Battery Day de Tesla : derrière les chiffres et les belles promesses, quelle réalité ?

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Tech 13 min
Battery Day de Tesla : derrière les chiffres et les belles promesses, quelle réalité ?

Afin de réduire le cout au kWh et augmenter l’autonomie de ses batteries, Tesla développe de nouvelles cellules. Elles devraient être mises en circulation à partir de 2022. Le fabricant en profite pour annoncer un véhicule électrique (dont on ne sait rien) à 25 000 dollars et un Model S Plaid très haut de gamme.

Cette semaine, Tesla organisait sa conférence annuelle des actionnaires dans une ambiance assez particulière : les personnes n’étaient pas sur des chaises, mais dans des voitures garées sur un parking face à une estrade où se trouvaient les intervenants, notamment Elon Musk. Au grès des annonces et de leur humeur, ils klaxonnaient au lieu d’applaudir.

Mais surtout, une seconde conférence était programmée dans la foulée : le Battery Day. L’ensemble durait près de 2h30. De nombreuses annonces ont été faites sur les caractéristiques et compositions des prochaines batteries, qui permettront notamment de lancer une nouvelle voiture électrique encore moins chère, mais sans pour autant venir en compétition avec celles à moteur à explosion. Pour ceux dont le portefeuille est bien rempli, il y a aussi la Model S version Plaid à 140 000 euros, capable de passer de 0 à 100 km/h en moins de 2,1 secondes.

Alors que les rumeurs spéculaient sur des annonces « révolutionnaires », la réalité était quelque peu différente… comme souvent dans ce domaine. De très nombreuses sociétés et laboratoires de recherche à travers le monde travaillent pour rappel sur ce sujet, avec plus ou moins de succès lorsqu’il s’agit de passer de la théorie à la pratique.

Tesla peut néanmoins compter sur l’aura de son emblématique patron, Elon Musk, pour s’assurer un certain écho dans la presse et sur les réseaux sociaux. Les « gros » chiffres de la conférence sont ainsi repris en boucle par certains, mais que cachent-ils exactement ? Nous avons pris le temps de nous pencher sur le sujet.

Une batterie, comment ça marche ?

Tout d’abord, quelques rappels importants pour la suite, en commençant par le principe de fonctionnement d’une batterie. Elle est composée d’un ou plusieurs packs, comprenant chacun une ou plusieurs cellules. Cet élément – parfois appelé accumulateur – est cylindrique (quelques dizaines de mm de long et de diamètre en général) et correspond donc à la plus petite partie indivisible. 

On peut ainsi comparer une batterie à une palette d’eau : elle est composée de plusieurs packs avec généralement six bouteilles chacun, chaque bouteille représentant l’équivalent d’une cellule pour la batterie. On peut monter les cellules en série ou en parallèle pour additionner respectivement les tensions et les intensités.

Il y a quelques années, nos confrères d’Electrek s'étaient penchés sur les batteries de 85 kWh et 60 kWh de chez Tesla : la première comprend 16 packs de 444 cellules (soit 7 104 cellules), la seconde 14 packs de 384 cellules (5 376 au total). Un démontage en vidéo est disponible par ici.

Passons maintenant au lithium des fameuses batteries « lithium-ion » : « C’est un métal alcalin, donc on en fait des électrodes de la batterie. Quand on branche un circuit sur la batterie, les atomes de lithium perdent des électrons, ils deviennent donc des ions […] c’est-à-dire des atomes avec une charge positive. Vu qu’ils ont perdu un électron, ils passent dans l’électrolyte de la batterie pour aller chercher les électrons qui ont circulé dans le circuit et qui se retrouvent dans l’autre électrode. Pour recharger la batterie, on fait la réaction inverse », explique le CEA.

Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives ajoute qu’elles ont l’avantage de pouvoir stocker plus d’énergie qu’un autre métal alcalin, tout en ayant une durée de vie plus longue et une recharge plus efficace. Tout n’est pas parfait pour autant : « Le problème du lithium est qu’il s’agit d’une ressource rare et présente dans certaines parties du globe ». De plus, « il n’existe pas à l’état natif dans la nature. On doit l’extraire de certaines roches souterraines avant de pouvoir l’exploiter, ce qui demande beaucoup d’énergie et d’eau : environ deux millions de litres par tonne de lithium ».

Des cellules 1865, 2170 et maintenant 4680… késako ?

Au fil des années, Tesla a déjà procédé à des modifications sur les cellules utilisées dans ses batteries. Il faut dire qu’il en existe de différentes formes, certaines plus répandues que d’autres. Le fabricant est passé du type 1865 – on parle aussi de type 18650 – au 2170.

Dans les deux cas, les deux premiers chiffres représentent le diamètre (18 et 21 mm respectivement), et les deux derniers la longueur (65 et 70 mm) de la cellule. Elles sont toutes deux un peu plus grosses qu’une pile classique AA, qui mesure 14,2 x 50 mm. 

Cela fait maintenant plusieurs années que les 2170 sont exploitées, et ce type de cellule apporterait « 50 % d'énergie en plus dans la cellule », affirme Drew Baglin, vice-président Powertrain and Energy Engineering de Tesla. Il se garde par contre bien de préciser que, dans le même temps, le volume a augmenté de 47 %. On est en effet passé de 16,5 cm³ sur les celulles type 1865, à 24,2 cm³ sur les 2170. Le gain est donc bien réel, mais loin des 50 % mis en avant une fois ramené à un volume équivalent.

Tesla s’est demandé quel était le meilleur format d’une cellule afin d’optimiser sa capacité et son temps de charge. « Nous avons trouvé un "sweet spot" quelque part autour de 46 mm » de diamètre (bien supérieur à ce que l’on trouve actuellement), explique le vice-président de la société. Des cellules plus grosses seraient donc plus intéressantes sur le papier, mais ce n’est pas si simple d’arriver à les produire.

Les équipes techniques de l’entreprise sont néanmoins arrivées à trouver une solution avec des cellules de type 4680 (46 mm de diamètre, 80 mm de long). Avec ce changement, Tesla annonce « cinq fois l'énergie avec six fois plus de puissance », probablement par rapport aux 2170, mais il faut là encore relativiser ses chiffres. Les cellules 4680 sont aussi plus grosses avec un volume de 133 cm³, soit 8 fois plus que les 1865 et 5,5 fois plus que les 2170. Comme lors du passage du 1865 au 2170, il faut regarder au-delà des x5/6 fiérement mis en avant par le constructeur. 

Au final, le gain sur l’autonomie serait de 16 % précise la société. Mais ces nouvelles cellules permettraient aussi de « baisser de 14 % le prix en dollars du kWh ». C’est donc toujours intéressant à prendre puisqu’il ne s’agit que d’un changement de facteur de forme. « Je tiens à souligner que ce n'est pas seulement un concept ou un rendu. Nous sommes dans une phase d’accélération de la fabrication de ces cellules dans notre usine », ajoute Drew Baglin.

Diverses améliorations dans les usines et les procédés de fabrication viennent s’ajouter à ce gain, permettant au passage de diminuer de 18 % supplémentaires le prix en dollars du kWh de la batterie. Selon Elon Musk, c’est ainsi 32 % de moins sur le prix au kWh d’une batterie. Ce n’est ni négligeable ni terminé pour autant.

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Des cellules sans languette pour limiter les effets thermiques

L’augmentation de la taille des cellules n’est pas sans conséquence sur les questions thermiques et il fallait donc trouver une solution pour limiter la chauffe. Tesla est ainsi passé à des cellules dites « tabless », c’est-à-dire sans les languettes que l’on retrouve normalement pour les relier entre elles. 

