Les néo-banques regardent à leur tour du côté des cours de collèges et lycées pour accompagner leur croissance et gagner de nouveaux clients. Une petite dernière se lance : Vybe. Pour convaincre, elle mise sur sa gratuité et des récompenses. Un bon plan pour ses clients comme pour elle ?
Qu’elles soient traditionnelles, en ligne ou mobiles, les banques ont une même préoccupation : attirer de nouveaux clients et les conserver le plus longtemps possible en leur proposant régulièrement de nouveaux produits.
Les jeunes, ces primo-accédants en puissance
Pour les banques de détail, c’est-à-dire celles visant les particuliers avec des produits généralistes (comptes courants et moyens de paiement, un peu d’épargne et de crédit), la solution passe par la séduction des enfants de leurs clients. Une manière de convaincre ces derniers de venir ou de rester.
Les acteurs traditionnels sont rodés depuis longtemps à cet exercice, proposant un livret d’épargne à la naissance du petit, une carte de retrait pour faciliter les dépenses de l’enfant lors de ses premières vacances loin du nid, un petit bonus en cas de mention à un examen, etc.
Après tout, ils auront ensuite un premier emploi, leur propre voiture, un appartement ou une maison. Peut-être en devenant propriétaire. Être là dès leur plus jeune âge c'est aussi s'assurer d'avoir plus de chances de les accompagner dans ces étapes. Une mécanique bien huilée, où les néo-banques agissent comme un grain de sable.
Les jeunes clients d'aujourd'hui alimenteront les géants de demain
Car les nouveaux clients sont moins fidèles et plus volatils que leurs parents. La mobilité bancaire et l'offre pléthorique, de plus en plus complète, aidant. Il faut donc répondre à leurs attentes. Chacun y va alors de son service bancaire un peu plus ciblé vers les jeunes... même les « néo ».
Après une phase de conquête des technophiles, CSP+ voyageant régulièrement et autres early-adopters, ces banques nouvelle génération se mettent peu à peu à viser cette clientèle. Assez ironiquement, celles qui ont voulu casser le modèle bancaire en reviennent finalement aux mêmes bonnes vieilles recettes.
Elles ont ainsi presque toutes lancé une offre « Junior » directement sous leur marque ou non, parfois réservées à leurs clients. Mais il y a aussi de nouveaux acteurs qui entendent bien se faire une place de choix sur ce marché en adoptant les codes et mécaniques qui plaisent aux jeunes, avec des offres exclusivement pensées pour eux.
C'est le cas de Vybe, « la banque pour ados » qui se lance ce 30 septembre. Signe des temps, elle fait le buzz depuis le printemps dernier sur Instagram (@vybecard) avec près de 55 000 followers. Dont autant de futurs clients ?
Cashback et petits avantages
Elle est pour le moment réservée exclusivement aux 13 à 17 ans. Une version pour adultes est bien prévue, mais n’ouvrira que dans quelques mois. Elle propose un compte bancaire classique avec son propre IBAN pour y recevoir de l’argent de la famille, d’amis ou d’un petit job d’été et ne pas dépendre uniquement des parents.
Offre pour jeune oblige, aucun découvert n'est possible. Elle est fournie avec une carte bancaire Mastercard sans contact à autorisation systématique (personnalisable d'ici quelques mois). L'entreprise insiste sur sa gratuité et l'absence de frais, même à l'étranger.
Attention tout de même, la FAQ précise que « les 3 premiers retraits en distributeur sont gratuits, et facturés 1 euro par la suite ». Une mécanique logique du fait des commissions d'interchange.
Vybe propose, comme Lydia et d’autres, un transfert de fonds instantané entre porteurs de cartes par SMS. Mais aussi du cashback. À chaque fois que l’adolescent dépense de l’argent dans l’une des 30 enseignes participantes, il récupère une partie de la somme et peut alors soit la dépenser, soit la mettre dans un système d’épargne. Cette cagnotte peut également être alimentée en arrondissant les dépenses à l’euro supérieur.
Des mécaniques déjà vues ailleurs, mais qui ont fait leurs preuves et sont en général appréciées des clients. Pour le moment, aucun système de paiement mobile à la Apple/Google/Samsung Pay n'est proposé.

