Niveau finance, tout roule pour Bouygues, et sa branche Telecom en profite pour revenir sur deux importants projets : Saint Malo et Astérix. L’approche du lancement de la 5G et le cas Huawei inquiète par contre le PDG de la société. Enfin, cette dernière propose de nouveau un point succinct sur la cyberattaque dont elle a été victime.
Bouygues a mis en ligne son bilan financier pour l’année 2019. Si les voyants sont au vert sur le chiffre d’affaires (37,929 milliards d’euros, +7 %) et le résultat brut (1,184 milliards de dollars, en baisse de 124 millions), le contexte est relativement chargé pour le groupe.
Sa branche Telecom (qui a recruté des clients sur le fixe et le mobile) est en effet en pleine procédure d’attribution de la 5G et doit faire face à la loi dite anti-Huawei qui pourrait introduire des « distorsions de concurrence entre les opérateurs » selon Martin Bouygues.
De son côté, la division Construction a été la cible d’une cyberattaque via le rançongiciel Maze fin janvier. La publication des résultats est l’occasion de revenir sur l’ensemble de ces sujets, en plus d’autres informations sur les projets en cours (Saint Malo, Astérix).
La cyberattaque aurait « très faiblement impacté » les chantiers
Face à cette cyberattaque, Bouygues Construction est restée relativement silencieuse, avec simplement deux communiqués très succincts. Il s’agit pour rappel du rançongiciel Maze qui chiffre les données et demande une rançon afin de pouvoir les récupérer. Dans le cas de Bouygues Construction, elle serait de 10 millions de dollars.
Dans son bilan, le groupe réexplique que, « par mesure de précaution » sa branche Construction avait « arrêté son système d’information pour éviter toute propagation et des mesures spécifiques [avaient] été prises pour assurer la continuité des activités, tant en France qu’à l’international ».
Les premières remises en service « d’équipements et d’applications ont été réalisées » indique maintenant la société, qui reconnaît tout de même que « l’activité commerciale et l’activité opérationnelle des chantiers sont très faiblement impactées ». Auparavant, elle indiquait simplement qu’« aucun chantier n’[avait] été arrêté ». On précise de nouveau que « les polices d’assurance ad hoc sont activées et une plainte a été déposée auprès des autorités compétentes ».
« On a une chance dans notre malheur, c'est qu'on n'a pas une activité industrielle pilotée par [l']informatique », affirme le groupe à l’AFP, avant d’ajouter que cet incident n’aura « pas d'impact » sur ses résultats. Toujours à nos confrères, le groupe affirme ne pas avoir « été négligents » : « On a été attaqué par quelque chose de nouveau, par un virus d'un nouveau genre ». Maze fut découvert en mai 2019, mais son action s’est largement amplifiée ces derniers mois.
Dans tous les cas, le groupe travaille étroitement avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), qui nous avait assuré d’une « collaboration efficace » entre les équipes. Cette entente avait notamment permis à l’ANSSI d’établir un « indicateur de compromission » de Maze et ainsi lancer un bulletin d’alerte afin d’éviter des compromissions en série en France.
Bouygues Construction n’a par contre toujours pas souhaité répondre à nos questions.
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Martin Bouygues parle 5G, Huawei et « distorsions de concurrence »
Changeons de sujet pour la 5G. En France, les opérateurs doivent demander une autorisation afin de pouvoir utiliser des équipements Huawei (ou d'une autre marque) pour déployer leurs futurs réseaux. Alors que les premières autorisations devraient arriver d’ici la fin du mois, selon Reuters, Martin Bouygues profite de la présentation des résultats de son groupe pour lancer une mise en garde, comme le rapportent nos confrères :
« Si nous étions […] dans l’obligation d’utiliser un autre équipementier que Huawei, dans les zones où nous avons des équipements 4G Huawei actuels, nous serions obligés de les démonter et de réinstaller des équipements, ce qui a un effet de coût et de délai […] Il n’est pas normal qu’on crée des distorsions de concurrence entre les opérateurs ».
Il rejoint ainsi Arthur Dreyfuss, président de la FFTélécoms mais aussi secrétaire général de SFR (et donc concerné directement par le cas Huawei), qui affirmait récemment aux Échos que l’État devait indemniser les opérateurs si Huawei était banni en France : « Je ne souhaite pas donner de chiffres à ce stade. Je dis, lançons le débat avec le sérieux qu'il mérite. Car si un opérateur ne peut pas utiliser un équipementier pour la 5G auquel il a recours aujourd'hui pour la 3G et la 4G, il faudra démonter une partie substantielle des réseaux. Les travaux auront un coût important ».
