L’Arcep modernise le plan de numérotation, les 06 et 07 réservées aux communications personnelles

La jungle des 09
Mobilité 8 min
L’Arcep modernise le plan de numérotation, les 06 et 07 réservées aux communications personnelles

C’est un coup de pied dans la fourmilière du démarchage téléphonique que vient d’envoyer l’Arcep, en réservant les numéros en 06 et 07 aux usagers privés, dès le 1er janvier 2023. La décision doit permettre également de retarder la pénurie à venir des numéros de téléphone. Les professionnels ne sont pas oubliés, avec des mesures dédiées.

L’Arcep – Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse – a la charge du plan du numérotation, qui définit l’attribution des numéros de téléphone en France selon l’usage. C’est ainsi par exemple que le passage à dix chiffres avait été entériné en octobre 1996.

Les enjeux se sont cependant multipliés. Il ne s’agit plus seulement de s’assurer que tout un chacun puisse avoir un ou plusieurs numéros, ou de fournir des indicatifs en fonction du but recherché. Cette fois l’Arcep frappe un grand coup dans le domaine du démarchage téléphonique. C’est le résultat d’un travail commencé en 2018.

Les 06 et 07 réservées aux communications interpersonnelles

Dès le 1er janvier 2023, tous les numéros mobiles commençant par 06 ou 07 seront réservés aux « services de communications interpersonnelles ». Comprendre, pour les appels téléphoniques et les SMS entre les particuliers. Même pour des usages privés comme les cartes SIM dans les tablettes et la 4G fixe, il faudra d’autres numéros.

Non seulement le changement s’appliquera sur toutes les nouvelles souscriptions d’abonnements au 1er janvier, mais l’ensemble des autres services utilisant ces numéros devront en changer d’ici là.

Conséquences très directes pour le démarchage

Ce sont toutes les communications émanant des entreprises qui vont devoir s’adapter, en basculant vers des numéros en 09. Le changement est valable aussi bien pour les opérations de démarchage que pour les communications plus classiques, comme les services de livraison ou les confirmations et rappels de rendez-vous.

Les motifs de l’autorité sont clairs, puisqu’elle annonce avoir « décidé d’adopter des mesures assurant aux utilisateurs finaux une protection renforcée face aux volumes importants d’appels et de messages que de tels systèmes sont capables d’émettre et qui peuvent constituer une nuisance ».

Il y aura une nouvelle catégorie de numéros en 09 – de 09 37 à 09 39 – dédiée aux usages ne pouvant plus se baser sur les 06 et 07. Les nouveaux numéros « pourront être utilisés pour établir des conversations par messages entre une enseigne et son client, ou pour des utilisations de très courte durée de numéros de téléphones pour certaines situations de mises en relations éphémères via une plateforme (livreurs de colis, chauffeurs VTC, etc.) ».

Parallèlement, l’Arcep débloque les numéros à 14 chiffres commençant par 0700. Ils seront réservés au M2M, c’est-à-dire aux communications entre machines.

Spam, fraudes et abus divers

Les numéros en 06 et 07 étaient appréciés notamment des sociétés de démarchage, car bien moins onéreux que les numéros courts à cinq chiffres. Les clients sont également plus enclins à répondre à un 06/07 qu’à un 09 lors de la réception d’un appel. Tout basculer sur une numérotation en 09 va mécaniquement conduire à rassembler toutes ces opérations sous une même bannière.

L’Arcep ne s’en cache d’ailleurs pas dans son communiqué : « Il s’agit d’introduire des mesures visant à renforcer la protection des utilisateurs contre les fraudes et abus, à accompagner l’innovation et le développement des nouveaux usages ».

Problème bien sûr pour tout ce petit monde, les numéros en 09 vont devenir un peu plus synonymes de « dérangement ». Cette crainte est surtout centrée sur les appels, les SMS étant généralement moins intrusifs. Mais pas toujours, puisque sur les 11 milliards de SMS professionnels envoyés chaque année en moyenne, 40 % sont constitués d’opérations commerciales tout de même, le reste provenant des notifications (rendez-vous, colis…).

En outre, et « afin de limiter les nuisances dont sont victimes les utilisateurs recevant appels/messages non sollicités, l’Arcep interdit que les numéros mobiles et la plupart des numéros géographiques et polyvalents soient utilisés comme identifiants d’appelants par des systèmes automatisés ».

Pour Antoine Autier, responsable des études au sein de l’association UFC-Que choisir, c’est « un progrès indéniable », comme il l’a expliqué à La Croix : « Dans les sondages que nous effectuons, les consommateurs se disent gênés par le démarchage intempestif, qui passe par des appels automatisés. Interdire l’usage des numéros mobiles à cette fin est une bonne chose ».

Interrogée par Le Monde, Laure de la Raudière, présidente de l’Arcep, est allée dans le même sens : « Les 06 et 07 sont des numéros de confiance qui doivent uniquement servir à des usages interpersonnels. Ce plan va clarifier les choses. Cela ne peut pas résoudre toutes les situations, mais cela limitera les risques d’usurpation de numéros par des fraudeurs et permettra de remonter plus facilement vers eux ».

Elle a d’ailleurs précisé que certains numéros en 06 et 07 et ceux avec indicatifs régionaux pourraient encore servir pour le démarchage. Mais ils devront être identifiés comme tels par les opérateurs télécoms. Un commercial pourra toujours utiliser son portable pour passer des appels.

L’Arcep, dans sa décision, ne parait d’ailleurs pas inquiète pour les services commerciaux. Elle va même plus loin en précisant que cette bascule permettra plus aisément la mise en place de communications par messages, comme on en trouve souvent sur les sites web ou sur certaines messageries comme WhatsApp.

