Le piratage des contenus sportifs sous l'oeil de la Hadopi et du CSA

Le piratage des contenus sportifs sous l’oeil de la Hadopi et du CSA

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Marc Rees

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Droit

31/03/2020 6 minutes
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Le piratage des contenus sportifs sous l'oeil de la Hadopi et du CSA

Alors que la grande loi audiovisuelle prévoit des outils dédiés à la lutte contre le streaming de compétitions sportives, les deux autorités publient une étude à point nommé sur la diffusion de sport sur Internet en étudiant de près ces consommations illicites.

La loi sur l’audiovisuel est actuellement en pause, comme tous les autres textes parlementaires durant la catastrophe du Covid-19. Pour autant le projet est sur la rampe, prêt pour la reprise des débats. Il programme la fusion de la Hadopi au sein du Conseil supérieur de l’audiovisuel sous l’égide d’une nouvelle autorité, l’Arcom.

Les deux acteurs viennent de publier une étude sur le sport en ligne, en scrutant justement la question de la lutte contre le piratage. Étude qui permettra de nourrir les débats en séance.

Si dans les années 2000, le sport était épargné, la démocratisation et généralisation des accès à haut débit change la donne. Désormais, « les compétitions de football sont les plus piratées, en particulier la Ligue 1 et la Ligue des Champions en France » remarquent les deux autorités bientôt réunies. En 2018, ainsi, « leurs audiences illicites moyennes étaient évaluées respectivement à 677 000 et 366 000 internautes par journée de compétition ».

Toujours selon l’étude, « 17 % des internautes français de 15 ans et plus ont déjà eu recours à des moyens illégaux pour accéder à des contenus sportifs en ligne ». Le visionnage par streaming illicite serait plébiscité. Il concernerait un consommateur illicite sur deux. 36 % pratiqueraient ces usages depuis des liens postés sur les réseaux sociaux. 31 % utiliseraient une box Kodi ou système équivalent branchée sur sa télévision.

« Les éditeurs de télévision, en particulier les chaînes payantes, subissent la concurrence déloyale d’acteurs illégaux qui captent une audience importante sans jamais avoir acquis de droits de diffusion de compétitions sportives », souligne le document. « La consommation d’offres illégales constitue une perte et génère un manque à gagner en termes d’abonnements et d’audience ».

Pour les diffuseurs, c’est la double peine : perte d’abonnements et recettes publicitaires dévalorisées. Et même triple puisque les éditeurs peuvent trouver un moyen de négocier à la baisse le montant des droits.

La Hadopi et le CSA citent un exemple : « certains contenus diffusés par la chaîne L’Équipe sont ainsi repris illégalement sur des comptes YouTube. Ce sont généralement des contenus de niche qui attirent un public très ciblé (ex : les compétitions de biathlon). La plupart des chaînes gratuites géobloquent cependant leurs contenus pour éviter qu’ils soient diffusés illicitement à l’étranger ».

Ce piratage affecterait au surplus « l’économie du sport amateur qui repose pour une partie sur la taxe Buffet, dont l’assiette est le montant de la cession des droits télévisuels par des ayants droit français ».

Cette taxe se concrétise à l’article 302 bis ZE du Code général des impôts. Son taux est fixé à 5 % du montant des encaissements. Son produit « atteint environ 50 millions d’euros, contribue au financement du sport à hauteur d’une part plafonnée, augmentée en 2019 de 25 à 40 millions d’euros », chiffre sur ce point, le rapport Bergé

Un système d'ordonnance dynamique dans la future loi audiovisuelle

Pour mieux armer la législation, la Commission des affaires culturelles a en tout cas imaginé à l’article 23 du projet de loi sur l’audiovisuel, un système d’ordonnance « dynamique » unique de douze mois. Dans cette ordonnance, le juge pourra ordonner le blocage, le retrait ou le déréférencement des sites pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition ou de la manifestation sportive.

Sur un calendrier de 12 mois, l’intégralité d’une saison sportive sera couverte.

La décision visera des sites identifiés, mais pourra être mise à jour pour tenir compte des sites miroirs. Cette seconde liste noire sera adressée aux intermédiaires par une ligue ou une chaîne selon des modalités fixées par l’ARCOM.

Pourquoi cette mise à jour ? Aujourd’hui, indiquent la Hadopi et le CSA, il n’existerait pas de procédure permettant d’obtenir le blocage des services illicites.

L’article l.336-2 du Code de la propriété intellectuelle, adopté en 2009, permet certes de faire ordonner « toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une (…) atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ».