Chez Stéphane Richard, PDG d’Orange, le son de cloche n’est pas le même : « Nous on est plus libres, notre réseau radio c’est Nokia et Ericsson, donc la question Huawei est moins importante pour ce qui nous concerne ». Fidèle à son habitude, Free Mobile (Iliad) n’a pas fait de déclaration particulière sur le sujet.
Quoi qu’il en soit, Didier Casas, secrétaire général de Bouygues Telecom affirme que l’opérateur se réserve le droit de mener des actions si nécessaire, notamment de lancer un recours contre les décrets d’application de la loi dite anti-Huawei, explique Reuters.

Chiffres d’affaires en hausse, plus d’un milliard d’euros de bénéfice
Pour en revenir aux chiffres, Bouygues (dans son ensemble) termine l’année avec des revenus de 37,929 milliards d’euros, contre 35,555 milliards en 2018. Les activités du groupe se portent bien : les revenus de la construction progressent de 5,8 %, ceux de TF1 de 2,1 %, contre 13,4 % pour Bouygues Telecom.
Le résultat net est positif, mais en baisse sur douze mois avec 1,184 milliard d’euros en 2019 au lieu de 1,308 milliard. L’entreprise explique que c’est dû à « la baisse des produits non courants (20 millions d’euros en 2019 contre 265 millions d’euros en 2018), principalement chez Bouygues Telecom ».
Dans le détail, il s’agit de « plus-value de cession de sites et de 100 millions d’euros de produits non courants liés à l’annulation de charges à payer antérieures à 2018 sur les redevances des fréquences 1800 MHz et 47 millions d’euros de charges non courantes liées au partage de réseau ».
152 000 clients de plus sur le mobile, 142 000 sur le fixe, 1 million en FTTH
Les résultats de la branche téléphonie mobile et Internet fixe sont bons : « Le parc forfait Mobile hors MtoM atteint 11,5 millions de clients à fin décembre 2019, en hausse de 653 000 nouveaux clients sur l’année dont 152 000 sur le quatrième trimestre. Le parc de clients FTTH atteint 1 million, grâce au gain de 427 000 nouveaux clients sur l’année, dont 142 000 sur le seul quatrième trimestre ».
La hausse de la base clients est une des causes de l’augmentation des revenus, mais pas la seule : le revenu moyen par abonné a lui aussi grimpé : « Pour la première fois depuis 2011, l’ABPU [Average Billing Per User, ndlr] Mobile augmente au quatrième trimestre 2019 sur un an (+0,5 euro à 19,7 euros par client par mois) »… mais il baisse sur trois mois puisqu’il était de 19,9 euros au troisième trimestre. De son côté, « l’ABPU Fixe est en hausse de 1,1 euro à 27,0 euros par client par mois sur l’année », contre 26,6 euros il y a trois mois.
Sur la fibre optique, Bouygues Telecom revendique fin 2019 près de « 12 millions de prises FTTH commercialisées et a relevé à 22 millions son objectif de prises FTTH commercialisées à fin 2022 (contre 20 millions précédemment) ». Enfin, il compte se renforcer dans les offres BtoB, aussi bien sur le fixe que le mobile, en s’appuyant sur les récentes acquisitions de Keyyo et Nerim.
Les investissements étaient par contre moins importants en 2019 : 940 millions d’euros, soit 302 millions de moins qu’en 2018. Il devrait repartir à la hausse en 2020 avec la procédure d’attribution des fréquences qui a été lancée il y a quelques semaines. Les opérateurs ont jusqu’au 25 février pour déposer leurs dossiers de candidatures.
Pour rappel, cette procédure se déroulera en deux étapes : un prix fixe de 350 millions d’euros pour 50 MHz en échange d’engagement supplémentaire, et des enchères pour les 110 MHz restants avec un prix de départ de 70 millions d’euros par bloc de 10 MHz.
Projets Saint-Malo et Astérix
Le groupe détaille deux de ses projets actuels : Saint Malo et Astérix. Le premier concerne le « déploiement d’une infrastructure nationale de fibres optiques (FTTA et FTTO) » – respectivement Fiber-To-The-Antenna Fiber-To-The-Office – afin de relier les équipements de réseau de l’opérateur et de proposer des offres dédiées aux entreprises.
Des négociations se déroulent « avec un partenaire en vue de créer une JV [co-entreprise, ndlr] pour déployer et commercialiser l’infrastructure et gérer son exploitation ». Bouygues Telecom serait actionnaire minoritaire de ce projet à 1 milliard d’euros.
De son côté, le projet Astérix vise à « accélérer le déploiement FTTH de Bouygues Telecom en Zone Moyennement Dense (ZMD) ». L’opérateur recherche un partenaire afin de monter une co-entreprise (un appel d’offres a été lancé), dont il serait de nouveau actionnaire minoritaire.