Dans nos articles récents sur la cybersécurité, nous avons abordé le cas classique de la fraude téléphonique. Pour mieux s’y retrouver dans la pléthore de numéros pouvant nous appeler, voici un guide pratique pour connaître les bases. Ici, pas de recette miracle : mieux vaut avoir en poche quelques informations.
Un bref rappel historique sur les numéros en France
Avant de commencer, un bref rappel historique et quelques renseignements basiques. Le numéro de téléphone à dix chiffres, tel qu’on le connaît en France, est en place depuis octobre 1996. C’est à cette époque que les deux nouveaux chiffres sont ajoutés pour découper la France en cinq zones géographiques, chacune munie d’un préfixe :
- 01 : Île-de-France
- 02 : nord-ouest
- 03 : nord-est
- 04 : sud-est
- 05 : sud-ouest
Lorsque l’on reçoit un appel, et puisque la présentation du numéro est en place pour tous depuis longtemps, on a déjà un premier élément de compréhension. Sauf si le numéro entrant est masqué. Les deux chiffres suivants sont liés au département, mais à moins de connaître par cœur la liste complète de ces numéros, cela ne vous sera guère utile.
Cette règle ne fonctionne que pour les lignes fixes, en perte de vitesse. Les numéros mobiles commencent par 06 et 07, ce dernier ayant été ajouté en mai 2010 (oui, déjà) pour faire face à l’explosion des cartes SIM actives. Si pendant un temps les deux chiffres suivants pouvaient renseigner sur l’opérateur utilisé par la personne à « l’autre bout du fil », ce n’est plus du tout le cas depuis que la portabilité a été mise en place il y a plusieurs années.
Les numéros spéciaux dans l’Hexagone
C’est ici qu’il faut commencer à faire un peu plus attention et que la situation se complique. Les numéros de téléphone spéciaux sont répartis en trois groupes : verts, gris et violets.
Les numéros verts sont les plus connus. Il s’agit dans la plupart des cas de numéros à dix chiffres commençant par 0800 à 0805. Que vous appeliez d’un fixe ou mobile, avec un forfait illimité ou non, rien ne vous sera facturé ou décompté. Les numéros verts peuvent également se présenter sous une forme à quatre chiffres commençant par 31 ou 33, mais aussi d’un numéro à six chiffre commençant par 116.
Viennent ensuite les numéros gris, aussi appelés « banalisés ». On les trouve sous deux formes : des numéros à dix chiffres commençant par 0806 à 0809 et d’autres à quatre chiffres commençant par 1 ou 3, mais pas 31 et 33 puisqu’il s’agit de numéros verts (oui, ce n’est pas simple).
La tarification de ces numéros n’est plus vraiment un problème depuis 2015. En effet, les communications étant prévues pour être facturées au prix d’un appel local fixe, elles sont incluses dans les forfaits illimités, fixes ou mobiles, qui représentent une grande majorité des offres actuelles.
Parmi les numéros gris, les plus connus sont sans doute ceux d’assistance opérateur, autrement dit les services clients des opérateurs téléphoniques, de type XXXX.
Enfin, les numéros violets (parfois aussi appelés magentas) sont surtaxés. Trois formes cette fois. D’abord à dix chiffres commençant par 081, 082 ou 089. Ensuite à quatre chiffres commençant par… 1 ou 3. Oui, exactement comme les numéros gris ou, pour le 3, que les numéros verts débutant par 31 ou 33. Attention donc, car à moins que la signalétique colorée ait été respectée, il n’y a aucun moyen de différencier un numéro gris d’un violet. Enfin, à six chiffres commençant par 118.
Leur facturation présente deux composantes : le coût de la communication et celui du service. Le premier est intégré dans les forfaits. Il est soit inclus dans l’illimité et donc non décompté, soit facturé au prix d’une communication locale vers une ligne fixe. La surtaxe vient du service, qui sert à rémunérer l’éditeur. Elle est très variable, car elle dépend de l’entreprise, du type de service, de la durée de la communication, etc. Dans certains cas, il peut s’agir d’un forfait, indépendamment de la durée de l’appel.
