Fichier des journalistes à la Préfecture de Police ? Alertée, la CNIL va demander des précisions

Fichier des journalistes à la Préfecture de Police ? Alertée, la CNIL va demander des précisions

L1978 ou pas ?

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Marc Rees

Publié dans

Droit

20/11/2020 4 minutes
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Fichier des journalistes à la Préfecture de Police ? Alertée, la CNIL va demander des précisions

« La CNIL va adresser très prochainement un courrier à la préfecture de Police de Paris afin d’obtenir des précisions sur la manière dont les déclarations sont traitées et pour quelles finalités ». Voilà ce que nous indique l’autorité administrative, contactée par nos soins.

Ce courrier à venir fait suite aux propos de Gérald Darmanin après les manifestations organisées en marge des débats sur la proposition de loi sur la sécurité globale.

Plusieurs confrères s’étaient plaints de ne pas avoir pu exercer leur métier. Interpellation, garde à vue… Le ministre de l’Intérieur avait indiqué alors que « si des journalistes couvrent des manifestations, conformément au schéma de maintien de l’ordre (…), ils doivent se rapprocher des autorités, en l'occurrence les préfets de département, singulièrement ici le préfet de police de Paris, pour se signaler, pour être protégés également par les forces de l'ordre, pour pouvoir rendre compte, faire son travail de journaliste dans les manifestations ».

Une obligation de se rapprocher de la Préfecture pour se signaler ? Le même a tenu à préciser par la suite que « pour éviter la confusion au moment d’une opération, le schéma national du maintien de l’ordre que j’ai présenté en septembre prévoit que les journalistes peuvent, sans en avoir l’obligation, prendre contact avec les préfectures en amont des manifestations », a tempéré quelques heures plus tard le même ministre de l’Intérieur.

Sur Twitter notamment, nous avions ainsi soulevé une hypothèse : si des journalistes sont invités à faire connaître leur statut à la préfecture, pour couvrir une manifestation, c’est qu’on peut craindre la mise en place d’un fichier. Une sorte de liste blanche à destination des forces de l’ordre en opérationnel. Or, aucune trace de création d'un tel fichier au Journal officiel. 

Un fichier ou non ?

La CNIL n’est pas certaine de l’existence d’un fichier. « Ne sont soumis à la loi informatique ou libertés que les "traitements automatisés", donc informatisés, ou la constitution d’un fichier papier. Une simple information transmise à la préfecture ne suffit pas. À ce stade, il nous apparait donc difficile d’être aussi affirmatif au regard des éléments dont nous disposons », tempère l’autorité.

Dit autrement, si les journalistes sont simplement invités de se rendre à la Préfecture de police pour obtenir des informations, la législation sur les données personnelles n'est pas applicable. Mais on comprend mal du coup les propos du ministre qui les invitait à « se signaler ». 

Inversement, « dans l’hypothèse où un tel traitement automatisé ou fichier serait mis en œuvre pour le compte de l’État et intéressant la sécurité publique, il conviendrait effectivement que la CNIL se prononce sur les conditions de mise en œuvre au regard de la réglementation applicable en matière de protection des données. Même s’il poursuit d’autres finalités, la CNIL serait compétente pour le contrôler ».

Elle nous rappelle que les articles du Code de la Sécurité intérieure « sur les formalités à accomplir en amont d’une manifestation et notamment la nature des informations devant être communiquées ne prévoient pas l’obligation ou même la possibilité de dresser une liste de journalistes susceptibles d’être présents (au mieux des informations relatives aux organisateurs) ».

Et de nous indiquer qu'elle « va adresser très prochainement un courrier à la préfecture de Police de Paris afin d’obtenir des précisions sur la manière dont les déclarations sont traitées et pour quelles finalités ».

 

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Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Un fichier ou non ?

Commentaires (26)


Ah ! notre ami Marc dans sa facette “poil à gratter” ! En pleine forme pour réagir et devenir un acteur en plus d’être observateur de l’actualité.