Ralentir la marche vers la pénurie

Bien que ce chapitre soit moins mis en avant, il est tout aussi important. Sur les 146 millions de combinaisons débloquées actuellement pour les numéros à dix chiffres en 06 et 07 (154 millions avec l'Outre-Mer, sur les 195 millions maximum potentiels), 132 millions sont déjà attribuées aux opérateurs de télécoms, chiffres donnés par l'Arcep. Le taux d’attribution atteint 90 % en métropole et 60 % en Outre-Mer.

Arcep plan de numérotation

Même si l’on ne parle que d’attribution – et non d’utilisation – le taux reste élevé, tandis que les usages numériques s’intensifient et que la population augmente. Actuellement, l’Arcep dénombre plus de 80 millions de cartes SIM en France, soit un taux de pénétration de 119 %, en constante hausse. Le fait de réserver les numéros en 06 et 07 aux particuliers est donc une première mesure de protection.

Au 1er juillet 2023, une autre mesure entrera en vigueur : les attributions de numéros aux opérateurs télécoms se feront par blocs de 1 000, contre 10 000 actuellement. Une plus grande granularité qui doit éviter le cumul de numéros attribués mais non utilisés.

En outre, « les numéros doivent être utilisés pour une durée minimale de soixante-douze heures et la période pendant laquelle un opérateur ne peut réaffecter un numéro à un utilisateur final est réduite ». Elle s’établirai entre 45 et 120 jours, contre 3 à 6 mois aujourd’hui.

Quant à la durée minimale d’utilisation d’un numéro par un opérateur télécom, elle s’établira à 72 heures, soit trois jours. C’est beaucoup plus que les 12 heures initialement suggérées par l’Arcep, mais les opérateurs ont fait remarquer qu’un temps aussi court ne permettait pas, entre autres, d’enquêter correctement en cas de signalement pour abus ou fraude.

Ce qu’en disent les opérateurs télécoms

Puisque l’on parle des commentaires faits par les opérateurs, rappelons que les décisions de l’Arcep sont toujours accompagnées d’une archive contenant l’ensemble des retours. La consultation est en effet publique, de même que les réponses. D’ailleurs, n’importe qui peut s’exprimer, dès lors que cette personne estime avoir quelque chose à dire.

C’est par exemple le cas de l’ASF, l’Association française des Sociétés Financières qui, tout en condamnant les pratiques frauduleuses, s’inquiète des moyens utilisés par l’Arcep. Elle craint notamment une grande baisse de l’efficacité des systèmes d’appels prédictifs automatiques, qui permettent de composer un numéro avant qu’un conseiller soit pleinement disponible. Dans le cas des établissements de crédit, l’ASF pense que de nombreux appels pourraient ne plus être pris (les numéros passeront en 09), alors qu’il peut s’agir de suivi de situation délicate.

Chez Bouygues Telecom, on s’inquiète de plusieurs points, notamment l’interdiction d’utiliser des numéros mobiles pour les offres data only. L’opérateur ne comprend pas l’urgence, évoquant 80 millions de lignes mobiles utilisées réellement sur un potentiel de presque 200 millions. Il argue également de développements informatiques complexes pour rendre la mesure possible.

SFR, dans ses retours, a dit toute son incompréhension face à certaines décisions qui n’étaient alors qu’envisagées et sont maintenant entérinées. Notamment la définition des communications interpersonnelles qui accepte les offres fixes (ADSL, fibre…), mais désormais plus la 4G fixe. Comme Bouygues, SFR est vent debout contre l’idée de réserver les numéros mobiles aux offres ayant une composante voix. Enfin, l’obligation de passer par des numéros à 14 chiffres pour tout ce qui n’est pas interpersonnel requiert des développements « qui ne sauraient être réalisables en quelques mois ». SFR en réclame 36.

Du côté de la Fédération Française des Télécoms, on sous-entend parfois que l’Arcep fait un peu du zèle, notamment quand elle lui rappelle l’importance de coller au cadre juridique en place. Sur les systèmes automatisés, elle pointe ainsi les multiples renforcements légaux, et sur « l’impossibilité matérielle » d’identifier avec succès de telles plateformes.

Enfin, chez l’AF2M (Association française du multimédia mobile), on plussoie grandement la plupart des mesures. Mais on pointe également une ligne trop dure sur quelques points et on avertit de certaines difficultés techniques à venir dans l’application des décisions sur les périodes envisagées. Par exemple, pour le passage des tranches de 10 000 numéros à seulement 1 000, l’association mentionne des problèmes potentiels de routage dont lui ont fait part les opérateurs. Sur d’autres, elle propose d’aller plus loin, notamment d’interdire nommément aux usages de type chatbots et voicebots les numéros mobiles à 10 chiffres.

Suite aux retours de la consultation, l’Arcep a décalé de six mois la grande bascule des services M2M vers des numéros à 14 chiffres. Elle est désormais programmée pour le 1er juillet 2023 au lieu du 1er janvier prochain. Des opérateurs demandaient un délai bien plus important afin de s’adapter aux nouvelles règles. On se donne rendez-vous dans un peu moins d’un an pour voir ce qu’il en est.

Vous n'avez pas encore de notification

Page d'accueil
Options d'affichage
Abonné
Actualités
Abonné
Des thèmes sont disponibles :
Thème de baseThème de baseThème sombreThème sombreThème yinyang clairThème yinyang clairThème yinyang sombreThème yinyang sombreThème orange mécanique clairThème orange mécanique clairThème orange mécanique sombreThème orange mécanique sombreThème rose clairThème rose clairThème rose sombreThème rose sombre

Vous n'êtes pas encore INpactien ?

Inscrivez-vous !