L’Europe veut se doter d’une navette spatiale réutilisable. Construite sur les cendres du démonstrateur IXV, elle porte le nom de Space Rider et devrait décoller en 2024 pour la première fois. Il s’agit d’un projet différent du lanceur réutilisable Themis avec le moteur Prometheus.
Lorsque l’on parle de navette spatiale, on pense évidemment au Space Shuttle (ou Space Transportation System) de la NASA. Elle a volé entre 1981 et 2011 et a notamment mis en orbite le télescope spatial Hubble. Cette navette était posée sur un immense réservoir et deux propulseurs qui servaient à la propulser dans l’espace. Seule la navette était récupérée.
Le réutilisable n’est pas nouveau, mais prend de l’ampleur
Après sa mission, elle revenait se poser sur la terre ferme, un peu à la manière d’un planeur. Il reste quatre exemplaires dans des musées. La navette devait permettre d’apporter plus de flexibilité et d’abaisser les coûts de lancement, mais ce ne fut pas si simple. Les échecs de Challenger et Columbia, avec la mort des occupants, ont également été un coup dur pour ce programme.
Depuis, le réutilisable était un peu tombé dans les oubliettes, avant que SpaceX ne parvienne à récupérer de manière quasi constante le premier étage de son lanceur Falcon 9 et même plusieurs à la fois avec Falcon Heavy. La société d’Elon Musk les remet ensuite en état avant de les relancer dans l’espace, jusqu’à plus de dix fois.
L’Europe ne dispose pas de lanceur réutilisable – Ariane 6 ne le sera pas – mais travaille sur le sujet depuis des années. Il y a notamment le démonstrateur Themis et le moteur Prometheus. Une navette réutilisable est aussi en cours de développement : Space Rider. Ce projet a obtenu le feu vert de l’Agence spatiale européenne fin 2019 lors de la conférence Space19+.
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Du démonstrateur IXV à Space Rider
En février 2015, « le démonstrateur IXV (Intermediate eXperimental Vehicle) réalisait une première dans l’histoire de l’Europe spatiale : un magnifique vol suborbital d’une centaine de minutes au cours duquel il parcourut pas moins de 25 000 km de distance, dont les derniers 8 000 sous forme de glissade hypersonique incandescente à travers les couches denses de l’atmosphère, jusqu’à son plongeon dans l’océan Pacifique », explique Thales.
L’Europe disposait ainsi « de son propre démonstrateur pour tester des technologies critiques de rentrée », et recueillir de précieuses données. L’année dernière, les experts de l’Agence spatiale européenne étaient encore en train de les analyser, ajoute Thales. Le but est toujours le même en pareille situation : « valider l’adéquation entre leurs modèles informatiques et la réalité pour pouvoir concevoir les futures missions de rentrée ».

Vol inaugural en 2024, sur Vega-C
La suite se prépare avec Space Rider (Rider pour Reusable Integrated Demonstrator for Europe Return), une mini-navette qui permettra à l’Europe de disposer (enfin) de son propre système de transport spatial autonome et réutilisable.
Le lancement se fera sur Vega-C (qui a réalisé son vol inaugural il y a un mois) en 2024, en retard sur le calendrier initial qui tablait sur 2023.
Lors de ce premier vol, des expériences se dérouleront à bord. Elles « profiteront à la recherche en pharmacie, en biomédecine, en biologie et en sciences physiques », explique l’ESA. Space Rider est prévu pour réaliser des missions régulières en orbite basse. Elle n’est par contre pas prévue pour accueillir des humains.

Jusqu’à six missions par navette Space Rider
Au début de l’année dernière, Thales expliquait que « Space Rider sera capable de rester jusqu’à deux mois en orbite et de revenir se poser sur Terre avec une précision de 150 mètres. Le module de rentrée pourra être récupéré, reconfiguré et réutilisé pour un maximum de six missions ».
Space Rider mesure 9,7 m de long, pour une masse au décollage de 2 430 kg. Il peut emporter 600 kg de charge utile dans sa soute d’un volume de 1,2 m³. La navette atteindra la vitesse de Mach 28 (près de 35 000 km/h) quand elle sera à 90 km d’altitude, juste avant de passer la ligne imaginaire de Kármán et donc d’entrer dans l’espace. Elle sera capable de supporter une température de plus de 1 400 °C au niveau de la pointe avant.
Lors du retour sur Terre, un parachute s’ouvrira à 16 km d’altitude lorsque la navette sera à environ Mach 0,73 afin de freiner le véhicule jusqu’à 180 km/h. « La phase finale de descente s’effectuera à l’aide d’une aile parachute (parafoil) qui assurera à la fois la gestion de l’énergie cinétique et l’aérofreinage lors de l’arrondi pour limiter la course à l’atterrissage ».
Le temps et le coût de remise en état ne sont pas précisés. Ce sont des données cruciales, comme l’exemple de la Space Shuttle l’a montré.