Cette disposition poserait cependant des difficultés juridiques, nous confie la Hadopi. Elle pourrait être activée par les chaînes de télévision, mais en visant plutôt l’agencement éditorialisé des programmes, pas nécessairement au cas par cas (« en France, les évènements sportifs ne sont pas considérés comme des œuvres et ne relèvent donc pas du droit d’auteur et des droits voisins », prévient le rapport). De plus, elle soulèverait des risques de conflits de droits entre organisateurs des compétitions sportives et ces acteurs.

Surtout, insiste le même document, « la lutte contre le piratage de retransmissions sportives impose d’agir dans de très brefs délais, la valeur de la retransmission étant par nature éphémère, limitée à la durée de l’évènement lui-même, ce qui soulève des questions à la fois techniques et juridiques ». 

La problématique de la fragmentation des offres licites

Un autre levier existe au regard des services « over the top » (OTT). La Hadopi et le CSA suggèrent aux chaînes en ligne de « proposer des plateformes plus fiables techniquement, offrant une qualité de navigation et de visionnage des vidéos satisfaisante, dans un environnement ergonomique et garant d’une bonne expérience utilisateur ».

Aujourd’hui, la fragmentation des offres n’aide pas vraiment face aux pratiques illicites : « 62 % des consommateurs ayant ce type de pratiques avancent une raison liée au prix ». 73 % des consommateurs « illicites » envisageraient toutefois d’arrêter de regarder le sport illégalement s’il y avait moins d’offres légales sur le marché.

« Le fait qu’une compétition soit répartie entre plusieurs diffuseurs renforce ce sentiment de frustration », celui d'abonnés incapables financièrement de démultiplier les abonnements.

Écrit par Marc Rees

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Introduction

Un système d'ordonnance dynamique dans la future loi audiovisuelle

La problématique de la fragmentation des offres licites

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Commentaires (14)


En bref, le streaming/IPTV sportif à encore de beau jour.








NXI a écrit :



Aujourd’hui, la fragmentation des offres n’aide pas vraiment face aux pratiques illicites : « 62 % des consommateurs ayant ce type de pratiques avancent une raison liée au prix ». 73 % des consommateurs « illicites » envisageraient toutefois d’arrêter de regarder le sport illégalement s’il y avait moins d’offres légales sur le marché.

« Le fait qu’une compétition soit répartie entre plusieurs diffuseurs renforce ce sentiment de frustration », celui d’abonnés incapables financièrement de démultiplier les abonnements.



tout est dis et n’est pas spécifique au streming de sport, idem pour série et plus particulièrement anime.

Avec Netflix qui est devenu assez gros on arrive à avoir pas mal de contenu pour un seul abonnement mais avec disney en embuscade, Amazon qui grossit et tous les sites d’anime c’est vraiment impossible de regarder tout en légal.









NextInpact a écrit :



« certains contenus diffusés par la chaîne L’Équipe sont ainsi repris illégalement sur des comptes YouTube. Ce sont généralement des contenus de niche qui attirent un public très ciblé (ex : les compétitions de biathlon).[…]»





Alors là je ne comprend pas ! L’ÉquipeTV est en accès gratuit, sois via la tnt, soit via les box, soit même sur leur site avec 4H de possibilité pour revenir en arrière.









darkweizer a écrit :



Alors là je ne comprend pas ! L’ÉquipeTV est en accès gratuit, sois via la tnt, soit via les box, soit même sur leur site avec 4H de possibilité pour revenir en arrière.







C’est la capture d’émission puis leur mise en ligne sur youtube.





« la lutte contre le piratage de retransmissions sportives impose d’agir dans de très brefs délais, la valeur de la retransmission étant par nature éphémère, limitée à la durée de l’évènement lui-même, ce qui soulève des questions à la fois techniques et juridiques ».

<img data-src=" /> Le tmps qu’ils s’en aperçoivent et réagissent, la diffusion sera finie. <img data-src=" />


Et qu’ils réagissent, la saison sera finie.








Nicky5 a écrit :



Et qu’ils réagissent, la saison sera finie.





<img data-src=" /> Peut-être pas jusque là quand même.

Je serais mort de rire si un plaisantin diffusait un match de foot sur deux serveurs pour les titiller genre la 1ère mi-temps sur un puis la seconde mi-temps sur un autre. <img data-src=" />



Bof, rien à battre du sport à la télé.

Pour que je regarde un match de quoi que ce soit, il faudrait me payer.




Ok.

<img data-src=" />

Mais en fait je n’ai pas d’argent pour toi.

Casse-toi.

