Intel était le premier des trois grands constructeurs à ouvrir le bal des conférences du CES. Un évènement attendu tant cette année est cruciale pour le fondeur, qui a face à lui de nombreux défis... et ne pourra pas se permettre de continuer à décevoir.
Cela fera bientôt trois ans qu'AMD a mis ses processeurs Ryzen sur le marché. Malgré des débuts poussifs et quelques ratés au fil du temps, l'architecture Zen a su évoluer dans le bon sens. Lisa Su et son équipe l'ont d'ailleurs bien compris et n'ont pas hésité à revoir progressivement leurs tarifs à la hausse pour améliorer leurs résultats financiers.
Désormais, ces CPU sont présents de manière significative sur le marché de la vente au détail, en intégration, dans les PC de bureau ou portables. Le succès d'AMD s'étend jusqu'aux stations de travail, serveurs et autres hébergeurs, nombreux sont ceux ayant introduits des Threadripper/EPYC au sein de leurs offres professionnelles.
Intel reste solide...
Cela n'a pour autant pas chamboulé les choses pour Intel. Certes, le constructeur perd progressivement en parts de marché, mais il est encore leader et de loin sur de nombreux segments. Sa gamme de produits va d'ailleurs bien au-delà de l'offre d'AMD et prend plus la forme d'écosystèmes complets que des seuls CPU/GPU.
Surtout, l'ensemble de la production semble trouver preneur et les bilans financiers restent solides. C'est sans doute ce qui explique que le constructeur ait adapté sa grille tarifaire sans pour autant réduire ses prix de manière drastique. Surtout dans une période où la demande est forte, avec régulièrement des pénuries de produits.
... mais les concurrents se multiplient
Pour autant, le géant de Santa Clara n'est pas resté les bras croisés. Ces dernières années il s'est réorganisé (plusieurs fois), a revu ses process de travail en interne, la manière de concevoir ses puces, sa feuille de route. Avec une contrainte forte : celle du retard accumulé sur le développement de meilleures finesses de gravure.
Alors qu'Apple et TSMC viennent de basculer sur du 5 nm et qu'AMD se prépare à faire de même, une grande partie de l'offre d'Intel est encore en 14 nm, le 10 nm « SuperFin » montant peu à peu en puissance. De quoi retarder d'autant un retour en force et la mise en production de nouvelles architectures. 2021 devrait être ce point de bascule.
Mais il ne faudra pas tarder plus, car le terrain concurrentiel s'agrandit. Tout d'abord parce qu'Intel compte proposer des GPU, et va donc affronter AMD et NVIDIA sur leur terrain de prédilection désormais, tant pour ce qui est de l'offre grand public que dans les serveurs. Un défi important, surtout face à l'écosystème CUDA.
Le géant de Santa Clara doit aussi faire face à la menace ARM. Avec son M1, Apple a montré la voie d'une puce très efficace d'un point de vue énergétique là où d'autres acteurs comme Qualcomm n'avaient pas réussi à proposer une alternative correcte. Le rachat par NVIDIA pourrait aussi jouer en faveur de ces solutions, notamment dans les datacenters où la société, ses GPU et solutions réseau sont déjà très bien implantés.
Et les nouveaux marchés où Intel tente de se positionner ne sont pas plus sereins, que ce soit celui des puces spécialisées dans le domaine de l'IA ou la voiture autonome. De nombreux acteurs y sont présents. Ils n'ont certes pas la force de frappe du géant américain, mais sont plus réactifs, agiles, concentrés sur leur marché.
Un nouveau point d'étape
Les annonces faites à l'occasion de la conférence de presse du CES n'ont rien d'une surprise ou d'une révolution. Le plan est connu depuis des mois, a déjà été détaillé par Intel, parfois de manière répétée. Car l'autre grand changement de la société est qu'elle communique beaucoup plus (même si pas toujours de manière très organisée).
Ainsi, le salon mondial de la « Tech » est l'occasion d'évoquer 50 processeurs et pas moins de 150 partenariats, mais surtout de faire de nouveaux rappels sur les grandes lignes du plan de bataille et de livrer quelques détails supplémentaires, plus techniques, précis, parfois datés. Car rien n'est prêt à être mis sur le marché.
