L’incertitude planait au-dessus de certaines têtes ce week-end. En cause, le retour incontrôlé du premier étage d’une fusée chinoise lancée il y a une semaine. Il s’est finalement désintégré dans l’atmosphère au-dessus de l’océan Indien et, cette fois encore, plus de peur que de mal.
Long March 5B est un lanceur lourd mesurant 53,7 m de long pour 5 m de diamètre, avec une masse totale au décollage de 849 tonnes. C’est une version modifiée de la fusée Long March-5, mais sans deuxième étage. Cette particularité fait que le premier étage monte plus haut et dérive une petite semaine en orbite sans contrôle de sa trajectoire avant de rentrer dans l’atmosphère.
En mai 2020, lors de son premier lancement, cette problématique avait largement fait parler d’elle. Des morceaux avaient même été retrouvés en Côte d'Ivoire. En avril de l’année dernière, rebelote avec de nouveau un retour incontrôlé, au-dessus de l'océan Indien.
Jamais deux sans trois
Cette fois encore, la même situation s’est répétée… avec le même mutisme du côté des autorités chinoises, comme l’a indiqué la NASA dans un communiqué : « La République populaire de Chine n’a pas partagé d’informations spécifiques concernant la trajectoire lorsque sa fusée Long March 5B est retombée sur Terre ».
L’Agence spatiale en profite pour tacler ce manque de collaboration :
« Tous les pays explorant l’espace devraient suivre les meilleures pratiques et faire leur part pour partager ce type d’informations à l’avance afin de permettre des prévisions fiables du risque potentiel d’impact des débris, en particulier pour les véhicules lourds – comme la fusée Long March 5B – qui comportent un risque important de dégâts matériels et de perte de vies humaines. Cela est essentiel pour l’utilisation responsable de l’espace et pour assurer la sécurité des gens ici sur Terre ».
Des trajectoires passaient au-dessus de l’Europe
Sur le vieux continent, l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) avait publié quelques jours avant le retour du premier étage un bulletin d’alerte (SIB ou Safety Information Bulletin) afin de « sensibiliser le public » au retour non contrôlé de la fusée chinoise.
Les experts de la surveillance et du suivi de l’espace (SST) de l’AESA avaient alors dévoilé « une variété des trajectoires de rentrée possibles, dont l’une pourrait potentiellement affecter l’espace aérien du sud de l’Europe ». Comme on peut le voir sur l’image ci-dessous, aucune ne survolait la France, mais certaines passaient au-dessus du Portugal, de l’Espagne, de l’Italie, etc.

Cette fois encore, pas de dégâts
Fort heureusement cette fois encore, les débris sont retombés dans la mer ce samedi, « loin de toute habitation », explique l’AFP, qui se base sur une déclaration de l'agence spatiale chinoise. Cette dernière précise que « la plupart des dispositifs [de la fusée] ont été détruits » durant l’entrée dans l’atmosphère.
« L'agence spatiale malaisienne a aussi dit avoir détecté des débris de la fusée en train de brûler dans son espace aérien, avant de tomber dans la mer de Sulu [au large des Philippines, ndlr] », ajoutent nos confrères.
« Les débris de la fusée ont pris feu en entrant dans l’atmosphère, ils ont traversé l’espace aérien malaisien et ont été détectés dans plusieurs zones, y compris dans l’espace aérien autour de l’État de Sarawak », précise l’agence malaisienne.
Sur les réseaux sociaux, plusieurs personnes ont publié des vidéos de ce qui est présenté comme le retour dans l’atmosphère de Long March 5B, notamment sur Twitter avec le mot-dièse CZ5B.
#China:The debris of the upper stage of the Long March 5B Y3 rocket (#CZ5B) has re-entered the atmosphere in #Sulu sea around 119.0°E, 9.1°N, and most of the components have been burnt out during re-entry. pic.twitter.com/StX0QDmYiA https://t.co/WgrJXtD7dX
— Wᵒˡᵛᵉʳᶤᶰᵉ Uᵖᵈᵃᵗᵉˢ𖤐 (@W0lverineupdate) July 30, 2022
La Chine est le seul pays à opérer ainsi, quid des conséquences ?
Le cas de Long March 5B est singulier dans le monde des lanceurs spatiaux : « Aucun autre pays ne laisse ces objets de 20 tonnes en orbite pour rentrer de manière incontrôlée », explique à CNN Jonathan McDowell, astrophysicien au Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics.
Comme nous l’avions déjà expliqué, la responsabilité de la Chine peut être engagée en cas de dommages confirmés. En effet, dans l’Article II de la Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par les objets spatiaux, ratifiée par plusieurs pays (dont la France et la Chine), il est indiqué qu’un « État de lancement a la responsabilité absolue de verser réparation pour le dommage causé par son objet spatial à la surface de la Terre ou aux aéronefs en vol ».
L’article I prend soin de définir certains termes pour éviter toute interprétation : « dommage » désigne ainsi « la perte de vies humaines, les lésions corporelles ou autres atteintes à la santé, ou la perte de biens d'État ou de personnes, physiques ou morales, ou de biens d'organisations internationales intergouvernementales, ou les dommages causés auxdits biens », tandis que « lancement » correspond aussi bien à un lancement réussi qu’à une tentative (échouée).
D’autres lancements Long March 5B programmés
Quoi qu’il en soit, cette mission est un succès pour la Chine, qui a placé son module expérimental Wentian en orbite. Il s’est ensuite venu s’accrocher à la Station spatiale chinoise. Long March 5B doit encore servir pour envoyer un second module expérimental – Mengtian – dont le lancement est prévu en octobre. Rebelote l’année prochaine avec le télescope Xuntian.