L’Arcom devrait bénéficier de 46,6 millions d’euros de subventions. Les « Jaunes Budgétaires » relatifs aux autorités administratives indépendantes, documents annexés au projet de loi de finances pour 2022, témoignent dans le même temps d’un effondrement de la riposte graduée en 2020.
Le budget initial de la nouvelle autorité, tout juste née de l’absorption de la Hadopi par le CSA, sera adopté en début d’année 2022. Selon les premières estimations, les crédits seraient de 29,6 millions d’euros pour les frais de personnel, 16 millions d’euros pour le fonctionnement et 2,3 millions pour l’investissement. Quant au plafond d'équivalents temps plein travaillés (ETPT), il s‘établirait à 355 dont 209 au CSA et 65 à la Hadopi.
« Cette fusion, si elle doit améliorer l’efficacité de la politique publique dans le domaine de la protection des œuvres et des publics, n’a pas réellement vocation à générer d’économies majeures » considère la Commission des affaires culturelles, non sans relever toutefois une « économie de 0,8 million d’euros résultant de l’abandon du loyer de la Hadopi ».
En juin dernier, alors que le projet de loi Arcom n’était pas encore finalisé, la haute autorité réclamait pour 2022 une subvention publique de 9 millions d’euros pour couvrir son périmètre en cours. C’est un peu plus que les 8,65 millions d’euros qui furent inscrits pour 2021. La rallonge tenait compte de la transposition de l’article 17 de la directive Droit d’auteur, relatif au filtrage sur Youtube et autres plateformes, dont la Hadopi endosse la casquette de gendarme.
Malgré les voeux de la Hadopi, le montant de la subvention finalement attribuée par le ministère de la Culture à son domaine de compétences devrait finalement être d'un peu plus de 8 millions d’euros. Un chiffre non fiable en ce sens qu’il ne tient pas encore compte des nouveaux outils de lutte contre le piratage, institués par la loi donnant naissance à l’Arcom.
Nouvelles armes contre le piratage, nouveaux investissements
Lutte contre les sites miroirs illicites, lutte contre le piratage par streaming des manifestations sportives... Les griffes de la Hadopi version Arcom, autrefois réservées au seul univers du P2P, vont déborder aussi sur le terrain du direct download et des diffusions par flux illicites.
À l’Assemblée nationale, dans la forge des débats autour du projet de loi de finances pour 2020, la Commission des affaires culturelles souligne en ce sens la nécessité de procéder à « des investissements informatiques concernant l’ensemble du champ de la régulation, relativement lourds dans le domaine de la lutte contre le piratage des évènements sportifs ».
« L’exercice de ces nouvelles missions exige le recrutement d’agents supplémentaires et le développement de nouveaux outils informatiques » constate de même le CSA, dans le rapport sur les Autorités administratives et publiques indépendantes.
En attendant ce nouvel An 1 de l'Arcom, la Hadopi note avoir connu une baisse de ses dépenses de fonctionnement. Elles « correspondent principalement à la sous exécution des crédits alloués à la mise en oeuvre de la procédure de réponse graduée liée à la diminution du nombre de saisines de la Haute Autorité, à la baisse du taux d’identification des fournisseurs d’accès à internet et aux effets de la crise sanitaire ».
Moins de riposte graduée durant l'année du confinement
En clair, la riposte graduée a connu une baisse en 2020, année pourtant marquée par le confinement durant plusieurs mois de toute la population française.
Pour apprécier ce mouvement, inutile de scruter les chiffres clés de la riposte graduée diffusés par la Haute autorité : depuis 2 ou 3 ans, ces données ne sont mises en ligne qu'au compte-goutte. Le dernier bulletin d’information remonte par exemple à mars 2020. Le précédent... à septembre 2019.
Il faut plutôt plonger son nez dans ces « Jaunes budgétaires ». On y découvre en particulier que la Hadopi a adressé l’an passé 210 275 premières recommandations (les fameux courriers d’avertissement). Et seulement 61 175 lettres remises contre signature.

Des chiffres en chute libre lorsqu’on les compare aux années précédentes, beaucoup plus fastes. En 2017 par exemple, la Hadopi avait adressé huit fois plus de premiers avertissements qu’en 2020. L’an passé, le nombre de deuxième avertissements a été divisé par plus de deux.
Pour 2021, les chiffres qui se dessinent sont encore plus bas, du moins aux deux premiers stades :
- Nombre de 1ères recommandations envoyées en 2021 (janvier-mai) : 69 555
- Nombre de 2èmes recommandations envoyées en 2021 (janvier-mai) : 19 263
Par contre, dans le même temps, le volume des transmissions au parquet s’est alourdi, passant de 922 en 2017 à 1 847 en 2020. Signe que la Hadopi a encore et toujours voulu témoigner d’une politique beaucoup plus rugueuse à l’égard des abonnés. Une réponse aux ayants droit qui ont pu critiquer dans le passé un système jugé beaucoup trop doux.
« Fléchissement en volume » : les explications de la Hadopi
Comment expliquer la fonte des lettres d'avertissement ? Contactée, Pauline Blassel, secrétaire générale de la Hadopi préfère parler de « fléchissement en volume » plutôt que d’un effondrement.
Ce « fléchissement », donc, résulterait de « l’effet combiné de divers facteurs (recul des usages illicites constatés notamment sur les réseaux pair à pair, progression constante de l’offre légale, problématiques rencontrées dans l’identification des abonnés en raison du partage d’adresses IPv4 pratiqué par un nombre accru de FAI affectant l’équilibre de la chaîne de traitement des saisines initiales en provenance des ayants droit) »
En somme les ayants droit collecteraient toujours autant d’adresses IP en amont de la procédure, mais la Hadopi parviendrait de moins en moins à identifier les titulaires d’abonnements du fait d’une mise en partage des IP avec d’autres abonnés. La fameuse problématique du port source, qui colle aux baskets de l’institution depuis son cri primal.
En mars 2021, la Hadopi nous indiquait que 30 % des IP dénoncées par les ayants droit n’étaient pas identifiés. Ce seul chiffre ne peut donc expliquer la baisse actuelle.
Pauline Blassel assure néanmoins que la riposte graduée « porte ses fruits dans des proportions toujours plus appréciables ». Ainsi, « le taux de non-réitération à l’issue de la deuxième recommandation a notamment progressé de 6 points entre 2019 et 2020, en passant de 81,7 à 87,8 % ».
Reste à savoir si ces abonnés menacés ont couru, carte bancaire à la main, sur Spotify ou Netflix, voire à la FNAC... ou bien se sont contentés de consulter les sites de streaming.
L’an passé, alors que l’envoi des premières recommandations est entièrement automatisé, les 19 agents en charge de la riposte graduée ont en tout cas traité chacun 3 220 deuxièmes recommandations dans les 288 jours travaillés.
Selon un rapide calcul, cela représente un peu plus de 14 lettres traitées par jour, auxquelles il faut ajouter les dossiers en troisième phase, préalable à la transmission au parquet, qui exigent un traitement au cas par cas, en plus des demandes d'information et de rectification adressées par les abonnés.