<img data-src=" />



PS: tu n’est pas de la famille de skankhunt42?

Le mec qui poste en pandémie de diarrhée cérébrale?

(il a une chiée d’idée, mais c’est que de la merde)



<img data-src=" />



PS2: je ne regarde pas les matchs, et je ne me prostituerai pas pour ça moi.

<img data-src=" />








choukky a écrit :



<img data-src=" /> Le tmps qu’ils s’en aperçoivent et réagissent, la diffusion sera finie. <img data-src=" />





Je ne pense pas : Justement, le but est de prétexter la “durée de vie brève mais haute valeur ajoutée” des émissions sportives pour justifier un blocage expéditif et sans juge en quelques minutes.

(Quelque soit la technique utilisé pour ce blocage, qui est un autre problème).



Par contre, ce qui me semble gros comme un immeuble de la Défense, c’est qu’une fois les procédures mises en place pour le sport, t’a les officines type SACEM , SACD, et les autres habitués qui vont te sortir la rengaine “Pourquoi eux et pas nous” - comme pour le terrorisme & la pédopornographie.



Après, il y a une énorme différence : Pour le sport il faut des serveurs de streaming en IPTV, donc une infrastructure conséquente et réactive. Pour l’échange de fichiers les protocoles de pairs à pairs sont plus résilients aux pannes et donc à la censure (qui est une sorte de panne provoquée).



Techniquement parlant je pense qu’il est plus simple de bloquer des serveurs IPTV au niveau des FAI (“facilement” en bloquant le DNS comme c’est déjà fait, ou plus efficacement en blacklistant ou blackholant les IP des serveurs).

Ceci dit, un simple VPN, voire juste un proxy même pas chiffré , règle le problème en quelques secondes.



Plusieurs opérateurs ont vu , durant le confinement, un trafic conséquent vers des opérateurs (== plages IP) normalement peu usité en France mais connu pour proposer des VPN. Pour que ça se voit sur les graphe, ça veux dire que assez de gens utilisent simultanément leurs VPN assez longuement, par exemple pour des films.

=&gt; Ca ne m’étonnerais pas que l’on ai cette année une “étude de l’ARCOM”, financée par nos impôts, sur notre propre utilisation des VPN…

&nbsp;

&nbsp;L’espoir que j’ai, c’est que l’arrivé du FTTH va rendre exploitable des protocoles P2P temps-réel (tel que peercast, mais il y en a d’autre) pour des flux a haut débit & faible latence en multisource. Et là, pour bloquer…. good luck.









OB a écrit :



Techniquement parlant je pense qu’il est plus simple de bloquer des serveurs IPTV au niveau des FAI (“facilement” en bloquant le DNS comme c’est déjà fait, ou plus efficacement en blacklistant ou blackholant les IP des serveurs).



Le blocage par DNS empêchera ceux qui n’ont pas déjà commencé à regarder de le faire, mais ceux qui ont déjà commencé connaissent déjà l’IP du serveur de streaming et n’ont plus besoin de DNS. Or je doute que la majorité des personnes commencent à regarder un match longtemps après son début.



Et pas besoin de VPN pour le blocage par DNS. Quant au blocage par IP, c’est très dangereux, surtout dans le cadre du streaming où ça peut être hébergé sur des serveurs de streaming spécialisés qui hébergent énormément de contenus sur un seul serveur. Il y a eu des précédents, et du coup personne en France n’a encore osé proposer durablement ce type de blocage. Ca contrevient aussi bien plus à la neutralité du net qu’un blocage par DNS.



<img data-src=" /> Tes arguments tiennent la route.

De toute façon sur le long terme, avec la démocratisation de la fibre, ils l’auront dans l’os. <img data-src=" />




Inodemus a écrit :



Quant au blocage par IP, c’est très dangereux, surtout dans le cadre du streaming où ça peut être hébergé sur des serveurs de streaming spécialisés qui hébergent énormément de contenus sur un seul serveur. Il y a eu des précédents, et du coup personne en France n’a encore osé proposer durablement ce type de blocage. Ca contrevient aussi bien plus à la neutralité du net qu’un blocage par DNS.



Je ne suis pas d’accord avec toi sur ce point pour 2 raisons:





  1. Les ayatollah de l’anti-piratage vivent depuis toujours dans le monde de Canal+ , TPS et autres TV crypté / chiffré / bloqué , où le blocage des contenus est la règle , et l’ouverture l’exception. C’est le monde de l’arbitraire, de la “tête du client”, où les seuls recours sont judiciaires.

    Tout l’inverse d’Internet.



