Passe Sanitaire : mais qu'ont voté les sénateurs et députés ?

En attendant la décision du 5 août
Droit 10 min
Passe Sanitaire : mais qu'ont voté les sénateurs et députés ?

Que prévoit la loi sur la gestion de la crise sanitaire, adoptée hier par le Parlement ? Alors que le texte est soumis désormais à l'examen du Conseil constitutionnel, il vient étendre l'obligation du passe sanitaire dans un nombre considérable de lieux. S'ajoutent l'obligation de vaccination et une ribambelle de sanctions. Panorama complet.

Un texte présenté lundi dernier en conseil des ministres. Un total de 2 378 amendements examinés par les députés et sénateurs. Des examens en séance, jusqu’au palier des premières lueurs du jour.

Un travail parlementaire au pas de courses, et de nombreuses mesures attentatoires aux libertés individuelles et aux droits fondamentaux.

La balle sera ces prochains jours dans le camp du Conseil constitutionnel qui devra jauger la proportionnalité de ces atteintes sur l’autel du bloc de constitutionnalité, Déclaration des droits de l’Homme comprise.

Voilà en quelques lignes résumée une semaine sous pression. Que prévoit le texte définitif du projet de loi relatif à la crise sanitaire, ces alpha et oméga face au variant Delta ?

Un passe sanitaire étendu, jusqu'au 15 novembre 2021 pour l'instant

Dans son premier article, les pouvoirs consacrés par la loi relative à la gestion de la crise sanitaire sont finalement étendus au 15 novembre 2021, et non jusqu’à la fin de l’année comme le plaidait le gouvernement.

Conséquence : si l’exécutif souhaite une nouvelle fois proroger ce dispositif, il devra repasser par la case parlementaire, et apporter de solides justifications d’autant qu’à cette date, les tests PCR seront rendus payants selon les vœux du gouvernement.

Le spectre des pouvoirs mis en œuvre par le Premier ministre est largement revu à la hausse puisque l’exigence du passe sanitaire est étendu à de nombreux lieux du quotidien.

  • Les restaurants et les cafés (à l’exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire)
  • Les foires, séminaires et autres salons professionnels
  • Sauf urgence, les malades (pour les soins programmés) et les accompagnants ou les visiteurs d’une personne hospitalisée ou en établissement de santé
  • Sauf urgence encore, les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux
  • Les grands magasins et centres commerciaux, au-delà d’un seuil défini par décret, et sur décision du préfet qui doit toujours garantir l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité

C’est un contrôle d’accès, en ce sens que pour pénétrer ces lieux, il faudra montrer patte blanche : un résultat négatif de dépistage virologique, un justificatif de statut vaccinal, un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination.

Ces exigences seront mises en œuvre…

  • Immédiatement pour les majeurs
  • À partir du 30 septembre 2021 pour les mineurs de plus de 12 ans
  • À partir du 30 août 2021 pour personnes qui interviennent dans ces lieux (comme les salariés, les bénévoles, etc.) « lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue »

Le justificatif pourra être papier ou numérique, mais pour ces activités quotidiennes, les personnes en charge du contrôle ne pourront connaître la nature du document présenté ni les données qu’il contient. Une mesure qui imposera sans doute une réforme du pass actuel, au QR Code si bavard, comme l’avait épinglé la Quadrature du Net devant le Conseil d’État.

La présentation des documents officiels d’identité ne sera pas nécessaire, sauf « lorsque ceux-ci sont exigés par des agents des forces de l’ordre ». En clair, un restaurateur ne pourra pas vous demander votre carte d’identité.

En outre, un décret établira, après avis de la Haute Autorité de santé, « les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination et permettant la délivrance » du justificatif. Un autre fixera après avis de la CNIL, la liste des personnes pouvant réaliser des contrôles, et « les conditions dans lesquelles les systèmes d’information constitués au sein des États membres de l’Union européenne sont reconnus comme supports de présentation de ces documents ».

Montée en puissance

Le résumé de la commission des lois au Sénat montre à eux seuls la montée en puissance de ce dispositif : lors des débats autour du projet de loi sur la gestion de la sortie de la crise sanitaire, le Gouvernement « s’était à plusieurs reprises engagé à ce que le seuil permettant d’imposer un passe sanitaire soit fixé par le décret à mille personnes ».