Cette nouvelle technique permet de « supprimer fondamentalement le problème thermique de l'équation et permet de passer au facteur de forme le plus économique et au processus de fabrication le plus simple », affirme le fabricant lors de sa conférence. Au lieu de languettes, « les feuilles métalliques à l’intérieur de la cellule sont découpées au laser ».

Au final, les cellules (et donc la batterie) sont composées de moins de pièces – simplifiant la production – et les électrons ont une distance moins importante à parcourir : 50 mm au lieu de 250 mm avec des languettes, limitant de fait les effets thermiques. 

Des anodes en silicium pour remplacer le graphite

Un autre changement concerne les matériaux utilisés pour les électrodes. « Parlons d'abord de l'anode et du silicium. Pourquoi le silicium est-il génial ? Car c’est l’élément le plus abondant de la croûte terrestre après l’oxygène, ce qui signifie qu’il est partout… c’est du sable », explique Drew Baglino. « Le sable est du dioxyde de silicium », ajoute Elon Musk.

« Et il se trouve que [le silicium] stocke neuf fois plus de lithium que le graphite, qui est le matériau d'anode typique dans les batteries lithium-ion aujourd'hui ». Il y a évidemment un « loup », sinon tous les fabricants du monde utiliseraient déjà depuis longtemps du silicium, plus abondant et moins cher : « La principale raison étant que le silicium se dilate d’un facteur quatre lorsqu'il est complètement chargé de lithium » ; une paille…

Cette contrainte a des conséquences importantes sur la durée de vie d’une cellule, alors davantage soumise à des craquements, des fissures et des pertes de capacité. Bref, tout ce qu’il faut éviter ou presque dans une batterie. D’humeur poétique, Elon Musk propose une comparaison : « avec du silicium, le gâteau s'effrite et devient gluant ».

Tesla indique travailler sur un procédé maison afin d’exploiter du silicium. Ce changement pourrait apporter une réduction du prix de la batterie au kWh de 5 %, mais il permettrait aussi de gagner 20 % en autonomie. C’est donc une piste prometteuse pour le constructeur automobile.

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Des cathodes nickel et sans cobalt 

Après l’anode, la cathode. « Qu'est-ce qu'une cathode de batterie ? Elle est comme une bibliothèque où le métal, le nickel, le cobalt, le manganèse ou l'aluminium sont des étagères et le lithium des livres » posés sur lesdites étagères, explique Drew Baglino. La solidité des étagères et donc leur capacité à stocker plus ou moins de livres dépend du type de métal (nickel, cobalt…).

Le nickel « est le moins cher, mais aussi celui avec la densité énergétique la plus élevée », l’objectif est donc d’en utiliser au maximum. Mais comme avec le silicium, il y a un hic : « L'une des raisons pour lesquelles le cobalt est largement utilisé, c’est qu'il propose une bibliothèque très stable. Le défi avec le nickel pur est de stabiliser cette bibliothèque ». Tesla est donc en train de développer des « cathodes à haute teneur en nickel et ne contenant pas de cobalt ». 

Mais compte tenu de la disponibilité du nickel, Tesla prévoit une approche à trois niveaux pour la conception de ses batteries : « on commence par le fer pour le milieu de gamme, puis le nickel-manganèse comme un niveau intermédiaire plus, et ensuite nickel » pur ou presque, notamment pour les produits avec de gros besoins comme le Cyber ​​Truck et le semi-remorque électrique. Les proportions du mélange nickel-manganèse seraient d’environ 2/3 et 1/3 respectivement, permettant ainsi de produire 50 % de cellules supplémentaires avec la même quantité de nickel, toujours selon Tesla.

Des améliorations sur le procédé de fabrication sont également à l’étude. « Quand vous résumez tout cela, c'est une réduction de 66 % des investissements CapEx, une réduction de 76 % des coûts de production, avec zéro eau usée » pour la création des cathodes.

Des travaux sont également en cours pour améliorer le recyclage des anciennes batteries. Au final, Tesla espère une réduction de 12 % du prix du kWh avec ces nouvelles cathodes, tandis que l’autonomie de la batterie augmenterait de 4 %. 