    Donc, pour eux, la neutralité du net c’est le tout dernier de leur souci. J’irais même jusqu’à dire que, pour eux, c’est une incongruité, voire même une ineptie. Si la conséquence de leurs actions c’est de bloquer des milliers de sites parce que t’a bloqué tout OVH, dans leur esprit , le fautif ce n’est pas eux, c’est OVH qui a “laissé” le site bloqué s’installer chez OVH, et les autres sites.



    Le danger ici , c’est qu’ils parlent à des gens , des législateurs, qui ne comprennent pas forcément les concepts des opérateurs, de l’hébergement, du fast-flux, ….&nbsp; . Pour l’instant ces derniers ne s’en sont pas laissé compter, mais il suffit d’une erreur d’inattention et plaf.



  2. Je ne pense pas qu’on puisse invoquer ici la neutralité du net : ce concept couvre les entraves des opérateurs ou des hébergeurs au fonctionnement normal du net, dans un objectif de profit, de négociation commerciale, ou tout autre chose. Mais là, on parle de contraintes juridiques provenant d’un état souverain.

    Les opérateurs se voient donc imposer, par les politiciens, cette censure.

    &nbsp;

    &nbsp;








OB a écrit :



Je ne suis pas d’accord avec toi sur ce point pour 2 raisons:





  1. Les ayatollah de l’anti-piratage vivent depuis toujours dans le monde de Canal+ , TPS et autres TV crypté / chiffré / bloqué , où le blocage des contenus est la règle , et l’ouverture l’exception. C’est le monde de l’arbitraire, de la “tête du client”, où les seuls recours sont judiciaires.

    Tout l’inverse d’Internet.



    Donc, pour eux, la neutralité du net c’est le tout dernier de leur souci. J’irais même jusqu’à dire que, pour eux, c’est une incongruité, voire même une ineptie. Si la conséquence de leurs actions c’est de bloquer des milliers de sites parce que t’a bloqué tout OVH, dans leur esprit , le fautif ce n’est pas eux, c’est OVH qui a “laissé” le site bloqué s’installer chez OVH, et les autres sites.



    On est d’accord sur tout ça, je ne pensais pas à eux mais aux autres parties (opposants et législateurs) pour éviter le blocage par IP et respecter la neutralité du net.







    OB a écrit :



    Le danger ici , c’est qu’ils parlent à des gens , des législateurs, qui ne comprennent pas forcément les concepts des opérateurs, de l’hébergement, du fast-flux, ….&nbsp; . Pour l’instant ces derniers ne s’en sont pas laissé compter, mais il suffit d’une erreur d’inattention et plaf.



    Jusqu’à maintenant, les législateurs ont été suffisamment renseignés pour ne pas (trop) se laisser avoir. Je ne crois pas à l’erreur d’inattention car les opposants se chargeront des rappels. Il y a de mauvais précédents à brandir concernant le blocage par IP. Pour rajouter une telle possibilité, plus restrictive et génératrice de dommages collatéraux, il faudrait une argumentation très convaincante et une opposition très peu convaincante.



    Pour le blocage par IP, l’opposition a été convaincante jusqu’ici, et il ne me semble pas qu’on soit ne serait-ce que proche d’imaginer y recourir. Même l’industrie culturelle, malgré tout ce qu’elle a imposé aux hébergeurs, moteurs de recherche et fournisseurs d’accès, n’y est pas parvenue. Mais je ne vois pas l’avenir, je me trompe peut-être.







    OB a écrit :



  2. Je ne pense pas qu’on puisse invoquer ici la neutralité du net : ce concept couvre les entraves des opérateurs ou des hébergeurs au fonctionnement normal du net, dans un objectif de profit, de négociation commerciale, ou tout autre chose. Mais là, on parle de contraintes juridiques provenant d’un état souverain.

    Les opérateurs se voient donc imposer, par les politiciens, cette censure.



    Ca se discute en effet, mais pour moi, la neutralité du net est un principe universel qui ne dépend pas de qui décide des règles à appliquer. Le principe est même plutôt l’absence de règles. De nombreux pays contreviennent massivement à ce principe, et le fait qu’ils rendent ça légal ne change pas le fait qu’ils y contreviennent.



    Donc on peut toujours l’invoquer (surtout qu’elle est garantie par une juridiction supérieure, l’Europe) mais c’est un argument de plus, pas une barrière absolue, puisqu’on peut toujours faire l’objection que tu viens de faire. Je pense quand-même qu’un pays européen qui se mettrait a trop abuser des blocages se ferait rappeler à l’ordre sur la base de ce principe.