Ce qui a été fait avec le décret du 7 juin 2021, mais « ce seuil a toutefois été progressivement abaissé » pour s’établir à 50 personnes, d’abord pour les navires et bateaux « puis pour l’ensemble des lieux, établissements ou événements accueillant des activités de loisirs, des foires ou des salons professionnels le 19 juillet 2021 ».

Quand ce projet de loi fait finalement sauter cette logique de seuil. D’ailleurs l’exécutif est parvenu à étendre l’exigence du passe sanitaire même sur les terrasses des restaurants et des cafés. Tout le monde à la même enseigne, dans toute la France, villages un peu perdus comme coeur parisien. Une application très particulière du principe de nécessité et de proportionnalité, à l'application quelque peu baroque. 

Les salariés intervenant dans les lieux soumis au passe 

Ainsi, les personnes étrangères devront toujours présenter un passe sanitaire, peu importe le risque, quand les personnes qui y interviennent n’en seront pas astreintes lorsque ce risque de contamination sera faible au regard à la faible densité de « la population observée ou prévue ». Dans un tel cas, l’employeur sera autorisé à conserver le résultat de cette vérification et à délivrer un titre permettant une vérification simplifiée.

Si un salarié en CDI ou un agent public ne présente pas le fameux passe, il ne risquera « qu’ » une suspension de son contrat, les députés et sénateurs ayant finalement repoussé la sanction du licenciement. Cette interruption s’accompagnera de celle de sa rémunération.

« Lorsque la situation (…) se prolonge au-delà d’une durée équivalente à trois jours travaillés, l’employeur convoque le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation ».
Les CDD et contrats de mission temporaire pourront eux être rompus avant le terme.

Le volet sanction

La personne qui accède à un lieu sans la justification obligatoire pourra être sanctionnée d’une amende contraventionnelle de quatrième classe (135 euros).

Pour le responsable d’un service de transport qui ne procèderait pas à ces contrôles, le montant de l’amende variera de 1 500 euros à un an d’emprisonnement et 9 000 € d’amende, au-delà de trois verbalisations dans les trente derniers jours.

Pour les exploitants des lieux, établissements et autres responsables d’évènements, ils écoperont d’abord d’une mise en demeure de l’autorité administrative, puis d’une possible fermeture administrative de sept jours, et si un manquement est constaté « à plus de trois reprises au cours d’une période de quarante-cinq jours, il est puni d’un an d’emprisonnement et de 9 000 € d’amende ».

D’autres sanctions sont sur la rampe pour frapper les violences commises sur les personnes en charge du contrôle, ou encore en cas de présentation de faux passes sanitaires ou de dégradation des biens destinés à la vaccination.
En dehors des (nombreux) cas prévus, il sera interdit d’exiger un justificatif sanitaire. Cette pratique devient le cas échéant une infraction, punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

Les mineurs

Un seul parent, et non plus les deux obligatoirement, pourra autoriser la vaccination de son enfant mineur (ou son dépistage au Covid 19) sachant que la vaccination pourra être pratiquée à la demande d’un mineur s’il a plus de seize ans. Pour les mineurs de plus de 12 ans incarcéré, l’autorisation reviendra au directeur interrégional des services pénitentiaires, et « pour les mineurs non accompagnés, cette autorisation peut être délivrée par le juge qui statue en urgence » (il n’est pas précisé de seuil d’âge).

Jusqu’au 15 novembre 2021, les organismes d’assurance maladie devront communiquer chaque semaine aux directeurs d’établissements d’enseignement scolaire « les indicateurs en matière de contamination et de vaccination qui sont relatifs à la zone géographique dans laquelle leur établissement est situé ». Il n’est plus question d’ouvrir les vannes des données de santé des élèves, comme le voulait le gouvernement.

Les étrangers, les Français

L’article L. 824-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est modifié. Ce texte punit aujourd’hui de trois ans d'emprisonnement « le fait, pour un étranger, de se soustraire ou de tenter de se soustraire à l'exécution d'une interdiction administrative du territoire français, d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une décision d'expulsion ». Même peine « en cas de refus, par un étranger, de se soumettre aux modalités de transport qui lui sont désignées pour l'exécution d'office de la mesure dont il fait l'objet ».