Heureusement, il existe un moyen de savoir combien on va payer, même si les éditeurs ont l’obligation d’indiquer précisément le tarif à côté du numéro utilisé. La facturation dépend en effet du préfixe :
- 081 : moins de 0,06 euro par minute ou 0,15 par appel
- 082 : moins de 0,20 euro par minute ou 0,50 euro par appel
- 089 : moins de 0,80 euro par minute ou 3 euros par appel
Si vous voulez avoir un aperçu de la complexité de la situation, vous pouvez lire ce dossier de l’Arcep sur le plan de numérotion. Le régulateur y explique le schéma et l’organisation des numéros français à 10 chiffres, « traditionnellement référencés sous la désignation EZABPQMCDU »… mal de tête quasiment garanti.
Tous ces numéros, dits SVA – services à valeur ajoutée – alimentent un marché en croissance régulière, car les appels et les SMS à des numéros surtaxés financent de nombreux services. C’est un moyen simple et rapide pour une entreprise d’alléger une facture ou de gagner de l’argent. Il ne faut pas chercher des exemples bien loin : des émissions de type téléréalité proposent de voter en envoyant un SMS à un numéro surtaxé.
Dans tous les cas, sachez que vous ne pouvez pas être surtaxé lorsque vous répondez à un appel.
Le cas complexe du spam
Le spam est sans conteste l’un des sujets les plus agaçants pour les usagers. Ces messages – qu’il s’agisse de SMS ou d’appels – sont non sollicités et il s’agit dans l’immense majorité des cas de publicités plus ou moins ciblées.
Pour comprendre la difficulté du problème, rappelons déjà qu’un opérateur n’a aucun moyen de savoir qu’un message est un spam. Il a en effet interdiction d’en analyser le contenu. En outre, d’éventuels algorithmes devraient prendre en compte plusieurs critères, car il peut s’agir de messages légitimes, comme ceux envoyés par les opérateurs en lien avec le service fourni, ceux signalant la présence d’un message sur le répondeur, les confirmations de réservations, de rendez-vous ou de commandes, ou encore tous ceux émis par une entreprise avec l’accord de la personne (opt-in).
La lutte ne se fait pas au cas par cas, mais presque. Le numéro à connaître, en service depuis des années, est le 33700. Il suffit de lui transférer un spam reçu pour qu’une enquête commence, avec possible sanction à la clé.
Signalons quand même que de nombreuses entreprises se sont rangées depuis longtemps derrière un mécanisme alternatif de « spam léger » : le message publicitaire est bien reçu, mais depuis un numéro auquel il suffit de répondre « STOP » (sans surtaxe, non facturé si forfait illimité) pour ne plus être contacté. Ces offres, dites SMS+, intègrent également la fonction « CONTACT » obligeant un éditeur à fournir ses coordonnées en réponse.

Le spam vocal : attention !
Le spam vocal, tel qu’il est défini, contient une composante arnaque. Il s’agit presque à chaque fois du même schéma : le téléphone sonne une ou deux fois, pour que vous n’ayez pas le temps de répondre et vous inciter à rappeler, de peur d’avoir raté une communication importante. Une pratique appelée « ping call ».
Il y a ensuite trois cas de figure :
- Un message est laissé pour demander de rappeler un numéro, surtaxé
- Le rappel tombe sur une boite vocale incitant à rappeler un numéro, surtaxé
- Le numéro qui a servi à l’appel est lui-même surtaxé
Les messages sont souvent du même acabit : vous faire profiter d’une promotion, vous annoncer que vous avez gagné un concours, etc. comme sur le web, les messages « trop beaux pour être vrais » devraient faire l’objet d’un froncement de sourcil et vous amener à douter. Mais ce n’est pas toujours simple, car certains acteurs sans scrupules n’hésiteront pas à se faire passer pour de grandes enseignes connues.
Il peut également s’agir de messages propres à générer une certaine angoisse : une conseillère bancaire vous demandant de la rappeler urgemment, livreur bloqué avec son colis à l’entrée du bâtiment, problème d’assurance à résoudre, et ainsi de suite. À chaque fois, il vous sera demandé de rappeler un numéro surtaxé, commençant par exemple par 0899.
Ici, plusieurs choses à savoir. D’abord, les messages vocaux peuvent être signalés de la même manière que les spams au 33700. Le service dispose d’un formulaire pour faire des déclarations plus complètes, mais vous pouvez aussi passer par Signal Conso, un service de la DGCCRF.
