Maintenant qu’Ingenuity est posé à la surface de Mars, la NASA procède aux derniers préparatifs avant de tenter le premier vol autonome de son drone. Plusieurs essais sont prévus. Si tout se passe comme prévu, des drones pourraient être présents dans les futures missions, avec un rôle bien plus important dans l’étude des astres.
Sur Mars, le giravion Ingenuity est désormais seul posé sur le sol de la planète. Il vient de passer sa première nuit à l’extérieur. Une bonne nouvelle pour la NASA qui parle même « d’une étape majeure ».
Rappelons que, même si la France est touchée par une vague de froid en ce début avril, ce n’est rien comparé à une nuit martienne où la température peut descendre jusqu’à - 90°C.
Les conséquences peuvent être dramatiques, comme le rappelle l’Agence spatiale américaine : de telles températures peuvent « geler et fissurer des composants électriques non protégés, et endommager les batteries embarquées nécessaires pour le vol ».
Maintenant que cette étape est derrière nous, la suite se prépare avec un « mois » dédié au drone : « Dans les jours à venir, Ingenuity sera le premier engin à tenter un vol motorisé et contrôlé sur une autre planète ». En effet, la planète rouge, et n’importe quelle autre planète du système solaire, n’a pour le moment eu droit qu’à des atterrisseurs et des rovers, aucun drone.
Ingenuity toujours « en vie » après sa première nuit par -90°C
« Concevoir un engin assez petit pour tenir sur le rover, assez léger pour voler dans la mince atmosphère de Mars, mais suffisamment robuste pour résister au froid martien a présenté des défis importants », explique la NASA.
Ingenuity était en effet installé sous Perseverance, et ne pèse que 1,8 kg sur Terre (contre l’équivalent de 0,68 kg sur Mars). Ses mensurations sont également très petites : le fuselage mesure 13,6 x 19,5 x 16,3 cm, contre 1,2 mètre de diamètre pour les rotors une fois déplié. Les quatre pieds mesurent 38,4 cm de long permettant au drone d’être surélevé de 13 cm par rapport au niveau du sol.

Ingenuity est maintenant « indépendant »…
Afin de laisser le panneau solaire du drone (placé sur le dessus des rotors) récupérer de l’énergie, le rover s’est rapidement éloignée du petit giravion. Avant de couper le cordon, Ingenuity était alimenté par Perseverance, qui le maintenait à une température de 7°C environ.
Le drone doit maintenant alimenter son système de chauffage avec ses propres batteries. Impossible par contre de rester à un « confortable » 7°C comme dans le ventre du rover. Pour économiser l’énergie, sa température tombe à -15°C au maximum. Même s’ils sont maintenant séparés, Perseverance reste le relai de communication avec le drone.
Rappelons que la seule mission d'Ingenuity est d’effectuer des essais en vol dans l'atmosphère de Mars. L'hélicoptère dispose de deux caméras – une en couleur orientée vers l'horizon pour les images du terrain et une en noir et blanc pour la navigation – mais ne transporte aucun instrument scientifique.
Les images capturées serviront à cartographier les alentours ; un repérage qui pourrait se révéler fort utile à Perseverance. En bref, il ne s’agit que d’une démonstration technologique. En cas de succès, ce genre d’engin pourrait se développer sur Mars et, pourquoi pas, d’autres objets stellaires.

… derniers préparatifs avant le premier vol, le 11 avril au plus tôt
La suite des opérations se déroulera en douceur. Demain, mercredi 7 avril, les systèmes de maintien de pales des rotors seront enlevés afin qu’il puisse déployer ses ailes. Ensuite, il sera temps de procéder aux essais sur les rotors et les moteurs du drone. La NASA ne va évidemment rien laisser au hasard et vérifier que tous les systèmes sont « ok » avant la moindre tentative.
Cela comprend aussi la centrale à inertie (un dispositif électronique mesurant l'orientation et la vitesse angulaire d'un objet) et les ordinateurs de bord qui seront chargés de piloter l'hélicoptère de manière autonome. Les six batteries au lithium-ion seront également surveillées comme le lait sur le feu durant toute la durée de la mission.
Si la « myriade de tests » se déroule comme prévu et que tous les voyants sont au vert, la première tentative de vol d’Ingenuity pourrait avoir lieu à partir du dimanche 11 avril. Les caméras de Perseverance seront braquées sur le drone afin de capturer ce moment historique. Cinq vols au total sont prévus.

La difficulté de voler sur Mars
Voler sur Mars n’est pas si simple qu’on pourrait le penser : « Le record d'altitude pour un hélicoptère volant sur Terre est d'environ 40 000 pieds. L'atmosphère de Mars est seulement un pour cent de celle de la Terre, alors quand notre hélicoptère est sur la surface martienne, il est déjà à l'équivalent de 100 000 pieds sur Terre » expliquait l’Agence spatiale américaine.
Dans tous les cas, le vol sera entièrement autonome, en raison d’une problématique simple : la latence de plusieurs minutes. « Les ingénieurs de vol de l’hélicoptère au JPL ne pourront pas contrôler l’hélicoptère avec un joystick ou consulter les données techniques et les images de chaque vol que bien après le vol ».
Toutes ces opérations doivent se dérouler durant ce que la NASA présente comme le mois d’Ingenuity, c’est-à-dire les 30 jours martiens ou « sols » de la mission. Une journée martienne ou un « sol » dure pour rappel 24,6 heures. Plusieurs vols d‘une durée de 90 secondes et de quelques centaines de mètres sont programmés.
Le bout du tunnel… avant d’autres drones sur Mars ?
Si Ingenuity fonctionne comme prévu, cela prouvera que « les hélicoptères peuvent avoir un réel avenir [...] pour accéder à des endroits inaccessibles par le sol ». Les rovers disposent en effet d’une marge de manœuvre limitée, tandis que les drones pourraient changer de cratère, dépasser des montagnes, des crevasses, etc.
Ce projet – réalisé « par des étudiants » – d’envoyer un drone sur Mars a été initié en 2013, présenté en vidéo dès 2015, mais officiellement confirmé par la NASA qu’en mai 2018. Huit ans plus tard, ce projet va enfin décoller. Cette Ingenuity coûte à l’Agence spatiale américaine environ 85 millions de dollars.