C’est une première dans la toute fraiche histoire de la loi Arcom du 25 octobre 2021. La justice vient d’ordonner un blocage préventif de 18 sites de streaming, à la demande de beIN Sports France. Les FAI devront bloquer ces sites, mais également ceux identifiés par l’autorité fusionnant les pouvoirs de la Hadopi et du CSA. L’Équipe a révélé hier cette décision. Next INpact diffuse l’ordonnance du 20 janvier 2021, avec nos explications.
Dans un communiqué, « beIN SPORTS salue la rapidité de la procédure et la diligence avec laquelle les mesures de blocage ont été mises en place. Cette toute première décision de justice concrétise des années de travail et de lutte contre le piratage mené par beIN MEDIA GROUP, et par beIN SPORTS France, afin de protéger la propriété intellectuelle des diffuseurs et des ayant-droits, et de préserver l’écosystème du sport ».
Qu’en est-il précisément ? « De nombreux sites Internet accessibles depuis la France diffusent de manière quasi systématique, gratuitement, en streaming et en direct les matchs de multiples compétitions de football ». Voilà ce qu’a dénoncé en substance beIN Sports France devant la justice, tout en adressant un carton rouge à cette longue liste de sites de streaming :
- beinmatch.tv
- beinmatchtv.tv
- kooora4live.net
- kooora4lives.com
- kora-online.tv
- kooraonline.tv
- yalla-shoot.us
- cloud.yalla-shoot.us
- tv.kora-star.com
- Livetv.sx
- Cdn.livetv491.me
- sekdrive.net
- sportnews.to
- fcstream.cc
- freestreams-live1.com
- fc.freestreams-live1.com
- aflam4you.tv
- can2021.aflam4you.tv
Pas plus tard que le 11 janvier 2022, la chaîne a ainsi assigné Orange, SFR, Free, Bouygues Télécom, Colt et Outremer Télécom devant le président du tribunal judiciaire de Paris dans le cadre d’une procédure de référé. Une procédure fondée sur le tout récent article L333-10 du Code du sport, introduite par la loi Arcom d’octobre 2021.
Un dispositif inédit taillé contre le streaming de compétitions sportives permettant à un détenteur de droits de faire bloquer non seulement les sites déjà identifiés, mais aussi ceux qui pourraient surgir au fil d’une compétition sportive à venir.
Dans le détail, en cas d’« atteintes graves et répétées au droit d’exploitation audiovisuelle », chaînes et ligues sportives détentrices de ces droits peuvent donc saisir le président du tribunal judiciaire pour engager une telle procédure de blocage à l’encontre de tous les sites « dont l'objectif principal ou l'un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions ou manifestations sportives ».
La Coupe d’Afrique des Nations
Pour le cas présent, beIN Sports a acquis les droits de la Confédération Africaine de Football pour la Coupe d’Afrique des Nations, organisée entre le 9 janvier et le 6 février 2022 inclus.
La société détient également les droits de la Ligue des Champions, de la Liga ou encore de la Bundesliga. Des matchs diffusés sur un bouquet payant bien garni : beIN Sports 1, beIN Sports 2, beIN Sports 3, beIN Sports Max 4, beIN Sports Max 5, beIN Sports Max 6, beIN Sports Max 7, beIN Sports Max 8, beIN Sports Max 9 et beIN Sports Max 10.
Dès novembre 2021, beIN a donc fait réaliser une série de constats pour démontrer que beinmatch.tv et les autres sites donnaient accès en direct à de multiples matchs (Dynamo Kiev c. Bayern de Munich de la Ligue des Champions, Barcelone c. Benfica Lisbonne, Young Boys c. Atalanta Bergame, FC Séville c. Wolfsbourg, FC Chelsea London c. Juventus Turin, Malmö FF c. Zenith, Roma c. Spezia, Cadix à Grenade, sans oublier RB Leipzig c. Manchester City, FC Liverpool c. AC Milan, Borussia Dortmund c. Besiktas et FC Porto c. Atlético Madrid, etc.)