Continue ! C’est comme ça qu’on t’aime !
:bravo:


Ca sent le match en plusieurs rounds, j’espère que les journalistes finiront par avoir gain de cause et puisse travailler sans avoir a se signaler en pref avant un événement, ils ont déjà généralement un brassard “Press” faut pas abuser non plus.


Vu tout ce qu’ils sont en train de passer à coté, c’est l’épouvantail pour occuper le monde. En plus comme cela concerne les journaliste en premier chef…


Ça va être fun, surtout que des journalistes ont noté de leur côté que la préfecture n’est au courant de rien.


D’un coté on nous explique que la liberté d’expression inclue la représentation et la publication d’un certain prophète, de l’autre on veut nous interdire de publier des images de policiers.


Le document schéma de maintien de l’ordre, je ne vois nul part écrit que les journalistes doivent se signaler (j’ai mal lu ?). Est-ce qu’il y a une loi ou un arrêté pour ça ?


Point 2.2.2


Donk

Point 2.2.2


Oui sur place le jour de la manif ils peuvent se signaler, mais pas à la préfecture.


Donk

Point 2.2.2


Ils confirment donc qu’il faut que les journalistes soient accrédités ?


La dernière photo en bas du document indique que les journalistes doivent être accrédités par le ministère de l’intérieur et porter un dossard “ministère de l’intérieur” :windu:


Aucun, mais ce sont les consignes données aux forces de l’ordre.
Ainsi on peut procéder à des arrestations et gardes à vue (même si elle ne sont suivie que de rappel à l’ordre) et surtout faire peur :)



(reply:1838361:Donk) Merci ! C’était bien caché quand même…




Sinon est-ce que ce document a une valeur juridique ? Ça ressemble curieusement à une note de service quand même.


Je ne suis pas juriste, je ne sais pas quel statut juridique a le schéma de maintien de l’ordre. A priori c’est une circulaire qui donne les instructions du gouvernement (source : le document sur légifrance). C’est clairement plus qu’une note de service.


Le droit à l’information est un droit fondamental, en plus de potentiellement ficher les journalistes présents lors de manifestations ou d’évènements sur la voie publique, l’Etat n’a pas le droit de restreindre l’accès à un regroupement publique à des personnes exerçant directement ou par médiation leur droit à l’information.



On comprend que l’impact de la crise économique est et va être encore plus terrible et que le gouvernement prépare sa mue autoritaire pour mater toutes les contestations (légitimes vu sa responsabilité dans la crise économique engendré par son incompétence à gérer la pandémie). Je suppose que la police va recevoir des consignes pires que ce qui a été fait durant les gilet jaunes.



Vivement les élections nationales qu’on change la donne car ça part à vau-l’eau.



(reply:1838383:Jossy) Merci, pour le lien vers la circulaire. Il est clairement écrit que le chapitre 2.2 “Prise en compte des journalistes ” du schémas du maintien de l’ordre s’applique à partir du 1er janvier 2021.



Mais du coup, si tous les journalistes qui ont manifestés il y a peu, s’était tous déclarés en préfecture, ça se serait passé comment ? :zarb:



(reply:1838342:traveling light) +1



Tout ce pataquès autour de ce prétendu signalement, qui n’est basé sur rien, à part les élucubrations d’un ministre qui ne sait pas de quoi il parle.
Et pendant qu’on joue sur les mots de l’idiot de service, ou qu’on s’attarde du droit de filmer, on ne parle pas des autres articles, qui eux concernent toute la population.
(dans ce “on” je n’inclus pas NI puisqu’ici on a parlé de la loi de sécurité globale)



J’ai plutôt l’impression qu’on fait monter la sauce sur cette histoire de déclaration parce qu’elle concerne les journalistes, le corporatisme fait le reste. Comme cette garde-à-vue du journaliste de France 3qui a occupé les collègues pendant plusieurs jours (les citoyens lambdas n’ont pas droit à des pleines pages, eux). Je ne dis pas que c’est injustifié, je dis que leur outrance est à géométrie variable.


Oui, c’est un détail non anodin, mais le reste du texte est encore plus dangereux.