Le mécanisme aura besoin en premier lieu du numéro utilisé pour vous contacter. Ensuite, on peut réduire la fréquence de ce type d’appels par une inscription à Bloctel. Ayant remplacé l’ancienne liste rouge et imparfait, il a au moins l’avantage de limiter le problème.
Enfin, il est important de garder une information importante en mémoire : on peut rappeler sans risque les numéros commençant par 01, 02, 03, 04, 05, 06, 07 ou 09. Ils ne peuvent en aucun cas être surtaxés.
Les arnaques passent aussi par les numéros internationaux
Le « ping call » peut aussi s’appuyer sur des appels depuis l’étranger, avec le même fonctionnement. En tenant compte des 08, on peut généraliser la règle : méfiez-vous de tous les numéros ne commençant pas par les indicatifs précisés quelques lignes plus haut. Il peut arriver que l’indicatif international de la France apparaisse, auquel cas le numéro commence par +33 ou +033.
Dans ce domaine, on retrouve quelques grandes stars, comme le Bénin (+229) et la Côte d’Ivoire (+225) ou le Sénégal (+221). Dans ces cas, il s’agit d’arnaques avérées : petites annonces, vente d’or, loteries, donations, héritages, prêts… Tous les prétextes sont bons pour vous faire appeler un numéro qui est non seulement à l’étranger, mais en plus surtaxé, avec à la clé une facture douloureuse.
L’indicatif +447 peut être utilisé de manière particulièrement sournoise. Il a été créé pour rediriger les appels vers d’autres numéros, en fonction de la région de l’appel entrant. Ce mécanisme, utilisé légitimement par des entreprises, est récupéré depuis longtemps pour les fraudeurs pour router l’appel vers un autre pays. Le +44 étant l’indicatif international du Royaume-Uni, cela ne fait qu’ajouter à la confusion.
Se prémunir contre les spams vocaux
N’allez pas croire que ce genre d’arnaque n’arrive qu’aux autres : le marché du paiement sur facture se porte bien, très bien même : « avec un montant global dépensé par les utilisateurs de 540 millions d’euros (TTC), l’année 2021 a connu une croissance de +2,5 % par rapport aux 527 millions d’euros enregistrés en 2020 », rappelle l’Af2m (Association Française pour le développement des services et usages Multimédias Multi-opérateurs).
Comme dans le cas de la cybersécurité, n’hésitez pas à prendre quelques minutes pour réfléchir au message que vous venez de recevoir, même s’il parait urgent et grave ; certains jouent sur la corde sensible des parents en annonçant un accident d’un enfant. De fil en aiguille, on peut vous passer de « service en service » ou vous demander d’appeler de nouveaux numéros ; le but est toujours le même : engendrer plus de revenus.
En résumé : si votre téléphone ne sonne qu’une fois, que vous ne connaissez pas le numéro et qu’aucun message n’a été laissé sur le répondeur, le plus simple est de ne pas rappeler. Depuis des années que le phénomène existe, la plupart des entreprises se sont adaptées et laissent des messages s’il s’agit d’une communication importante, pour se différencier des appels non désirés.
Nous vous conseillons également de vous rapprocher de votre opérateur téléphonique pour vérifier s’il existe une application bloquant le spam. Chez Orange par exemple, l’application Téléphone filtre assez bien les spams vocaux et apporte quelques autres avantages, comme l’affichage du nom de l’entreprise en toutes lettres lors d’un appel entrant. On retrouve la même chose sur les smartphones Pixel de Google et probablement d’autres.
Enfin, vous pouvez vous rendre dans votre espace abonné téléphonique pour y chercher une option souvent méconnue : le blocage des appels et SMS vers des numéros surtaxés. Les opérateurs sont tenus de la proposer depuis 2018. Mais attention, car « tous les appels vers les numéros surtaxés ne sont pas bloqués quand cette option est activée. En effet, les numéros faiblement surtaxés (ceux facturés jusqu’à 50 centimes l’appel ou 20 centimes la minute) et les numéros vers les services de renseignements (en 118 XYZ, facturés jusqu’à 2,99€ l’appel et 2,99€ la minute) ne sont pas compris dans cette option de blocage », rappelle economie.gouv.fr.
Dans le cas où vous seriez victime d’une escroquerie, le numéro à contacter est le 0805 805 817. Eh oui, vous avez bien suivi : il est vert !