des cryptos ?

La SEC s’en mêle

Certains actifs tombent, en raison de leur nature, dans le périmètre de la SEC (Securities and Exchange Commission). Cela paraît contraignant à certains, mais l’objectif de la SEC est d’éviter que le monde de la finance ne se transforme en far west pour les investisseurs.

À ce jour, les cryptomonnaies à preuve de travail ne passent pas le test de Howey permettant de déterminer si un actif est une valeur mobilière, et ne sont pas considérées comme des actifs supervisés par la SEC. En revanche, les ICO sont déjà considérés la plupart du temps comme tels, ce qui a refroidi bon nombre des investisseurs.

Or, peu après The Merge, Gary Gensler, président de la SEC, a prévenu : l’Ether sous sa forme Proof-of-Stake était susceptible d’être considéré comme un actif entrant dans le périmètre de la SEC. En effet, un des critères principaux de ce test, à savoir une promesse de profit pour le contributeur, qui n’était pas remplie pour la preuve de travail (où le gain était probabiliste), semble l’être pour la preuve d’enjeu, puisque mettre en gage de l’Ether rapporte des intérêts. Le test de Howey comporte d’autres critères, mais ce critère précis qui écartait les cryptos habituelles serait rempli par l’ETH façon PoS !

Si l’Ether devenait une valeur mobilière, on imagine les conséquences à la fois sur cette chaîne et sur l’avenir de la preuve d’enjeu, laquelle semble aujourd’hui la seule alternative à la dépensière (en énergie) preuve de travail.

Que vont devenir les mineurs ?

Ceux qui ont investi en masse dans du matériel de minage coûteux sont évidemment opposés à ce changement, puisque leur puissance de calcul devient inutile pour l’Ether Proof-of-Stake. Le résultat logique, déjà vu à plusieurs reprises dans le monde des cryptos (ne serait-ce qu’avec le Bitcoin Cash en 2017, mais aussi pour l’Ether en 2016 à la suite d’un piratage), est un fork. L’ancienne chaîne Ethereum va continuer ainsi à fonctionner sur le mode de la preuve de travail. La cryptomonnaie associée deviendra ETHW (et non ETH comme indiqué par erreur dans une version précédente de l’article).

Ethereum

Cours de l’ETH et de l’ETHW au 21/09 (source coinmarketcap.com) : Pas tout à fait la même chose… 

Suite à ce fork, l’ETH en preuve de travail va vivre sa propre vie et avoir un cours distinct de l’Ether 2.0, ce qui pourrait miner (avec jeu de mot) la rentabilité des mineurs et engendrer pas mal de casse, avec un recentrage prévisible sur les mineurs professionnels et pas mal de dégâts chez les mineurs occasionnels. L’Ether était une des cryptomonnaies les plus rentables pour les mineurs, mais est-ce que cela va durer ?

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