Le projet de loi lui applique la même sanction s’il refuse de se soumettre aux obligations vaccinales.

Par contre, « aucune justification de motif impérieux » ne pourra être exigée d’un Français pour entrer sur le territoire français.

Auto-isolement obligatoire

Le système d'information mis en place pour lutter contre l'épidémie de covid-19 est enrichi d’une nouvelle finalité : le contrôle des mesures d’isolement. Les données consécutives à un examen de dépistage virologique ou sérologique de la covid-19 concluant à une contamination seront conservées six mois après collecte.

Ces personnes devront se placer en isolement pour 10 jours, en principe, dans le lieu de leur choix. Ce placement cesse avant l’expiration de cette durée « si ces personnes font l’objet d’un nouveau test dont le résultat est négatif à la covid-19 ».

C’est un isolement relatif : il sera possible de sortir entre 10 et 12 heures, en cas d’urgence ou pour effectuer des déplacements indispensables (l’ « indispensable » n’a pas été défini, ce qui devrait ouvrir un nouveau foyer de contentieux). Il sera possible de réclamer du préfet des aménagements pour cause de contraintes familiales ou personnelles.

En cas de non-respect ou de suspicion de non-respect de cet isolement, les agents de l’Assurance maladie pourront mener à bien des contrôles, sauf entre 10 et 12 heures et entre 23 et 8 heures.

Cet auto-isolement cache sa vraie nature, puisque sa violation sera toujours sanctionnée par une amende.

Rapport hebdomadaire

Le gouvernement aura l’obligation de remettre chaque semaine une évaluation de l’impact économique de l’extension du passe sanitaire aux activités visées désormais. Elle devra être accompagnée d’une évaluation de la perte de chiffre d’affaires liée à l’application de ces dispositions.

Vaccination obligatoire

Elle est désormais actée pour les professionnels de santé, mais également le médico-social (sauf exception), les pompiers, le transport sanitaire, etc. Tous devront être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue.
Cette obligation se fera par palier.

  • Entre l’application de la loi et le 14 septembre, ces personnes pourront se contenter, à la place du vaccin, d’un certificat de rétablissement ou d’un test négatif.
  • Au 15 septembre, seule l’option vaccin sera possible pour qu’elles puissent exercer leur activité.
  • Jusqu’au 15 octobre, néanmoins, elles pourront justifier de l’administration d’au moins une dose, avant les suivantes, outre présenter un test négatif.
  • Après le 15 octobre, leur parcours vaccinal devra être complet.

À défaut, le salarié verra son activité, mais également sa rémunération suspendues. Il n’est plus prévu expressément la possibilité de le licencier, comme le voulait le gouvernement. Par contre, s’il relève d’un ordre, celui-ci sera informé, outre que le droit commun restera applicable.

La méconnaissance de l’interdiction d’exercer ou d’effectuer des contrôles sera sanctionnée.

Enfin, les salariés mais aussi les stagiaires et les agents publics vont bénéficier d’une autorisation d’absence pour se faire vacciner, sans diminution de la rémunération.

La suite au Conseil constitutionnel

Alors que le gouvernement a pressé le pas, espérant une entrée en application au premier jour d’août, le Conseil constitutionnel a imposé son rythme.

Dans un billet publié ce jour, les neuf sages indiquent avoir déjà réceptionné une première saisine sur la loi relative à la gestion de la crise sanitaire.

« D’autres lui ont été annoncées sur ce texte. Elles viendront s’ajouter à de récentes saisines sur la loi relative à la bioéthique, sur l’initiative référendaire relative aux hôpitaux publics, sur la loi confortant le respect des principes républicains et de lutte contre le séparatisme et la loi relative à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement, pour laquelle le Premier ministre l’a invité à statuer en urgence ».

Bref, trop c’est trop. Le Conseil constitutionnel indique qu’il ne rendra sa décision que le 5 août. Conclusion : le texte, s’il passe haut la main le filtre de cet examen, ne sera publié au Journal officiel que le 6, pour une entrée en vigueur en principe le lendemain, 7 août.

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