La Commission européenne veut prolonger de dix ans la fin de l'itinérance sans frais au sein de l’Union. Elle en profite pour proposer des améliorations pour les voyageurs et veut continuer de baisser les tarifs de gros, ce qui aura des conséquences importantes.
Depuis le 15 juin 2017, la fin des frais d’itinérance est une réalité en Europe. Elle permet ainsi de profiter du « roaming comme à la maison » lors de ses déplacements dans un des pays de l’Union.
Vous pouvez ainsi appeler, envoyer des SMS et profiter d’un accès à Internet sans surcout lors d’un déplacement en Italie, en Allemagne, en Espagne, etc. Il existe certaines exceptions, nous y reviendrons. Mais « le règlement actuel est en vigueur jusqu'au 30 juin 2022 », explique la Commission européenne.
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Elle cite au passage une étude réalisée en 2019 expliquant que : « les conditions sur le marché des télécommunications mobiles ne permettent pas encore de garantir la viabilité de l'itinérance aux conditions nationales pour tous les utilisateurs professionnels et particuliers lors de leurs déplacements dans l'UE ».
Entre juin et septembre 2020, elle a ainsi lancé une consultation publique sur une éventuelle prolongation des règles et passe désormais au concret en annonçant un « nouveau règlement sur l'itinérance visant à prolonger de dix ans la validité de ces règles et à accroître les avantages qu'elles procurent aux Européens ».
Il ne se contente pas de repousser l’échéance et apporte au passage de nouvelles mesures pour les utilisateurs et les opérateurs, notamment sur les conditions d’accès à Internet en itinérance (3G, 4G et 5G), et les tarifs de gros que se facturent entre eux les opérateurs et qui permettent de définir un minimum de Go en roaming dans certains forfaits.
Il doit encore être validé par les différentes instances avant d’entrer en vigueur.
« La vitesse de réseau » ne devrait pas être inférieure en roaming
La première grosse nouveauté concerne le type de réseau accessible en roaming avec un objectif : permettre aux clients de « bénéficier de la même qualité de service à l'étranger que chez soi ». Ainsi, si un abonnement comprend un accès en 4G (voire en 5G comme cela commence à se répandre), « la vitesse de réseau à laquelle ils auront accès lorsqu'ils sont en itinérance ne devrait pas être inférieure, quel que soit le lieu où ces réseaux sont disponibles ».
La Commission se base ici sur une étude Eurobaromètre indiquant que « 33 % des personnes en déplacement dans l'UE ont observé un ralentissement de la vitesse internet mobile par rapport à celle dont ils bénéficient habituellement dans leur pays d'origine et 28 % ont constaté que la norme de réseau était inférieure à celle de leur pays d'origine (par exemple, la 3G au lieu de la 4G) ».
Concernant plus particulièrement la 5G et les nouveaux services qui seront proposés, les clients « devront être informés de la possibilité d'utiliser certaines applications et certains services en itinérance ». Pour que les consommateurs soient correctement informés des différentes situations, les opérateurs « devraient informer leurs clients de la qualité du service qu'ils peuvent escompter en itinérance en l'indiquant dans le contrat de service ».
Pour que cette promesse puisse être tenue dans la pratique, il faut encore que les opérateurs « jouent le jeu » et proposent un accès à leurs réseaux 4G/5G aux opérateurs des autres pays dans de bonnes conditions. Sur ce point, la Commission ne fait état que d’une vague recommandation :
« les opérateurs du pays visité devraient donner accès à toutes les technologies et générations de réseaux lorsqu'une demande raisonnable d'accès de gros aux services d'itinérance leur est présentée. »
Du changement pour les appels d’urgence ou payants
D’autres mesures sont présentes, notamment sur la garantie de l’accès aux services d’urgence en itinérance, avec l'assurance de « bénéficier de la transmission de la localisation de l'appelant sans interruption et gratuitement, y compris par d'autres moyens que les appels vocaux, tels que les SMS ou les applications d'urgence ».
« Les voyageurs devraient être informés des moyens d'atteindre les services d'urgence, y compris ceux destinés aux personnes handicapées, dans le pays de l'UE dans lequel ils se rendent », explique la Commission. Ces nouvelles règles « invitent les opérateurs à informer suffisamment les consommateurs des surcoûts auxquels ils s'exposent en utilisant des services à valeur ajoutée pendant l'itinérance ». C’est notamment le cas des services d'assistance – technique ou commerciale – et des numéros gratuits pouvant « donner lieu à des frais imprévus en itinérance ».