Comme ses concurrents, Intel évoque surtout des projets dans ses cartons et il faudra attendre quelques semaines, au mieux, pour avoir droit à un peu de concret. Voici un récapitulatif de ce que nous avons appris cette nuit.
Aucune des « new disclosure » n'est vraiment une nouveauté. C'est le souci de beaucoup communiquer
Cartes mères LGA 1200 avec chipset de série 500 : c'est pour le 27 janvier
Le premier lancement qui sera organisé par Intel cette année est celui de Rocket Lake-S. Pour rappel, il s'agit de nouveaux processeurs pour PC de bureau exploitant la même architecture que Tiger Lake (Willow Cove, Xe), mais adaptée en 14 nm (Cypress Cove, Xe) afin de monter jusqu'à 8 cœurs (et non plus 10), de hautes fréquences et le TDP qui va avec.
Ils ont été annoncés dès le départ comme étant compatibles avec la plateforme actuelle lancée avec les chipsets de série 400 : le socket LGA 1200. On apprend aujourd'hui qu'une première exception sera de mise : les H410 et B460 ne sont pas concernés. Comme AMD, le constructeur isole ici son offre d'entrée de gamme, dommage.
Rocket Lake : ce que l'on savait déjà
Nous ne reviendrons pas sur la multitude de cartes mères qui ont été ou vont être annoncées par les constructeurs, ASRock, ASUS, Biostar, EVGA Gigabyte ou MSI ont déjà publié leurs communiqués de presse, d'autres devraient suivre.
On retiendra surtout une date : le 27 janvier. C'est le jour annoncé par MSI pour la disponibilité de ses... 30 modèles. On notera d'ailleurs qu'une référence avec alimentation ATX12VO semble prévue : la Z590 Pro 12VO. ASrock avait déjà annoncé une telle carte mère au sein d'une gamme précédente il y a quelques mois.
Dès la fin du mois, on devrait donc pouvoir acheter une carte mère à chipset de série 500 et l'utiliser avec un processeur Core de 10e génération (Comet Lake-S) et le remplacer par la suite par un modèle de 11e génération (Rocket Lake-S).
Rocket Lake-S et nouveaux chipsets : quels avantages ?
Passons d'ailleurs aux nouveautés de cette plateforme renouvelée. On en connait la plupart comme les évolutions positives de l'architecture que ce soit au niveau de la partie graphique, du cache plus élevé, l'intégration d'instructions d'accélération des calculs liés à l'IA ou encore AVX-512. Intel annonce un IPC en hausse de 19 %.
Un seul modèle est pour le moment détaillé : le Core i9-11900K de type 8C/16T avec une fréquence maximale de 5,3 GHz lorsqu'un seul cœur est actif, limitée à 4,8 GHz lorsqu'ils le sont tous. Il gère nativement la DDR4 à 3,2 GHz, intègre 20 lignes PCIe 4.0, gère l'USB 3.2 à 20 Gb/s (2x2) et dispose d'un lien DMI 8x vers le chipset (4x auparavant). Le TDP de la bête est toujours annoncé à 125 watts avec un PL2 de 250 watts et un Tau (délai de Turbo) de 56 secondes.
Intel ne s'aventure pas ici à se comparer à la concurrence, d'autant qu'AMD gardera de toute façon l'avantage avec ses processeurs AM4 pouvant intégrer jusqu'à 16 cœurs. Le constructeur devrait d'ailleurs répondre dès ce soir. Espérons que l'on en apprendra plus sur la suite des évènements, l'architecture Zen 4 en 5 nm et le socket AM5 avec support de la DDR5 étant attendus dès cette année.
Il sera aussi intéressant de voir si les deux concurrents se battront à nouveau sur le terrain des prix.
Pentium Silver et Celeron « N Series » passent au 10 nm
Passons maintenant au segment qui était précédemment occupé par les Atom, renommés il y a quelques années Celeron et Pentium Silver « N » ou « J » à 6 ou 10 watts de TDP. La génération Jasper Lake est officiellement lancée, sans précision sur sa réelle disponibilité. Intel dit ici viser principalement le monde de l'éducation, l'intégration à des Chromebook et autres petites machines sous Linux et Windows. Mais aussi des NAS ? Cela n'a pas été précisé.