Face à la pile de constats, la justice n’a pas eu beaucoup de difficultés à considérer que ces sites ont bien « pour objectif principal la diffusion de compétitions sportives sur une partie desquelles la société beIN Sports France jouit d'un droit exclusif d’exploitation ».
Et beIN Sports France est bien « fondée à solliciter la prescription de mesure propres à prévenir ou faire cesser la
violation de ses droits en particulier sur les matchs de la Coupe d'Afrique des Nations 2021 dont la 33ème édition a lieu du 9 janvier 2022 au 6 février 2022 ».
Peu importe que des sites soient en langue arabe
Pour le juge, peu importe que beinmatch.tv, kooora4lives.com ou encore kora-online.tv soient en langue arabe, puisque l’usage de chaque site est « aisé pour des utilisateurs francophones du fait de la présence des logos des équipes en compétition et d’un large bouton central sur lequel il suffit d’appuyer pour accéder au direct ».
Extrait de l'ordonnance
Précisant que les titulaires du nom de domaine ont eu recours à Cloudflare, Namesilo ou autres solutions d’anonymisation, le juge a considéré que beinmatch.tv et les autres adresses portent bien « des atteintes graves et répétées aux droits exclusifs de la société beIN Sports France » au moyen de sites de streaming dont « l'un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions sportives ».
Et beIN Sports France a établi « de manière suffisamment probante que les sites litigieux permettent aux internautes, d’accéder, sans autorisation, à des manifestations et compétitions sportives sur lesquelles [la société] détient des droits exclusifs d’exploitation audiovisuelle ».
Trois jours pour bloquer
La décision publiée ci-dessous, juge donc « proportionné » d’enclencher la procédure de blocage, tout en laissant un délai de 3 jours maximum aux FAI pour la mettre en œuvre.
Par contre, comme le législateur a invité l’ARCOM à chapeauter un accord entre les FAI et les chaînes, notamment pour la question des coûts, le juge a débouté beIN Sports France de sa demande visant à faire supporter cette charge sur les seules épaules des FAI.
Au final, les FAI se voient donc ordonner le blocage en France (ou « toutes mesures propres à empêcher l’accès ») des sites épinglés. Ce blocage durera jusqu’à la fin du match final de la Coupe d’Afrique des Nations 2021, le 6 février prochain. Ces principaux FAI devront opter pour « tout moyen efficace », dont « le blocage de noms de domaine et des sous-domaines associés ».
Les sites futurs, non encore identifiés, scrutés par l’ARCOM
Chacun des fournisseurs d'accès devra aussi informer beIN Sports France « de la réalisation de ces mesures et, le cas échéant, les difficultés qu’elles rencontreraient ».
En cas de nécessité d’actualisation de la liste, les parties pourront se retrouver directement devant le juge. beIN Sports France devra pour sa part indiquer aux FAI les noms de domaine qui ne sont plus actifs, « afin d’éviter les coûts de blocage inutiles ».
Pour les nouveaux sites diffusant illicitement la Coupe d’Afrique des Nations, ceux qui pourraient être mis en ligne après cette ordonnance du 20 janvier 2022, beIN Sports France pourra adresser leurs données d’identification à l’ARCOM.
C'est là l'une des grandes nouveautés de la loi de 2021.
En retour, la fusion de la Hadopi et du CSA pourra contacter les FAI mentionnés dans l’ordonnance pour leur demander d’étendre les mesures de blocage à ces nouveaux entrants, et ce jusqu’au terme de l’ordonnance. Cette décision ne fera cette fois l’objet d’aucune publicité, sauf dans l’hypothèse où les FAI refusent. Le juge pourra en effet être à nouveau saisi pour trancher le différend, et donc ordonner au besoin l’extension du blocage dans une seconde ordonnance publique.