À peine lancée, déjà un succès auprès de sa cible ?
La banque est gratuite pour l’adolescent et ses parents, que ce soit pour la gestion du compte ou l’émission de la carte. En réalité, elle compte sur son système de cashback pour se rémunérer en prenant une commission auprès des commerçants sur chaque achat effectué avec l'une de ses Vybecard.
Elle approche déjà certains indépendants à Paris et dans la petite couronne pour augmenter le nombre de lieux où sa carte est acceptée. Avant même le lancement, Vybe avait reçu 190 000 précommandes et assure en recevoir 1 000 de plus par jour. Le PDG, Vincent Jouanne, nous précise que 30 000 cartes sont déjà prêtes à être expédiées.
Pour assurer sa promotion, l'entreprise mise également sur ses ambassadeurs. Comment le devenir ? « Il te suffit d’activer le mode ambassadeur directement via la pré-app. En tant qu’ambassadeur tu représenteras Vybe partout où tu iras et Vybe te confiera des missions par email 🤫 ». Oui, en 2020 les banques utilisent des émojis.
Il y a bien entendu du parrainage (2 euros). Comment est-il financé ? « Grâce à notre levée de fonds [2,2 millions d'euros en juin dernier, nldr], il fait également partie de notre budget marketing. Il représente l’argent que nous sommes prêts à dépenser pour obtenir un nouveau client ». Une forme de transparence dans la communication dont il faudra voir si elle perdure avec le temps, et lors d'éventuels problèmes.
Les futures Vybers devront passer par la procédure d’enrôlement traditionnelle, même si celle-ci a été revisitée du fait qu’ils soient mineurs. Pour devenir définitivement client de la banque, il faut produire une pièce d’identité de l’enfant, une d'un parent, un livret de famille ou un acte de naissance pour prouver la filiation, un justificatif de domicile et une vidéo du parent pour vérifier qu’il correspond bien à sa pièce d’identité. Une étape complexe.
À quel point la startup arrive à transformer l'essai ? L'enjeu sera aussi que les clients utilisent sa carte autant qu'espéré. Ces derniers devront être convaincus, car les acteurs sont nombreux, le passage d'un service à l'autre aisé pour ces utilisateurs qui n'ont pas (encore) pléthore de prélèvements à migrer en cas de changement.
Un contrôle parental très (trop ?) poussé
Mais le service a un autre atout dans sa manche : il veut convaincre les parents. Dans les faits, ce sont toujours eux qui ont le dernier mot au sein de Vybe. Ils disposent d'un accès privilégié au compte de leur enfant, dans une mesure qui va largement au-delà de ce que proposent les concurrents. Parfois un peu trop ?
À partir de son portail dédié, et bientôt d'une application, le parent peut : bloquer la carte, limiter les achats par montant ou par fréquence, interdire les achats sur Internet ou par secteur et interdire le cashback. Et surtout, il est averti par SMS ou par e-mail de la moindre dépense effectuée par le mineur.
À l’âge où celui-ci ne rêve que d’indépendance, il n’est pas évident que cette surveillance constante ne lui fasse pas préférer les espèces, elles, intraçables.
Des concurrents déjà positionnés
Si dans un premier temps, Vybe ne s’intéresse qu’aux adolescents, ce n’est pas la première néo-banque ni la première fintech à viser ce marché. Xaalys et Pixpay se sont lancés sur ce secteur en 2019 avec une offre similaire, sans cashback, mais facturés à 2,99 euros par mois et par compte.
Nickel décline une version jeune de sa carte pour 20 euros par an (comme la carte adulte), avec un contrôle possible de l’adulte, mais moins instantané. Et les principales banques en ligne comme Boursorama avec son offre Kador proposent un compte courant lié à une carte à autorisation systématique pour l’adolescent, à condition que le parent ait déjà un compte chez eux, le plus souvent gratuitement.
De même, Revolut propose des comptes Junior, ouvrables eux dès 7 ans, pour les enfants de tous ses clients. Dans les cas où parents et enfant sont dans la même banque, à la majorité de ce dernier, le compte passe en version classique quasi automatiquement. Et un client de plus déjà conquis !