Si les députés et sénateurs d’opposition font leur travail, le texte devrait se retrouver en bonne partie censuré par le Conseil Constitutionnel.



LREM c’est vraiment La République en Matraque.


C’est souvent comme ça dans leurs façon de faire. Du coup le débat va tourner principalement autour de l’article 24. Mais comme le gouvernement a bon coeur et de bonnes intentions ils vont l’amender/ supprimer et s’en vanter/le faire relayer auprès des médias.



Pendant ce temps là tout va passer comme une lettre à la Poste à l’assemblée national. Il n’y a plus qu’à espérer une censure plus tard …


Kawasashi

C’est souvent comme ça dans leurs façon de faire. Du coup le débat va tourner principalement autour de l’article 24. Mais comme le gouvernement a bon coeur et de bonnes intentions ils vont l’amender/ supprimer et s’en vanter/le faire relayer auprès des médias.



Pendant ce temps là tout va passer comme une lettre à la Poste à l’assemblée national. Il n’y a plus qu’à espérer une censure plus tard …


:chinois:



Quand le citoyen montre la lune, le journaliste regarde son intérêt.


Jarodd

:chinois:



Quand le citoyen montre la lune, le journaliste regarde son intérêt.


Si seulement c’était aussi tranché ça serait beaucoup moins malsain.



Combien de citoyen sont au courant de tout ce que prévois le “gouvernement” (cette loi n’est même pas proposé par le gouvernement directement sinon elle nécessiterai une étude d’impact #jassumepas)?
Si on montre aux gens le système de surveillance en temps réel en place en Chine ils vont répondre globalement un truc du style “Oh mais c’est en Chine c’est des bourrins de la dictature lol”. Et quand tu leurs expliquent que ça va être la même chose en France voir pire. Ils te répondront dans la majorité “N’importe quoi”.



Combien reste t-il de journaliste d’atualité compétent dans les grand journaux/médias? Depuis de nombreuses années le débauchage de journaliste est présent dans toute les formes de média (les lignes éditoriales ayant changé drastiquement). Les journalistes de plus de 30ans présent dans les médias de masses se font vraiment rare … Et une grande partie de ceux qui restent sont très engagé politiquement et servent en partie l’état…
Les journalistes qui ne regardent pas leurs intérêt ne sont majoritairement plus là pour en parler …
Il n’y a qu’à regarder comment se sont déroulé les élections du DG de l’AFP



Enfin bref, ça pue la merde à tout les étages !


C’est juste, en dehors de NXI je n’ai pas vu d’autres médias aborder en détail le problème des autres articles.



Est-ce que cet article 24 servirait d’épouvantail pour mieux pouvoir faire passer le reste une fois qu’il aura été édulcoré ?



Edit : grilled depuis 1h ^^’



Jossy a dit:


Je ne suis pas juriste, je ne sais pas quel statut juridique a le schéma de maintien de l’ordre. A priori c’est une circulaire qui donne les instructions du gouvernement (source : le document sur légifrance). C’est clairement plus qu’une note de service.




Il y a des perles dans ce document “Matériels facilitant le dialogue ” et “Prise en compte des journalistes (point de contact privilégié, sensibilisations croisées)” Les points de contact privilégié, c’est là où il faut cogner pour que ça soit plus efficace ? :transpi:


(Bla bla bla…) « le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ». Je pense que c’est la seule phrase du SDMO que vont retenir les FDO. Il s’agit de fait d’une censure de la liberté d’informer sur les pratiques des FDO en matière de dispersion de manifestation (qui sont bien celles qui posent de graves problèmes). Il s’agit par ailleurs d’une affirmation abusive eu égard à la séparation du pouvoir exécutif et judiciaire, ce dernier étant le seul à pouvoir apprécier l’absence d’exonération de la constitution du délit. On peut ici valablement s’interroger sur la compatibilité de la loi pénale avec la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, qui a valeur constitutionnelle. La loi pénale ne devrait pas en l’espèce entraver la liberté d’expression, dès lors qu’elle ne porte pas atteinte à autrui.