Plusieurs pistes sont évoquées : donner des informations dans les contrats, mais aussi et surtout envoyer un SMS lorsqu'un utilisateur pénètre dans un autre pays de l'UE. C’est déjà le cas pour le roaming de base, mais il devrait aussi « indiquer que l'utilisation de ces services pourrait entraîner un surcoût ».
La Commission balise le terrain pour les opérateurs, précisant que :
« Ce SMS devrait comporter un lien vers une page web spécifique fournissant des informations supplémentaires sur les types de services et, le cas échéant, sur les séries de numéros de téléphone pertinentes. »
Un tarif de gros divisé par deux d’ici à 2025…
La Commission européenne veut enfin s’assurer que ces nouvelles règles d'itinérance sans frais « sont viables pour les opérateurs ». Pour cela, elle joue avec la principale variable d’ajustement à sa disposition : les tarifs de gros, c’est-à-dire les montants que se facturent les opérateurs entre eux lorsque leurs clients sont en roaming.
Jusqu’à présent, ils sont de 0,032 euro HT par minute d’appel et 0,01 euro HT par SMS. Concernant la data, le prix du Go est progressivement passé de 7,7 euros HT mi-2017 (lors de la mise en route du règlement) à 3 euros depuis le 1er janvier 2021. Il est déjà prévu qu’il passe à 2,5 euros HT en 2022.
Deux nouveaux paliers seront ajoutés. Nous les avons détaillés ci-dessous, avec les tarifs actuellement pratiqués et ceux à venir à compter du 1er janvier 2022 (déjà prévu par le règlement en vigueur depuis 2017) :
Depuis le 1er janvier 2021 :
- Appel : 0,032 euro HT par minute
- SMS : 0,01 euro HT
- Data : 3 euros HT par Go
Du 1er janvier 2022 au 30 juin 2022 :
- Appel : 0,032 euro HT par minute
- SMS : 0,01 euro HT
- Data : 2,5 euros HT par Go
Du 1er juillet 2022 au 31 décembre 2024 :
- Appel : 0,022 euro HT par minute
- SMS : 0,004 euro HT
- Data : 2 euros HT par Go
À partir du 1er janvier 2025 :
- Appel : 0,019 euro HT par minute
- SMS : 0,003 euro HT
- Data : 1,5 euro HT par Go
… doublant aussi la quantité de data en roaming
Ces baisses auront d'autres conséquences directes, le plafond de la data étant utilisé dans la formule permettant de calculer le nombre de Go disponibles en roaming pour les forfaits « illimités » et ceux avec un « fair use » :
2 * (prix HT du forfait / tarif de gros HT du prix du Go)
Prenons l’exemple d’un forfait à 20 euros TTC par mois avec 100 Go de « fair use », soit 16,67 euros HT. Actuellement, il doit proposer au moins 11,11 Go en roaming, alors que la limite passera à 13,33 Go début 2022, puis à 16,67 Go dès le 1er juillet 2022 et enfin à 22,22 Go à partir de 2025.
Elle sera donc doublée en l’espace de quatre ans et multipliée par six en huit ans.
Trois opérateurs en France peuvent déroger aux règles
Bien évidemment, certains opérateurs auront toujours la possibilité de demander des dérogations aux régulateurs locaux. En France, ils doivent « démontrer qu’ils subiraient un déficit significatif pour fournir les services d’itinérance dans l’Espace économique européen conformément à la réglementation (un déficit supérieur en valeur absolue à 3% de leur marge sur les services mobiles) ».
En 2021, ils sont trois dans l’hexagone à disposer d’une telle autorisation : Afone (et donc Réglo), Euro-Information Telecom, Lebara France. Comme nous l’avons récemment expliqué, les trois opérateurs ne se privent pas de s’en servir sur leurs offres. Le cas d’Euro-Information Telecom est plus complexe, car il regroupe les opérateurs virtuels Cdiscount, NRJ, Crédit Mutuel, CIC et Auchan, et qu’il s’est récemment fait racheter par Bouygues Telecom.
L’Arcep nous a confirmé qu’Euro-Information Telecom restait « titulaire d’une autorisation d’exemption jusqu’au 15 juin 2021 ». Néanmoins, s’il demande le renouvellement de son autorisation, « il faudra examiner si le fait qu’il fasse désormais partie du groupe Bouygues Telecom a un impact sur la viabilité de son modèle tarifaire ».