« La CNIL va adresser très prochainement un courrier à la préfecture de Police de Paris afin d’obtenir des précisions sur la manière dont les déclarations sont traitées et pour quelles finalités ». Voilà ce que nous indique l’autorité administrative, contactée par nos soins.
Ce courrier à venir fait suite aux propos de Gérald Darmanin après les manifestations organisées en marge des débats sur la proposition de loi sur la sécurité globale.
Plusieurs confrères s’étaient plaints de ne pas avoir pu exercer leur métier. Interpellation, garde à vue… Le ministre de l’Intérieur avait indiqué alors que « si des journalistes couvrent des manifestations, conformément au schéma de maintien de l’ordre (…), ils doivent se rapprocher des autorités, en l'occurrence les préfets de département, singulièrement ici le préfet de police de Paris, pour se signaler, pour être protégés également par les forces de l'ordre, pour pouvoir rendre compte, faire son travail de journaliste dans les manifestations ».
Une obligation de se rapprocher de la Préfecture pour se signaler ? Le même a tenu à préciser par la suite que « pour éviter la confusion au moment d’une opération, le schéma national du maintien de l’ordre que j’ai présenté en septembre prévoit que les journalistes peuvent, sans en avoir l’obligation, prendre contact avec les préfectures en amont des manifestations », a tempéré quelques heures plus tard le même ministre de l’Intérieur.
Sur Twitter notamment, nous avions ainsi soulevé une hypothèse : si des journalistes sont invités à faire connaître leur statut à la préfecture, pour couvrir une manifestation, c’est qu’on peut craindre la mise en place d’un fichier. Une sorte de liste blanche à destination des forces de l’ordre en opérationnel. Or, aucune trace de création d'un tel fichier au Journal officiel.
Un fichier ou non ?
La CNIL n’est pas certaine de l’existence d’un fichier. « Ne sont soumis à la loi informatique ou libertés que les "traitements automatisés", donc informatisés, ou la constitution d’un fichier papier. Une simple information transmise à la préfecture ne suffit pas. À ce stade, il nous apparait donc difficile d’être aussi affirmatif au regard des éléments dont nous disposons », tempère l’autorité.
Dit autrement, si les journalistes sont simplement invités de se rendre à la Préfecture de police pour obtenir des informations, la législation sur les données personnelles n'est pas applicable. Mais on comprend mal du coup les propos du ministre qui les invitait à « se signaler ».
Inversement, « dans l’hypothèse où un tel traitement automatisé ou fichier serait mis en œuvre pour le compte de l’État et intéressant la sécurité publique, il conviendrait effectivement que la CNIL se prononce sur les conditions de mise en œuvre au regard de la réglementation applicable en matière de protection des données. Même s’il poursuit d’autres finalités, la CNIL serait compétente pour le contrôler ».
Elle nous rappelle que les articles du Code de la Sécurité intérieure « sur les formalités à accomplir en amont d’une manifestation et notamment la nature des informations devant être communiquées ne prévoient pas l’obligation ou même la possibilité de dresser une liste de journalistes susceptibles d’être présents (au mieux des informations relatives aux organisateurs) ».
Et de nous indiquer qu'elle « va adresser très prochainement un courrier à la préfecture de Police de Paris afin d’obtenir des précisions sur la manière dont les déclarations sont traitées et pour quelles finalités ».