Des dénominations toujours peu claires : dommage
Ces processeurs se basent sur deux ou quatre cœurs Tremont selon les modèles et une finesse de gravure en 10 nm. Il s'agit pour rappel de la version grand public des Atom x6000E (Elkhart Lake) adaptés au monde de l'embarqué et dévoilés en septembre dernier. Les différences entre les deux gammes n'ont pas été explicitées.
On peut néanmoins se tourner vers ARK où l'on apprend que Jasper Lake se contente de deux canaux mémoire mais a droit à un GPU avec deux fois plus d'unités de calcul (32 plutôt que 16), plus de ports USB (révision 3.2), n'a pas de contrôleur réseau 3x 2,5 Gb/s intégré mais du Wi-Fi 6 et deux ports S-ATA à 6 Gb/s.
Ainsi, leur packaging diffère : il s'agit d'un FCBGA1338 plutôt que FCBGA1493. Il mesure néanmoins toujours 35 x 24 mm.
Les fonctionnalités intégrées sont aussi différentes, du fait des marchés visés. Intel ne s'épanche pas sur les détails de l'architecture Tremont, sa communication ayant parfois des limites dès que l'on s'attarde sur les détails. La société se contente de promettre jusqu'à 35 % de performances en plus par rapport à la génération actuelle lancée il y a quelques années, +78 % sur la partie graphique, à TDP équivalent. On attend de pouvoir tester désormais.
Tiger-Lake-H : jusqu'à huit cœurs, un jour
Du côté des PC portables, on apprend que Tiger Lake et le label EVO se déclinent à la sauce vPro, mais pas seulement. En effet, la série H est enfin officialisée sous le nom de code H35. Mais il n'est toujours pas question de modèle à huit cœurs, seulement de CPU pour le segment Ultraportable Gaming (nom de code H35).
On retrouve l'architecture Willow Cove et une partie graphique Xe avec un maximum de 96 unités de calcul, le tout avec un Last Level Cache (LLC, L3) maximal de 12 Mo, sans overclocking possible. Le tout est gravé en 10 nm SuperFin, avec un chipset en 14 nm. Le TDP est configurable de 28 à 35 watts, allant un peu plus loin que les précédents.
Trois modèles composent cette gamme : les Core i7-11300H, i7-11370H et i7-11375H. Le constructeur annonce ici atteindre les 5 GHz maximum avec son modèle le plus performant, ce qui lui permettrait de repasser devant la concurrence lorsqu'un seul cœur est utilisé... jusqu'à l'arrivée des modèles Zen 3 ?
On note qu'Intel évoque ici le support du Resizable Bar en partenariat avec NVIDIA et sans doute des GeForce RTX de série 30 Mobile qui seront dévoilées ce soir. Une solution qu'AMD avait introduit avec Zen 3 sous le nom de Smart Access Memory. Elle était alors réservée aux Radeon 6000 lorsqu'elles sont utilisées avec un chipset de série 500.
Intel précise enfin que les modèles de 11e génération 8C/16T pour PC portable arrivent, avec une fréquence maximale de 5 GHz là encore et 20 lignes PCIe Gen 4.0. Mais aucune date n'est pour le moment donnée.
Alder Lake-S fonctionne, on n'en saura guère plus
C'est aussi très discret pour ce qui est du véritable gros morceau de l'année chez Intel : Alder Lake-S, première architecture hybride pour PC de bureau de la marque. Une sorte de réponse aux M1 d'Apple, devant intégrer des cœurs nouvelle génération, basse consommation (Gracemont) et hautes performances (Golden Cove).
Un projet finalisé très en retard par rapport au planning initial, attendu désormais pour la seconde moitié de l'année en 10 nm. On aurait aimé avoir plus de détails, mais il n'en est rien. On a à peine vu un système fonctionnel pendant la conférence, sans autre information. Un « Sneek Peak » selon la fiche de « nouveautés » du fondeur.
Ice Lake pour serveur : ça arrive, promis
Enfin, pour ce qui est des serveurs, l'arlésienne Ice Lake serait en production avec de premières livraisons, la montée en volume devant se faire tout au long du premier trimestre 2021. Objectif : que ces Xeon Scalable de 3e génération ne se fassent pas manger par les EPYC Zen 3, devant aussi arriver dans les datacenters en ce début d'année.