L’intégration des packs de cellules dans le châssis de la voiture est également en train d’être améliorée, avec un gain de 7 % sur le prix du kWh à la clé.

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Tesla espère baisser de 56 % le prix du kWh de ses batteries

Comme les petites rivières font les grands torrents, Tesla additionne l’ensemble des gains pour arriver à une « réduction totale de 56 % en dollars par kW/h ». Encore faut-il que toutes les estimations soient justes, que toutes les difficultés techniques soient franchies et que le maximum soit atteint à chaque fois. Le gain pourrait être finalement bien moins important. De son côté, l’autonomie serait en hausse de 54 %, en prenant évidemment les mêmes pincettes.

Tesla prévoit que ses nouvelles batteries commenceront à arriver en 2022 avec peu de changement sur le prix du kWh dans un premier temps, mais le gain devrait rapidement augmenter durant les années suivantes. La production en masse est pour l’instant prévue à partir de 2025.

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Une Tesla dès 25 000 dollars, une Model S Plaid à 140 000 euros

Les dernières annonces d’Elon Musk concernaient les voitures à proprement parler. Il était ainsi question d’un nouveau véhicule électrique – qui n’a pas de nom pour le moment – à un tarif qui se veut attractif : « dans trois ans environ, nous sommes convaincus que nous pourrons fabriquer un véhicule électrique très intéressant à 25 000 dollars, et qui est aussi entièrement autonome ». Actuellement, la version d’entrée de gamme est une Model 3, dont le tarif débute à 35 000 dollars. Mais elle n’est plus proposée via le configurateur en ligne.

Pour les amateurs de puissance avec de l’argent sur leur compte en banque, Tesla lance la version Plaid de sa Model S. Elle arrivera à la fin de l’année prochaine. Le fabricant multiplie les chiffres pour séduire les clients qui aiment la vitesse : 0 à 60 mph (97 km/h environ) en moins de 2 secondes, vitesse de pointe de 322 km/h, 1/4 de mile (400 mètres environ) en moins de 9 secondes, plus de 1 100 chevaux sous le capot, une autonomie de plus de 837 km et un tour du circuit Laguna Seca (3,6 km) en 1:30.3. Une vidéo avec un prototype en 1:36 avait été mise en ligne l’année dernière.

Bien évidemment, cette Model S Plaid se paye au prix fort : 139 990 euros, en précommande sur le site du fabricant. Pour rappel, le Model S Long Range est disponible à partir de 83 990 euros, la version Performance à 100 990 euros. Il faut dans tous les cas ajouter 7 500 euros pour la « capacité de conduite entièrement autonome » qui devrait bien finir par arriver un jour.

Puisque l’on parle de cette option, Elon Musk a indiqué qu’une bêta privée devrait être lancée dès le mois prochain. Qui pourra en profiter, sous quelles conditions et combien de temps durera-t-elle ? Mystère et boule de gomme. 

Tesla Model S Plaid

Rien « n’est acquis », le titre plonge en bourse

L’attente sera donc longue… visiblement trop pour la bourse qui a décidé de sanctionner le fabricant. Le titre plongeait de plus de 15 % suite à la conférence, mais reprenait un peu de poil de la bête en fin de journée pour arriver à 8/9 % de moins « seulement ».

Une frilosité qui se ressent chez certains spécialistes du secteur : « Rien de ce dont Musk a parlé à propos des batteries n'est acquis. Il n'y avait rien de tangible », déclarait ainsi Craig Irwin (analyste chez Roth Capital Partners) à Reuters. Il ne faut pas non plus oublier qu’Elon Musk a régulièrement annoncé des échéances que le fabricant n’a pas réussi à tenir (et de loin).

Dans tous les cas, l’action de Tesla s’est largement envolée en l’espace d’un an, avec un spectaculaire bond en avant de + 700 % par rapport à septembre 2019. 

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