Signalement des contrôles de police : le Conseil constitutionnel censure une partie de la loi

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Droit 4 min
Signalement des contrôles de police : le Conseil constitutionnel censure une partie de la loi
Crédits : kudou/iStock

Saisi suite à une question prioritaire de constitutionnalité déposée par l’éditeur Coyote, le Conseil constitutionnel valide le cœur de la législation qui interdit le signalement de certains contrôles de police. Les Sages ont cependant identifié une disposition qui entrainait une atteinte disproportionnée à la liberté de communication.

Le 10 septembre dernier, le Conseil d'État examinait la requête déposée par Coyote. La société spécialisée dans les GPS espérait obtenir l’annulation du décret « interdisant la rediffusion de message de nature à signaler la présence des forces de l'ordre » sur les services d'aide à la conduite ou de navigation par géolocalisation.

Selon l’article L.130-11 du Code de la route, les éditeurs de ces solutions logicielles peuvent en effet se voir interdire de rediffuser « tout message ou toute indication émis par les utilisateurs de ce service dès lors que cette rediffusion est susceptible de permettre aux autres utilisateurs de se soustraire au contrôle ».

La durée de l’interdiction peut alors aller jusqu’à 12 heures, et son étendue portée à 10 km autour du point de contrôle hors agglomération et deux kilomètres en agglomération. L’enjeu ? Éviter que les automobilistes se partagent les informations sur ces points de contrôle afin de ne pas ruiner l’efficacité du travail des forces de police.

Depuis ce décret d’avril 2021, entré en vigueur le 1er novembre 2021, le ministère de l’Intérieur ou chaque préfet peut prendre un arrêté d’interdiction « sur proposition des officiers ou agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints de la gendarmerie et de la police nationales ». Chaque arrêté doit alors préciser les voies, mais aussi la durée de l’interdiction. Ces informations sont transmises alors aux éditeurs, au fil de l’eau.

Seulement, Coyote considère que ces dispositions posent problème dans leurs modalités d’application. L’éditeur a même été jusqu’à déposer une question prioritaire de constitutionnalité pour faire éprouver cette loi aux droits et libertés fondamentaux, jugeant cette législation attentatoire à la liberté de communication.

Dans la décision rendue ce jour, le Conseil constitutionnel va valider partiellement son analyse en censurant une partie de la loi.

Une atteinte justifiée à la liberté d’expression et de communication

Les Sages de la rue de Montpensier n’ont pas eu de mal à considérer aussi que cette législation, en ce qu’elle permet à une autorité administrative « de priver des utilisateurs de services de communication au public en ligne de la possibilité d'échanger certaines informations », porte bien « atteinte à la liberté d'expression et de communication ».

Seulement, l’atteinte est justifiée dans son principe : « Ces dispositions, qui ont pour objet d'éviter que les automobilistes puissent se soustraire à certains contrôles de police, poursuivent l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions ».

De même, l’interdiction ne concerne que les services dédiés à l'aide à la conduite et à la navigation routière. Elle ne vise que certains contrôles : contrôles d'alcoolémie et de l'usage de stupéfiants, contrôle d’identité, fouilles de bagages, recherche de crimes et délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement, outre des « vérifications concernant l'inscription des conducteurs ou passagers dans le fichier des personnes recherchées à raison de la menace qu'ils constituent pour l'ordre ou la sécurité publics » ou encore les contrôles de placement d'office en établissement psychiatrique.

« Cette interdiction ne s'applique qu'à ces contrôles limitativement énumérés, au nombre desquels ne figurent pas les contrôles de vitesse », tempère encore le juge constitutionnel, qui ajoute au surplus que l’interdiction est limitée à 2 ou 12 h suivant le type de contrôle, et son périmètre géographique est limité dans l’espace.

En somme, l’atteinte à la liberté de communication est justifiée… sauf s’agissant hors du réseau routier national donc au-delà des autoroutes et routes nationales, où l'interdiction du signalement a été considéré beaucoup trop vaste. 

Une interdiction trop vaste hors réseau routier national

Dans un tel cadre, en effet, « cette interdiction vise, sans exception, toute information habituellement rediffusée aux utilisateurs par l'exploitant du service ».

Pour le Conseil constitutionnel, pas de doute : le législateur a été bien trop gourmand, puisque l’interdiction de partage « est susceptible de s'appliquer à de nombreuses informations qui sont sans rapport avec la localisation des contrôles de police ».

Conclusion : elle porte « à la liberté d'expression et de communication, une atteinte qui n'est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi ».

censure législation coyotte Le passage déclaré inconstitutionnel (en bleu)

Pas d’atteinte au principe d’égalité

Dans la même décision, le Conseil constitutionnel n’a pas détecté d'atteinte au principe d’égalité que dénonçait encore Coyote.

Ce régime vise les seuls systèmes d'aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation spécifiquement dédiés à la conduite et dont l’usage est autorisé au volant. « Au regard de l'objet de la loi, les exploitants de tels systèmes sont dans une situation différente de ceux proposant d'autres services de communication au public en ligne ».

De même ce régime concerne l’ensemble des exploitants des systèmes utilisés sur le territoire français, peu importe « que leur lieu d'établissement se situe en France ou à l'étranger ».

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